mardi 27 décembre 2016

Cinéma : mon palmarès 2016


En 2016, j'ai vu 117 films au cinéma (la liste complète est ici). Et l'année a été riche ! Ce n'était donc pas facile d'en extraire dix seulement... Mais je me suis plié à l'exercice. Le trio de tête s'est dégagé assez facilement mais la question était de savoir dans quel ordre ! Finalement, j'ai mis sur la première marche du podium le film qui m'a probablement, et le plus durablement, ému cette année. Mais les deux suivants sont vraiment juste derrière... et les sept autres, des films incontournables pour moi en 2016.

Voici donc mon top 10, tout à fait personnel, et donc subjectif, mais complètement assumé !

1. La tortue rouge
Un conte philosophique sans parole, absolument bouleversant. Une animation épurée, aux lignes claires, qui magnifie la nature et l'amour, qui célèbre la vie, et offre 80 minutes de bonheur dont on ressort à la fois ému et plein de sérénité (grâce aussi à une musique magnifique). Une pure merveille !
Ma critique complète ici.

2. Premier contact
Un immense film de science-fiction, où la dimension intime et l'émotion ont toute leur place. Un scénario riche et intelligent qui permet de nombreux prolongements (sur l'étranger, le langage, le deuil...). Et quel final bouleversant ! De ceux qui continuent de vous hanter longtemps après la fin du film...
Ma critique complète ici.

3. The Revenant
Un grand film éprouvant, âpre, violent, mystique, qui offre une expérience cinématographique intense, grâce à une réalisation virtuose, dont on ressort un peu KO... mais hanté par des scènes marquantes, des images sublimes, et le regard de Leonardo Di Caprio.
Ma critique complète ici.

4. Julieta
Un portrait de femme bouleversant, filmé par Almodovar avec une grande sobriété. Cela permet au film d'éviter tout pathos tout en gardant une force et une profondeur exceptionnelles. C'est un film qui parle d'amour, de destin, de fidélité, d'éducation, de transmission, de secrets, mais surtout du poids de la culpabilité.
Ma critique ici.

5. Paterson
Une ode à la poésie, à travers une chronique du quotidien d'un conducteur de bus poète. Un film délicat, un brin nostalgique, plein d'humour et de tendresse. Profondément humain. Une merveille.
Ma critique ici.

6. Eternité
Un film contemplatif d'une beauté formelle ahurissante. Il y a très peu de dialogues, une voix off très présente, beaucoup de musique. Et des images sublimes, lumineuses, sensuelles, à fleur de peau, avec beaucoup de gros plans, des magnifiques mouvements de caméra, de longs plans, des ralentis... Un hymne à la vie.
Ma critique ici.

7. Les Innocentes
Un drame poignant, inspiré de faits réels, pour un film sobre et lumineux. Au coeur du film se trouve les questionnements sur la foi, abordées de façon très honnête et sensible, évoquant plusieurs chemins possibles, sans passer sous silence les doutes, les souffrances, les frustrations.
Ma critique ici.

8. Spotlight
Un grand film qui offre une plongée passionnante dans le journalisme d'investigation. On ne sort pas indemne de ce film traitant de faits réels sordides... mais on est aussi conforté quant à l'absolue nécessité de la liberté de la presse et du travail des journalistes !
Ma critique ici.

9. Manchester by the Sea
Un drame aussi intense que pudique, une magnifique évocation du deuil et de la manière de survivre aux drames de notre passé. Un film où on pleure mais où on rit aussi, un film humain. La vie, quoi !
Ma critique ici.

10. Ave César
Un film jubilatoire, un petit bijou de drôlerie cynique, ciselé en orfèvre par les frères Coen. Et un vrai hommage au cinéma hollywoodien des années 50.
Ma critique ici.

Enfin, en bonus, voici encore en vrac d'autres films que j'ai vraiment beaucoup aimé cette année et qui, souvent, auraient sans doute eu leur place dans le top 10 ci-dessus (par ordre alphabétique) :
Anomalisa / Brooklyn Village / Café Society / Frantz / The Hateful Eight / Les premiers, les derniers / Ma loute / Mal de pierres / Midnight Special / Moi, Daniel Blake / Rogue One / Star Trek Beyond / Steve Jobs / Sully / Tu ne tueras point

Je suis déjà dans les starting-blocks pour 2017. Des films alléchants s'annoncent déjà...

lundi 26 décembre 2016

Paterson : Ode à la poésie, chronique du quotidien. Une merveille.

Paterson est conducteur de bus et il vit... à Paterson. Il y mène une vie tranquille aux côtés de Laura, sa compagne, qui rêve de grands projets pour son avenir et refait la déco de la maison, toujours en noir et blanc, presque tous les jours. Et puis il y a bien-sûr Marvin, leur bouledogue anglais. Mais Paterson est aussi poète. Il écrit chaque jour ses poèmes sur un carnet secret.

Le film évoque une semaine de la vie de Paterson. Il se lève tous les matins, sans réveil, à peu près à la même heure. Il se rend à son travail, entend les conversations savoureuses des usagers du bus, il sort Marvin tous les soirs et fait une pause au même bar pour boire une bière. Et dès qu'il a un peu de temps, il écrit des poèmes, inspirés de la vie quotidienne.

Paterson est d'abord une chronique toute simple et délicate du quotidien, un brin nostalgique voire doucement surréaliste (les jumeaux !) mais aussi avec beaucoup d'humour. Et surtout, profondément humain. Le quotidien de Paterson est fait de routine mais aussi de rencontres. La galerie de personnage croisés tout au long du film est savoureuse et touchante, que ce soit dans le bus, dans le bar, dans la rue ou sur un banc (dans la magnifique scène finale). Et dans ce quotidien, le personnage de Paterson fait preuve d'une bienveillance qui fait vraiment du bien.

Paterson est aussi une très jolie histoire d'amour. Le couple qu'il forme avec Laura est très bien assorti : un poète et une rêveuse ! Et leur relation, faite de tendresse et d'attention, est vraiment touchante.

Mais bien-sûr, Paterson, c'est une ode à la poésie. Une poésie qui rend belle la vie quotidienne, lorqu'elle sait s'émerveiller des petites choses. Une poésie qui décide que les rêves méritent d'être tentés. A la fin du film, on a aussi envie de prendre un carnet et commencer à écrire, nous-mêmes, des poèmes...

Adam Driver, dans le rôle de Paterson, est formidable de justesse et de finesse. C'est vraiment un excellent acteur. Golshifteh Farahani est attendrissante dans celui de Laura. Et les seconds rôles sont tous à l'avenant, avec une mention spéciale à Barry Shabaka Henley dans le rôle du barman et William Jackson Harper dans celui de l'amoureux éconduit. Jim Jarmusch, quant à lui, réussit une réalisation parfaite, toute en nuance, qui permet une empathie immédiate avec cet anti-héros du quotidien tellement attachant.

Ce film est une merveille ! Un de mes gros coups de coeur de l'année 2016.

lundi 19 décembre 2016

Cigarettes et chocolat chaud : un film positif qui fait du bien !

Denis Patar élève seul ses deux filles, Janine (13 ans) et Mercredi (9 ans), leur mère étant décédée. Il se débrouille comme il peut, cumule deux boulots pour s'en sortir, et a des principes d'éducation un peu décalés. Un soir, il oublie, une fois de plus, d'aller récupérer Mercredi à l'école et doit aller la chercher au commissariat de police. Mais cette fois, un signalement est fait et une enquêtrice sociale les rencontre et demande à Denis de suivre un cours d'aide à la parentalité... sinon ses filles risquent d'être placées en famille d'accueil.

Comédie sociale fraîche et tendre, Cigarettes et chocolat chaud est un film positif qui fait du bien. Certes, il peut être à l'occasion un peu naïf (le dénouement du film lors du spectacle scolaire) mais ça lui donne un petit côté fable pas désagréable. Et ce n'est qu'un petit bémol pour un film aussi généreux. Joliment réalisé, parfois même de façon assez ludique (les animations insérées dans le film), le film est aussi très bien interprété. Notamment par Gustave Kervern, parfait en gros nounours marginal au coeur tendre, et deux jeunes comédiennes étonnantes de naturel (Héloïse Dugas et Fanie Zanini).

Cigarettes et chocolat chaud aborde de façon légère mais pertinente les questions de l'éducation et la famille, en égratignant au passage les modèles familiaux stéréotypés et les systèmes d'aide sociale. Il propose un éloge doux de la marginalité et aborde aussi, dans quelques moments d'émotions, la question du deuil.

Un film positif, qui fait autant de bien, on aurait tort de s'en priver !

Manchester by the Sea : un drame intense et pudique

A la mort soudaine de son frère, Lee Chandler se voit désigné tuteur de son neveu Patrick. Il se retrouvera alors confronté au drame qui hante son passé. Au début, on ne sait rien de Lee Chandler. Il apparaît juste comme un gars un peu taciturne et renfermé. Il vit dans une petite chambre à Boston où il est concierge et homme à tout faire d'un immeuble. Mais petit à petit, par une succession habile de flashbacks, on découvre son passé et sa famille. On perçoit rapidement qu'un drame hante Lee mais on n'en sait pas plus au début. La révélation nous en est faite au milieu du film, dans une succession de quelques scènes qui est un grand moment de cinéma, avec l'Adagio d'Albinoni (en entier ?) en fond musical. Des instants d'une intensité rare et magistralement réalisé.

Une telle histoire aurait pu donner un drame larmoyant... il n'en est rien ! Kenneth Lonergan nous propose au contraire un drame aussi intense que pudique, une magnifique évocation du deuil et de la manière de survivre aux drames de notre passé. Le scénario, qui fait alterner le présent et le passé, et la mise en scène, magistrale, révèle par petites touches une histoire familiale marquée par le deuil et la séparation, jusque dans des détails (les noms gravés sur la pierre tombale au moment de l'enterrement du frère de Lee par exemple). Mais on rit aussi, souvent, grâce à des situations cocasses ou des dialogues bien sentis. Bref, un film où on pleure et on rit, un film humain. La vie, quoi ! On en sort ému, hanté par des images paisibles de la mer, ou celles du visage de Casey Affleck (absolument bouleversant dans le film), avec l'envie de serrer dans nos bras ceux que l'on aime. Un grand film.

mercredi 14 décembre 2016

Rogue One : A Star Wars Story. La guerre des étoiles, la vraie !

L'histoire se déroule juste avant l'épisode 4 de la saga Star Wars et raconte comment l'alliance rebelle, grâce à un petit groupe de volontaires emmenés par Jyn Erso, a réussi à dérober les plans de l'étoile de la mort, que Luke Skywalker parviendra à détruire par la suite. Rogue One est avant tout un film de guerre (dans les étoiles), très spectaculaire. Surtout dans son final assez éblouissant. Star Wars n'a jamais aussi bien porté son nom !

Tout l'univers de la saga est dans le film : les planètes exotiques, les races extra-terrestres, les pistolets laser (mais pas les sabres laser... quoique), l'influence de la force (mais sans Jedi). Et puis il y a l'alliance rebelle, avec sa base clandestine, ses dirigeants habillés comme des sénateurs antiques, sa flotte de x-wings... L'empire avec ses stormtroopers, ses croiseurs et ses chasseurs TIE, l'étoile de la mort... et Dark Vador ! Il n'apparaît pas souvent, même si son ombre plane sur le film. Mais les rares fois où il apparaît, ça en jette ! Quel plaisir de retrouver le méchant ultime sur grand écran ! D'autres personnages mythiques de la saga font de brèves apparitions (non, je ne dirai rien...) grâce notamment à la magie du numérique [spoiler] C'est le cas, par exemple, du général Tarkin, sous les trait de Peter Cushing, acteur disparu depuis 20 ans ! C'est la belle surprise du film... et franchement c'est assez bluffant ! Et puis il y a aussi un autre personnage très emblématique, à la dernière image du film... un personnage féminin qui reçoit les plans de l'étoile de la mort, si vous voyez ce que je veux dire ! [/spoiler] Pas de problème, les fans se retrouvent en terrain familier.

Et puis il y a les petits nouveaux. D'abord Jyn Erso, l'héroïne. En attendant le spin off sur la jeunesse de Han Solo, les nouveaux Star Wars continuent de mettre en évidence les personnages féminins. Et finalement, pourquoi pas ? Felicity Jones est assez convaincante dans le rôle et les autres personnages qui gravitent autour d'elle forment une équipe sympathique et bigarrée, avec une mention spéciale pour Saw Gerrera interprété par Forest Whithaker. Et puis il y a, forcément, un nouveau robot : K-2SO, sorte de version impériale reprogrammée de C-3PO, qui apporte une touche d'humour bienvenue. Du côté des méchants, Ben Mendelsohn est bien dans le rôle de Krennic... mais jamais on n'arrivera à la cheville de Dark Vador !

Quant à la musique, toujours très présente, c'est le premier Star Wars sans John Williams. Michael Giacchino s'en sort très honorablement, en s'inspirant largement du maître... mais ce n'est quand même pas du John Williams !

En tout cas, le contrat est vraiment rempli pour Gareth Edwards. Rogue One est une jolie réussite qui s'inscrit très bien dans la saga sans appeler de nouvelles suites. Un film spectaculaire et divertissant. Si les prochains spin off sont de cette qualité, on n'a pas fini de retourner avec plaisir dans cette galaxie lointaine...

dimanche 11 décembre 2016

Premier contact : un immense film de science-fiction

De mystérieux vaisseaux spatiaux, de forme oblongue, surgissent de nulle part à 12 endroits différents sur Terre., immobiles au-dessus du sol.  Mais une trappe ouverte rend possible d'y pénétrer. Le docteur Louise Banks, linguiste, est sollicitée pour entrer en contact avec les aliens et tenter de communiquer avec eux, pour comprendre leurs intentions. Mais le mystère de ces créatures et leur langage si différent du langage humain laissent perplexe. Du coup, la collaboration scientifique entre les 12 sites où se trouvent les visiteurs se fragilise, et certains pays envisagent d'utiliser la manière forte...

Premier contact, c'est vraiment un film de science-fiction comme je les aime : un scénario complexe et riche, avec une certaine portée métaphysique, des images à couper le souffle (l'arrivée en hélicoptère sur le site où se trouve le vaisseau, les scènes de communication avec les aliens...). Mais dès l'ouverture, très belle et poignante, on sent qu'on va voir un film de science-fiction pas comme les autres, où la dimension intime et l'émotion auront toute leur place. Je ne vais évidemment pas trop dévoiler de l'intrigue pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Disons simplement qu'elle permet de nombreux prolongements (sur l'étranger, le langage, le deuil...) et que le scénario réserve de belles surprises jusqu'au dénouement qui éclaire toute l'histoire sous un jour nouveau. Et quel final bouleversant ! De ceux qui continuent de vous hanter longtemps après la fin du film...

C'est évidemment un film référencé. On pense, forcément, à 2001 l'odyssée de l'espace (le contact avec une civilisation supérieure, les vaisseaux spatiaux rappellent les monolithes, la dimension métaphysique). Mais aussi à Rencontres du troisième type (la façon dont est filmée l'arrivée des vaisseaux spatiaux est très spielbergienne) ou Interstellar (les questions autour du temps, la dimension émotionnelle forte). Sous certains aspects, le film m'a aussi fait pensé à un autre film de Denis Villeneuve : Enemy (l'histoire déroutante pour le spectateur, les perceptions diverses de la réalité, la lumière du film). Mais Premier contact a bien une singularité, une originalité forte qui en fait un film à part.

Il faut absolument mentionner l'extraordinaire bande originale signée Johann Johannsson, qui accompagne les images à merveille, de façon puissante, mystérieuse ou éthérée. Et aussi la très belle prestation de Amy Adams dans le rôle de Louise Banks.

Premier contact est bel et bien un immense film de science fiction. A la fois original, riche, intelligent... et bouleversant. Un chef d'oeuvre !

lundi 5 décembre 2016

Sully : passionnant portrait d'un héros ordinaire

Le film évoque l'histoire vraie du commandant "Sully" Sullenberger, qui réussit l'exploit de sauver les 155 passagers de son avion qui avait perdu l'usage de ses deux réacteurs, en réussissant un amerrissage sur la rivière Hudson, au coeur de New-York. Célébré par toute l'Amérique comme un héros, il est pourtant sur la sellette dans l'enquête ouverte pour déterminer s'il n'a pas commis une erreur...

Film catastrophe dont on connaît l'issue heureuse, Sully entretient pourtant parfaitement la tension, grâce à un montage très intelligent. Il y a bien-sûr la reconstitution minutieuse et impressionnante de l'amerrissage, évoquée à plusieurs reprises, partiellement et sous divers angles, jusqu'au moment où la commission d'enquête et les pilotes écoutent l'enregistrement de la boîte noire de l'avion. Une autre ligne narrative, qui entretient une autre tension, psychologique celle-là, suit l'enquête qui risque de ruiner la réputation et la carrière de Sully. Quelques flashbacks sur le passé du commandant Sullenberger donnent un peu plus d'épaisseur au personnage central, parfaitement incarné par Tom Hanks. Enfin, l'ombre du 11 septembre plane sur le film : forcément, avec un avion qui risque de s'écraser en plein New-York, volant très bas au milieu des gratte-ciels... L'équilibre de l'ensemble est parfait, entre moments spectaculaires et épisodes intimistes. Le film est passionnant du début à la fin !

Il y est question de l'importance de l'expérience. Au cours de l'enquêtes, les ordinateurs et les simulateurs de vols affirment que l'avion aurait pu être posé sans encombre sur la piste d'un des aéroports new-yorkais. Mais ce n'est pas la conviction du pilote et de son co-pilote. Une simulation à froid, après coup, peut-elle vraiment se mettre à la place d'un pilote humain en situation de crise ? Les ordinateurs peuvent-ils vraiment remplacer l'expérience d'un pilote ?

C'est aussi un film sur la responsabilité. D'abord celle du commandant qui a la vie de 155 passagers entre ses mains... La scène de l'évacuation de l'avion après l'amerrissage est à cet égard très intéressante où l'unique souci du capitaine est de sauver tous les passagers. Il ne pourra s'apaiser que lorsqu'il aura le comptage officiel et qu'il saura que tous sont sains et saufs. Mais aussi la responsabilité de l'aiguilleur du ciel, persuadé que l'avion s'est écrasé. Ou celle de la commission d'enquête et de l'enjeu financier : s'il y a une erreur humaine, ce n'est pas la même chose pour les assurances...

Sully est donc un passionnant portrait d'un héros ordinaire. Une nouvelle réussite du grand Clint Eastwood !

vendredi 2 décembre 2016

Flamme rouge : une course cycliste comme si vous y étiez !

Flamme rouge est un jeu de course cycliste pour deux à quatre joueurs. C'est indéniablement mon gros coup de coeur ludique du moment.

Le système de jeu est très simple, principalement basé sur la gestion des decks de cartes de ses deux coureurs : un sprinter et un rouleur (avec des cartes légèrement différentes). Mais attention : chaque carte ne sera jouée qu'une seule fois dans la partie. Il s'agit donc d'abattre ses meilleures cartes au bon moment et de veiller à ne pas se faire coincer à l'arrière de la course. De plus, un mécanisme très simple permet de profiter de l'aspiration, comme dans un vrai peloton. Il faut choisir sa tactique : rester à l'abri, envoyer un coureur se fatiguer en tête de peloton, prendre le risque d'une échappée. Franchement, on s'y croirait ! Ajoutez à cela deux petits points de règles qui s'appliquent pour les secteurs en montée ou en descente et vous obtenez un jeu de course palpitant et très immersif.

Le matériel est de belle qualité, avec des tuiles de route à assembler pour former le parcours (des exemples sont fournis dans le jeu), de jolis petits cyclistes et des illustrations rétros du plus bel effet, dans le style des années 30.

En bref, Flamme rouge réussit, avec des règles très simples et malines, a recréer les sensations d'une course cycliste, dans un jeu avec des parties rapides et sans temps mort, tendues jusqu'à la fin. Vraiment une grande réussite !

Une des clés de la course : gérer les côtes !

A l'arrivée, la sélection est faite. Ici, le sprinter bleu l'emporte.

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Flamme rouge, un jeu de Asger Harding Granerud, édité par Lautapelit (page dédiée ici)

lundi 28 novembre 2016

La fille de Brest : un passionnant thriller pour le combat admirable d'une femme

Le film évoque le combat du docteur Irène Frachon, pneumologue à l'hôpital de Brest, contre le laboratoire pharmaceutique Servier, dans l'affaire du Mediator, ce médicament utilisé comme coupe-faim mais qui provoquait des lésions cardiaques au niveau des valves, ayant causé la mort de plusieurs centaines de patients en France.

Le récit commence au moment où les premiers soupçons se confirment et se termine avec la grande exposition médiatique suite à la publication du livre d'Irène Frachon. Le film évoque les étapes de ce combat de David contre Goliath, ses rebondissements, ses conséquences... On évoque le quotidien de la petite équipe de recherche brestoise, l'aide inattendue et secrète d'un homme travaillant à la CNAM, celle d'une journaliste, mais aussi les intimidations et pressions en provenance du laboratoire pharmaceutique, et leur cynisme glaçant.

Très proche de la réalité des faits, le film n'est pourtant pas du tout un pseudo-documentaire mais il se regarde comme un véritable thriller, haletant et fort, grâce notamment à la réalisation remarquable d'Emmanuelle Bercot. Le scénario prend le temps aussi d'évoquer le versant intime, avec les relations aux sein de l'équipe de recherche mais aussi et surtout dans la famille de l'héroïne du film. Car elle finit par embarquer toute sa famille dans son combat, recevant notamment un soutien essentiel de son mari (il y a plusieurs scènes extrêmement touchantes à ce sujet). Enfin, Sidse Babett Knudsen donne une énergie incroyable au personnage d'Irène Frachon.

La fille de Brest est un film qui témoigne qu'une femme déterminée et généreuse, avec quelques individus prêts à se battre et prendre des risques, peut faire triompher la vérité. Ne serait-ce que pour cela, le film mérite d'être vu ! Mais en plus, c'est tout simplement un excellent film, haletant, bien joué et réalisé. A voir, absolument.

lundi 14 novembre 2016

Le client : un drame riche et profond

Contraints de quitter leur appartement parce que leur maison menace de s'écrouler à cause de travaux, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement provisoire. Un soir, Rana se fait agresser. Elle a ouvert la porte en croyant que c'était son mari qui rentrait. Les voisins soupçonnent que le coup a été fait par un "client" de la précédente locataire, une femme aux moeurs dissolues...

Asghar Farhadi est maître dans l'art d'évoquer les drames domestiques à la manière d'un thriller intimiste. C'est encore le cas ici. Le film est aussi magnifiquement interprété par les deux acteurs principaux (Shahab Hosseini et Taraneh Alidoosti). Le drame est pesant, le scénario habile, sujet à plusieurs niveaux d'interprétation.

Ainsi, le film commence avec un bâtiment qui menace de s'écrouler et se poursuit avec un couple qui va se fissurer suite à un drame. Le refus de parler, la quête de vérité, la sauvegarde des apparences, le poids de la honte, la pulsion de vengeance... tout cela va les fragiliser. Jusqu'à la dernière scène, lourde de sens, reflet sans doute de l'état de leur couple, ou le mari et la femme se font face, le regard absent, en train de se faire maquiller avant d'entrer en scène (ils jouent dans une troupe de théâtre).

Au-delà du drame intime qui se joue devant nos yeux (avec sa dimension universelle), le film peut-il aussi être une métaphore de la société iranienne ? Ainsi, il y a une référence à la censure, à propos de la pièce de théâtre que la troupe est en train de monter. Et une scène où l'un des comédiens éclate de rire lorsqu'une comédienne dit, dans sa réplique, qu'elle ne peut pas sortir parce qu'elle est nue... alors qu'elle porte un imperméable (il est impensable qu'une comédienne iranienne puisse être dénudée).

Sans doute moins fort que ses deux précédents films (Une séparation et Le passé), Asghar Farhadi réussit quand même avec Le client un drame riche et profond.

Tu ne tueras point : un formidable film de guerre, hallucinant sur le champ de bataille

Le film raconte l'histoire de Desmond Doss, héros de la deuxième guerre mondiale. Le jeune Desmond voulait servir son pays et il s'est donc engagé dans l'armée mais en tant qu'objecteur de conscience : il veut devenir infirmier mais refuse absolument de porter une arme. Fidèle à ses convictions jusqu'au bout, il sauvera seul des dizines de blessés sur le champ de bataille à Okinawa.

La première partie est classique, sur l'enfance de Desmond, sa relation avec son frère, ses parents, sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme. C'est bien fait mais classique. A noter toutefois la fort belle interprétation de Hugo Weaving dans le rôle de Tom Doss, le père de Desmond, survivant ravagé et alcoolique de la première guerre mondiale.

Vient ensuite le temps de l'instruction militaire pour Desmond qui devra tenir bon face aux incessantes humiliations qu'il subira, pour rester fidèle à ses convictions et refuser, au risque de passer en cour martiale, de porter une arme. Andrew Garfield est très bien mais ce n'est pas forcément la partie la plus intéressante du film.

La dernière partie du film, par contre, est proprement hallucinante. Dès le moment où on se retrouve sur le champ de bataille, le film devient incroyable. On n'avait pas vu de scène de guerre aussi spectaculaire et immersive depuis la scène du débarquement dans le Soldat Ryan de Spielberg. C'est impressionnant, violent, sanglant, filmé avec un sens de la mise en scène ahurissant : on est au milieu du combat, scotché sur son fauteuil. C'est toujours troublant de réaliser combien l'horreur absolue de la guerre est aussi cinégénique...

Et il faut avouer que l'histoire de Desmond Doss est incroyable. Alors que toute sa compagnie a battu en retraite, il reste, seul, sur le champ de bataille, pour aller chercher un à un ses camarades blessés et les faire descendre par une corde au pied de la falaise. Priant, à chaque fois qu'il en ramenait un : "Seigneur, aide-moi à en sauver un de plus !" Et il en a ramené 75 !

La question de la foi et des convictions de Desmond est bien-sûr au coeur du film. Il faut d'ailleurs noter que ses motivations sont, certes, religieuses mais on apprend aussi petit à petit dans le film qu'elles sont personnelles, à cause de son histoire familiale. On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence de ses convictions, il y a forcément des paradoxes à renoncer à toute forme de violence tout en s'engageant dans l'armée ! Et si sa foi peut paraître parfois un peu naïve (surtout dans la première moitié du film), elle n'en est pas moins d'une force remarquable, suffisamment pour donner du courage à toute sa compagnie ! C'est cette force de conviction que le film souligne et on ne peut qu'être impressionné par ce héros de guerre pas comme les autres, véritable figure christique (un héros prêt à sacrifier sa vie pour sauver ses camarades) qui ne pouvait qu'attirer Mel Gibson.

Tu ne tueras point est un formidable film de guerre, et même un grand film en ce qui concerne les scènes sur le champ de bataille, vraiment hallucinantes !

lundi 7 novembre 2016

Snowden : un passionnant thriller politique, brûlant d'actualité

Snowden évoque l'histoire du lanceur d'alerte Edward Snowden qui, aidé par deux journalistes, a divulgué au public les pratiques de cyber-surveillance liberticides et anticonstitutionnelles des services de renseignements américains.

Oliver Stone, habitué aux films coup de poing (qui ne font pas toujours dans la dentelle...), réalise ici un thriller politique passionnant et plutôt flippant. Son choix de se centrer sur l'homme Snowden est payant et fournit au film ses ressorts dramatiques. Nous suivons le cheminement de ce patriote enthousiaste, qui voulait intégrer les forces spéciales (qu'il a dû quitter pour des raisons de santé), qui se retrouve à la CIA et la NSA parce qu'il est un prodige de l'informatique et qui se voit confronté à des pratiques d'espionnage en dehors de toute loi, à l'échelle mondiale, non seulement envers les puissants mais jusqu'au moindre quidam. Le film évoque l'évolution de Snowden, ses questions, ses doutes, les tensions que tout cela crée dans son couple, et les choix auxquels il a été confronté.

Alors certes, le film n'échappe pas à certains tics d'Oliver Stone, avec quelques discours appuyés, un peu trop moralisateurs, surtout à la fin du film. Mais ça n'entache pas l'impression générale que laisse ce thriller politique très réussit, dans lequel on perçoit la maîtrise du metteur en scène et son style efficace.

Mais surtout, le film est brûlant d'actualité. Non seulement parce qu'Edward Snowden est toujours en vie, réfugié à Moscou, recherché par les autorité américaines qui veulent le traduire en justice. Mais aussi parce que la question de la sécurité et de la liberté est au coeur des discours politiques aujourd'hui. Et le discours selon lequel les citoyens attentent d'abord de la sécurité avant la liberté, on ne l'entend plus seulement aux USA aujourd'hui... et je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle !

vendredi 28 octobre 2016

Moi, Daniel Blake : un plaidoyer pour plus d'humanité et de solidarité

Daniel Blake n'a pas l'habitude de se laisser marcher sur les pieds. Mais à 59 ans, il doit faire appel à l'aide sociale, après un problème cardiaque. Son médecin lui interdit de reprendre le travail mais l'administration lui signifie qu'il n'a pas droit à l'indemnité pour invalidité et qu'il doit donc rechercher un emploi sous peine de sanction. Au cours d'un de ses rendez-vous au "Job Center", il croise la route de Katie, jeune mère célibataire de deux enfants, en situation précaire. Il va se nouer d'amitié avec elle et l'aider, elle et ses enfants.

Je ne connais pas vraiment l'appareil administratif britannique, je suis donc incapable de juger du degré de réalisme du film. Mais ça fait froid dans le dos... Dès l'ouverture du film, le ton est donné : on entend une conversation entre Daniel Blake et une femme qui débite ses questions, la plupart aberrantes, en ne demandant qu'à cocher la case oui ou non, sans possibilité de discuter. La suite est à l'avenant, avec ce pauvre homme ballotté de démarches administratives en démarches administratives, contraint à des temps d'attente interminables au téléphone, ou perdu devant un ordinateur, qu'il n'a jamais touché de sa vie, alors que toutes les démarches doivent être faites par Internet... Seule une employée prend vraiment soin de lui... mais est réprimandée par son chef pour son comportement inacceptable !

Face à cette administration inhumaine et humiliante, la solidarité et la débrouille doivent s'organiser tant bien que mal, malheureusement pas toujours avec des gens bien intentionnés. De belles rencontres sont toutefois possibles, comme celle qui voit naître la solidarité improbable entre Daniel et Katie. Une lueur d'espoir dans un monde froid et inhumain.

Comme à son habitude, Ken Loach nous propose un film engagé dont le message transparaît avec force dans son discours, au moment de la remise de sa Palme d'or à Cannes (vidéo ici) : "il faut dire qu'un autre monde est possible et même nécessaire".

Moi Daniel Blake est un plaidoyer, sobre mais fort, pour plus d'humanité et de solidarité. Et nous en avons bien besoin aujourd'hui !

lundi 24 octobre 2016

Mal de pierres : un très beau drame troublant

Gabrielle rêve d'une passion amoureuse totale. Mais son attitude choque, sa mère la croit folle... Finalement, ses parents la donnent en mariage à José, un ouvrier agricole saisonnier. Gabrielle accepte sous la menace, par sa mère, d'être internée. Elle se résout à ce mariage forcé... Mais lorsqu'elle est envoyée en cure thermale pour soigner ses calculs rénaux (son mal de pierres), elle rencontre un lieutenant blessé qui fait renaître en elle son rêve de passion amoureuse.

Mal de pierres est un très beau drame, troublant, sur l'amour, la passion. Troublant par son personnage principal, aux frontières de la folie, habité par un rêve passionnel et marqué par de profondes blessures issues de son éducation. Troublant aussi grâce au scénario habile, qui réserve une surprise de taille dans la dernière partie du film (qui bouleverse la compréhension du début) et propose une fin magnifique. Je n'en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise... Mais le film permet de parler d'amour et de passion, de mariage, de rêve et de réalité...

Nicole Garcia filme cette histoire avec intensité, sensibilité et sensualité. Les acteurs sont remarquables, à commencer par Marion Cotillard qui porte le film. Elle incarne, elle habite, le personnage de Gabrielle avec une force incroyable, restituant sa complexité, à la fois fragile, sensuelle, perdue, passionnée. Alex Brendemühl, dans le rôle de José, est aussi très touchant dans le rôle de ce personnage secret, mystérieux, et finalement bien plus profond qu'il n'y paraît au premier abord.

Au final, Mal de pierres est un film envoûtant, qui continue de vous hanter après son générique de fin, par son histoire et ses rebondissements, l'interprétation troublante de Marion Cotillard, sa fin magnifique...

lundi 17 octobre 2016

L'odyssée : joli biopic contrasté d'un explorateur médiatique

L'odyssée est un biopic sur le commandant Jacques-Yves Cousteau, célèbre pour  ses films sous-marins et son combat pour la préservation de l'environnement. En quelques étapes clé, le film évoque le parcours de l'homme public. D'abord, c'est l'explorateur médiatique, habile dans son utilisation de la caméra, au cinéma puis à la télévision, où il aimait se mettre en scène. D'ailleurs, le film montre bien qu'au début, il n'y avait aucune motivation écologique : son premier financement était par le biais d'une compagnie pétrolière qu'il aidait à préparer l'exploitation de plateformes offshore. Un tournant écologique a  toutefois lieu avec son exploration de l'Antarctique, grâce notamment à son fils Philippe, où il découvre les carnages de la chasse intensive à la baleine. A partir de ce moment, il se consacrera à la préservation de la planète.

Mais le film s'intéresse surtout au versant intime de Cousteau. L'intrigue est centrée sur la relation avec son fils Philippe. Une relation ambivalente de fascination et de répulsion. Et puis il y a Simone, l'épouse de Cousteau, au caractère bien trempé, seule femme à bord de la Calypso, le mythique bateau de Cousteau... et qui doit faire face aux nombreuses aventures extra-conjugales de son mari. Elle est magnifiquement interprétée par Audrey Tautou.

L'odyssée est vraiment un bon film, avec des images sous-marines magnifiques (notamment la plongée stressante au milieu des requins, ou le face-à-face quasi-chorégraphique entre Philippe Cousteau et une baleine). On en aurait bien voulu d'ailleurs un peu plus... et ça aurait donné encore un peu plus de souffle au film ! L'évocation du côté intime de Cousteau est aussi très intéressante, écornant, certes, un peu l'icone. Enfin, il faut mentionner, une fois de plus, une bande originale très réussie d'Alexandre Desplat.

lundi 10 octobre 2016

Une vie entre deux océans : un beau mélo, lyrique et ample

Au lendemain de la première guerre mondiale, Tom Sherbourne, encore marqué par ses années sur le front, devient le gardien du phare de l'île de Janus. Il y vit isolé du monde avec son épouse Isabel. Leur bonheur se ternit alors que le couple comprend qu'il n'arrive pas à avoir d'enfant. Jusqu'à ce qu'un canot s'échoue sur l'île avec à son bord un homme mort et un bébé bien vivant. Sur l'insistance d'Isabel, le couple décide de garder l'enfant et le déclarer comme étant le leur. Mais quelques temps plus tard, Tom rencontre dans un cimetière une femme sur la tombe de son mari disparu en mer avec leur petite fille...

Une vie entre deux océans est un mélo très réussi, qui ne manque pas de souffle, dramatique et romantique. L'histoire, bien-sûr, nous tire les larmes mais elle est traitée sans excès de pathos. Le drame est là, déchirant. La magnifique musique d'Alexandre Desplat, lyrique à souhait, accompagne magistralement l'ensemble. Le trio d'acteurs (Michael Fassbender, Alicia Vikander et Rachel Weisz) est remarquable. La réalisation de Derek Cianfrance est parfaitement maîtrisée. Les images sont superbes (l'océan, l'île balayée par le vent...).

Le film permet d'évoquer plusieurs thématiques. C'est d'abord, bien-sûr, une belle histoire d'amour, mise en péril par un désir d'enfant contrarié. C'est aussi une réflexion sur la maternité et la paternité, sur les liens biologiques et les liens éducatifs. C'est enfin un film sur les douleurs tenaces et destructrices de la rancune, le poids de la culpabilité, la puissance du pardon.

Une vie entre deux océans est un beau film, classique dans le bon sens du terme, un mélo très réussi, lyrique et ample.

lundi 3 octobre 2016

Brooklyn Village : une chronique sensible et sobre de l'adolescence

Après le décès de son père, Brian emménage avec sa femme Kathy et leur fils Jake dans la maison qu'il hérite à Brooklyn. Le rez-de-chaussée de la maison est occupé par la boutique de Leonor, une couturière latino-américaine qui avait noué des relations d'amitié fortes avec le père de Brian. Jake se lie tout de suite d'amitié avec Tony, le fils de Leonor. Les relations sont très cordiales entre ses parents et Leonor. Les choses vont se compliquer lorsque Brian tente de discuter du loyer avec Leonor, un loyer que son père n'avait jamais réévalué...

Le titre original, Little Men (mais pourquoi ne l'a-t-on pas conservé ???) exprime bien mieux le sujet du film. Il s'agit en effet d'une chronique sur l'adolescence, Jake et Tony étant au centre du récit. L'histoire est toute simple, traitée avec beaucoup de sobriété et de finesse. Il n'y a pas des bons et des méchants. Juste des gens normaux qui essayent de faire de leur mieux, en tenant compte de leurs impératifs du quotidien. Et deux adolescents, au milieu de tout cela, qui subissent les dommages collatéraux des problèmes d'adultes.

La question des difficultés de communication entre parents et enfants adolescents est au coeur du film. Ainsi, tenus à l'écart des problèmes rencontrés par leurs parents, les deux adolescents ne comprennent pas le changement d'attitude de leurs parents respectifs et décident de ne plus leur parler du tout. Cela conduit à un scène formidable, dans la voiture, au retour de la première représentation de la nouvelle pièce dans laquelle joue Brian, où ce dernier explose et ce qu'il dit traduit toute la difficulté de la communication. Il y a aussi la scène bouleversante où Jake apprend ce qui se passe entre ses parents et Leonor et se met à parler et dire tout ce qu'il n'a pas pu dire pendant le temps de son silence, en essayant de trouver une solution. Enfin, il y a la dernière scène, avant l'épilogue, où Brian et Jake renouent vraiment le contact. Le dernier plan de cette scène, plein de pudeur, est magnifique.

Avec Brooklyn Village, nous avons ce qui se fait de mieux dans la cinéma américain indépendant, dans sa veine intimiste. Une façon toute simple de parler du quotidien, ancrée dans notre monde contemporain. Réaliste sur les difficultés à vivre dans notre monde aujourd'hui, avec une pointe de nostalgie, le film porte aussi un message d'espoir, à travers l'amitié de ses deux héros adolescents. Vraiment un très joli film !

lundi 26 septembre 2016

Juste la fin du monde : un cri étouffant, un appel à l'amour

Après douze ans d'absence, Louis retourne dans son village pour revoir sa famille : sa mère, son frère avec qui les relations sont conflictuelles, la femme de son frère qu'il ne connaît pas et sa jeune soeur qu'il connaît à peine. Ils ne savent pas pourquoi il veut les revoir... ils ne savent pas que c'est pour leur annoncer sa mort prochaine. Mais arrivera-t-il seulement à le leur dire ?

Juste la fin du monde est un cri, un drame familial intimiste et étouffant. Un film à fleur de peau qui remue le spectateur... Inspiré d'une pièce de théâtre (qui porte le même titre) écrite par Jean-Luc Lagarce, le film n'est pas pour autant du simple théâtre filmé. Certes, les dialogues ont une place prépondérante. Mais les non-dits aussi, les silences, les regards. Le tout est magnifiquement rendu par le choix du réalisateur de privilégier les gros plans, laissant régulièrement les personnages qui parlent hors-champ, pour se concentrer sur les réactions silencieuses des autres. Un choix qui accentue le caractère intimiste de l'histoire et place le spectateur au plus près des personnages, la sensation d'étouffement est accentuée, les accès de violence, dans les rapports familiaux houleux, sont pris en pleine face.

Car nous sommes devant une famille incapable de communiquer, visiblement plombée par le lourd poids d'un passé qu'on devine seulement, en filigrane. Une famille dont les membres, finalement, ne se connaissent pas parce qu'ils s'évitent ou s'affrontent. Une famille où l'amour, sous-jacent, existe sans doute... mais un amour qui est presque impossible à exprimer. Pourtant, à quelques reprises dans le film, on a l'impression que les choses pourraient basculer, une relation pourrait se (re)nouer... mais c'est comme si cette famille s'interdisait l'amour et la réconciliation, préférant la fuite.

On pourrait presque voir dans cette histoire une anti-parabole du fils prodigue, avec le retour manqué du fils perdu que les siens refusent, ou n'arrivent pas à accueillir.

Grand prix du jury à Cannes, le film avait aussi reçu le prix du jury oecuménique. Et cela avait d'ailleurs étonné bon nombre d'observateurs, à commencer par le réalisateur lui-même qui disait au moment de la remise du prix que c'était tout à fait inattendu ! Il est vrai que ce film sombre et pesant semble évoquer l'impossibilité de l'amour et ne paraît pas bien optimiste sur la famille... Mais on peut aussi le voir comme un cri qui appelle à l'amour et la réconciliation, particulièrement dans le cadre de la famille. Un appel auquel le chrétien ne devrait pas être insensible...

Juste la fin du monde est, à l'image de son réalisateur, à fleur de peau. Si, pour moi, le choc émotionnel a été moins grand que pour Mommy, son précédent film, ça n'en est pas moins un film d'une grande force, interprété par cinq acteurs formidables et mis en scène avec une maestria confondante pour un réalisateur qui n'a, rappelons-le, que 27 ans !

mercredi 14 septembre 2016

Eternité : un film contemplatif d'une beauté sidérante.

Eternité évoque le destin d'une famille sur plusieurs générations, en se centrant surtout sur Valentine et ses enfants. Un destin ordinaire, fait de naissances et de départs, de joies et de deuils. La vie...

C'est un film contemplatif d'une beauté formelle ahurissante. Il y a très peu de dialogues, une voix off très présente, beaucoup de musique (Bach, Beethoven, Chopin, Fauré...). Et des images sublimes, lumineuses, sensuelles, à fleur de peau, avec beaucoup de gros plans, des magnifiques mouvements de caméra, de longs plans, des ralentis... On pense, inévitablement, à Terrence Mallick (l'affiche du film rappelle d'ailleurs celle de Tree of Life).

Il y a certes un côté un peu désuet dans le destin de cette famille bourgeoise, ses nombreux enfants et ses mères au foyer. Mais c'est aussi l'époque de l'histoire du film qui veut cela, un temps où la mortalité infantile était plus grande (on le voit dès la scène d'ouverture). Certains y trouveront sans doute un côté réac (et, je l'avoue, j'y ai un peu pensé à un moment du film...). Mais finalement non, c'est un peu suranné sans doute (le texte de la voix off y contribue parfois) mais ça a aussi son charme...

Et surtout, Eternité est avant tout un film sur la vie, la mort, l'amour. Sur la maternité aussi. Sur le temps qui passe, les souvenirs qui restent. Une impression d'éternité traverse le film grâce à un constant va et vient dans le temps, par ses flashbacks et l'évocation de souvenirs. Le récit n'est pas linéaire et témoigne à la fois du cycle de la vie qui se répète et du temps qui passe. L'éternité...

Très beau casting. Audrey Tautou, Mélanie Laurent et Bérénice Béjo sont magnifiques. Jérémie Renier et Pierre Deladonchamps, excellents. Tous superbement mis en valeurs par la caméra du réalisateur, Tran Anh Hung.

Le film divise la critique. J'ai lu que plusieurs se sont ennuyé. Tant pis pour eux... Moi j'ai été conquis par ce film contemplatif d'une beauté sidérante.

lundi 12 septembre 2016

Comancheria : un western contemporain, implacable et magistral

Après le décès de leur mère, deux frères, dont l'un sort de prison, organisent une série de braquages de banque. Ils n'ont que quelques jours pour rassembler une somme qui leur permettrait de rembourser la banque et éviter la saisie de leur propriété familiale. Un ranger, presque à la retraite, avec son adjoint, mènent l'enquête.

Comancheria contient tous les ingrédients du western : les cowboys, les hors-la-loi, les braquages de banque, les grands espaces, les fusillades, et même les indiens (l'adjoint du ranger). Mais le tout est traité de façon très moderne, avec une histoire ancrée dans la réalité d'une Amérique profonde contemporaine, où le rêve américain est désormais désenchanté. Le scénario est implacable, formidablement dialogué (et avec humour !), les personnages complexes et attachants, le film magistral. Il y a quelque chose des frères Coen de No Country for Old Men dans Comancheria...

Les acteurs sont tous excellents : Chris Pine est méconnaissable pour ceux qui ne le connaissent que comme le capitaine Kirk, Ben Foster est extraordinaire, électrique, Jeff Bridges est génial en vieux flic vanneur. Et la musique, signée Nick Cave et Warren Ellis, excellente. Vraiment un excellent film !

Frantz : un mélo classique et lumineux, du beau et grand cinéma.

En 1919, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de Frantz, son fiancé, tombé sur le front en France. Un jour, elle y trouve des roses et elle apprend que c'est un jeune Français qui les y a déposées. Ce jeune Français, Adrien, se rend au domicile des Hoffmeister, les parents de Frantz chez qui Anna vit, et qui la considèrent comme leur propre fille. Mais il est immédiatement chassé par le père, qui ne veut rien entendre d'un français qui aurait pu tuer son propre fils. Anna va retrouver Adrien et l'invite à revenir chez les Hoffmeister. Il leur explique être un ami de leur fils, depuis avant la guerre...

Dans le contexte de l'immédiat après-guerre de 14-18, les plaies sont encore béantes, et la haine de l'ennemi encore vive. Cela donne quelques scènes très fortes dans le film, avec la présence d'un jeune français en Allemagne, et plus tard, celle d'une jeune femme allemande en France (je pense en particulier à une scène marquante dans un café parisien où les clients entonnent spontanément la Marseillaise).

Le contexte historique du film permet d'aborder des questions liées à la guerre. Comment survivre à la guerre ? Quand on est un soldat rescapé... Quand on a perdu un fils ou un fiancé sur le champ de bataille... Peut-on surmonter la culpabilité d'avoir tué ou d'avoir envoyé ses fils se faire tuer ?

Mais le film parle aussi de pardon, de secret et de mensonge. La vérité est-elle toujours bonne à dire ? Le mensonge peut-il être préférable si l'intention est bonne ? Une scène de confession d'Anna à un prêtre est particulièrement intéressante à cet égard.

Frantz est un mélo classique mais lumineux : l'image est très belle, le choix du noir et blanc confère au film un ton nostalgique qui convient parfaitement au propos. Mais le réalisateur, François Ozon, a aussi la bonne idée de proposer juste quelques scènes en couleur (dont le premier et le dernier plan), notamment pour accompagner l'humeur des protagonistes.

Les acteurs, allemands et français, sont très bons. A commencer par Paula Beer, une très belle révélation. Le film aurait d'ailleurs pu aussi s'appeler Anna... Elle est presque de tous les plans et capte littéralement la lumière. Et Pierre Niney a un physique qui convient parfaitement à l'époque !

Mélo classique, certes, mais d'une maîtrise formelle remarquable et d'une belle intensité, Frantz, c'est du beau et grand cinéma, comme on l'aime !

lundi 5 septembre 2016

Divines : un film percutant et généreux

Dounia vit avec sa mère dans un camp de Roms. Maimouna, sa meilleure amie, vit dans une cité où son père est imam de la mosquée. Elles sont inséparables et font leur petit trafic. Mais Dounia en veut plus. Fascinée par Rebecca, caïd respectée du quartier, elle décider d'aller avec son maie lui demander de travailler pour elle.

Divines, c'est une histoire d'amitié à l'épreuve d'une réalité sociale dure et violente, à laquelle se mêlent trafics, argent facile et religion. Malgré ce contexte sombre, le film est plein d'énergie, d'humanité et de générosité, avec une histoire forte, dans l'air du temps, et de jeunes comédiennes prometteuses. C'est percutant. Le film atteint même parfois de vrais moments de grâce (je pense notamment à quelques scènes proches de la chorégraphie).

Un mot encore sur la bande de jeunes comédiennes excellentes pour signaler l'actrice principale, Oulaya Amamra. Une révélation ! Elle crève littéralement l'écran, extraordinaire de présence, de force et d'émotion. Je ne vois pas comment le César du meilleur espoir féminin pourrait lui échapper !

En bref, Divines est un très joli premier film qui a bien mérité son prix de la caméra d'or au dernier festival de Cannes et qui révèle une jeune actrice à suivre absolument dans les années à venir. 

lundi 22 août 2016

Dernier train pour Busan : les zombies coréens courent vite !

Un virus inconnu se propage en Corée du Sud, rendant les personnes infectées violentes et avides de chair humaine. Les passagers d'un train à grande vitesse, bloqués à l'intérieur d'un train qui va rapidement être bondé de zombies, luttent sans merci pour survivre jusqu'à Busan, ville où ils semblent pouvoir être en sécurité.

Dernier train pour Busan est un vrai film de zombies. On y retrouve les ingrédients classiques du genre : une mutation due à un accident industriel, des morts-vivants avides de chair humaine, une bonne dose d'hémoglobine, des humains de toutes conditions qui se retrouvent coincés dans un espace clos, et puis la fuite inexorable. Et sur ce plan, on est servi avec un film assez trépidant et des hordes de zombies impressionnantes... et qui courent vite !

Mais le film est aussi l'occasion d'une métaphore politico-sociale assez habile, fustigeant notamment l'individualisme, avec ses conséquences familiales et sociales, et même les dégâts collatéraux du capitalisme boursier, le tout dans un train lancé à vive allure, image de la fuite en avant de notre société. L'émotion a aussi sa place dans le film, avec l'histoire d'une rédemption, celle d'un père qui se rend compte qu'il passe à côté de sa fille.

Le tout est très bien filmé, sans surenchère d'effets spéciaux. C'est anxiogène à souhait et spectaculaire, le scénario est malin (par ses rebondissements et sa dimension métaphorique), la musique efficace. Bref, le meilleur film de zombies de ces dernières années est bel et bien coréen !

jeudi 18 août 2016

Star Trek sans limites : du pur space opera !

Alors qu'il mène une opération de sauvetage dans une nébuleuse inexplorée, l'USS Entreprise se retrouve pris dans un guet-apens par un redoutable adversaire. Echoué sur une planète inconnue, l'équipage se retrouve éparpillé sur la planète, privé de vaisseau spatial et sans communication possible avec la base...

Les deux premiers films du reboot de Star Trek, réalisés par JJ Abrams, avaient réussi à créer un nouvel équipage de l'USS Enterprise convaincant. Abrams, toujours producteur, a laissé la main à Justin Lin (réalisateur de plusieurs Fast and Furious) et c'est une réussite. Star Trek sans limites ouvre la voie à de nouvelles aventures dans l'esprit de la série d'origine : du pur space opera ! On y retrouve tous les ingrédients nécessaires : voyages spatiaux, planètes exotiques, races extraterrestres, vocabulaire pseudo-scientifique incompréhensible, combats épiques... avec en plus les éléments incontournables de la franchise Star Trek : la téléportation et les uniformes en lycra !

La vraie bonne idée, c'est d'avoir confié le scénario à Simon Pegg (qui joue également le rôle de Scotty dans le film) qui arrive à instiller beaucoup d'humour tout au long d'un récit trépidant même si l'intrigue est très classique. Porté par une excellente bande originale épique de Michael Giascchino, Star Trek sans limites est un space opera pleinement réussi, très divertissant, à l'action trépidante et visuellement spectaculaire (magnifique Yorktown !). Que demander de plus ?

mercredi 27 juillet 2016

La couleur de la victoire : l'esprit olympique à l'épreuve du nazisme et de la discrimination raciale

La couleur de la victoire raconte l'histoire de Jesse Owens, athlète noir américain qui remporta quatre médailles d'or aux Jeux Olympiques de Munich en 1936, au grand dam d'Hitler. C'est un biopic intéressant sur l'esprit olympique à l'épreuve du nazisme et de la discrimination raciale.

On peut peut-être reprocher au film de toucher à beaucoup (trop ?) de sujets différents (olympisme, compétition sportive, propagande nazie, discrimination raciale, dangers de la notoriété, liens du sport et de la politique, etc...) et de les effleurer seulement. Mais le film peut du coup nous inviter à aller plus loin et creuser tel ou tel sujet.

De fait, la décision du comité olympique américain de boycotter ou non les JO de Munich à cause du régime nazi, alors que l'Amérique elle-même est profondément marquée par la discrimination raciale est sans doute le point de réflexion le plus intéressant et le film le met assez bien en valeur.

Au final, La couleur de la victoire est un bon film, de facture classique, mais qui atteint parfois un souffle certain, notamment dans la compétition olympique elle-même : par exemple lors de l'arrivée de Jesse Owens dans l'immense stade de Munich ou avec le face-à-face dans le concours de saut en longueur avec l'athlète allemand Luz Long (et son courage d'affronter ouvertement par son attitude l'idéologie nazie).

Le casting fait le job. Avec une mention spéciale tout de même à l'acteur allemand Barnaby Metschurat, excellent dans le rôle de Goebbels.

lundi 25 juillet 2016

Elvis & Nixon : une comédie drôle et ginçante

Décembre 1970, en plein vol entre Los Angeles et Washington, Elvis Presley écrit une lettre adressée au président des USA, Richard Nixon. Il lui fait part de ses inquiétudes pour les jeunes de son pays et de sa volonté de se mettre au service de sa nation pour qu'elle s'en sorte. Il apportera lui-même cette lettre à la Maison Blanche pour solliciter un rendez-vous avec le président... et lui demander de le nommer agent du FBI. 

Cette incroyable histoire est pourtant vraie, et elle est à l'origine d'une célébrissime photo de Nixon et Elvis. Le scénario s'appuie sur le livre de Jerry Schilling, ami porche d'Elivs et témoin de cet épisode, et sur le recueil de notes manuscrites prise par le conseiller de Nixon, Egil Krogh. Le film est porté par deux excellents comédiens : Michael Shannon (Elvis) et Kevin Spacey (Nixon). Pourtant, ni l'un ni l'autre ne ressemblent physiquement au personnage qu'ils incarnent. Pourtant, ils sont incroyablement crédibles, grâce à leur gestuel, leur posture, leur jeu. Chapeau les artistes !

Le film culmine dans l'entrevue en tête-à-tête entre Elvis et Nixon dans le bureau ovale de la Maison Blanche. Leur dialogue sur la décadence de Woodstock ou l'anti-américanisme des Beatles, tout en grignotant des M&M's et sirotant du Dr Pepper, est assez jubilatoire. 

Elvis & Nixon est donc une comédie satirique, drôle et grinçante, qui égratigne au passage une certaine Amérique, qui n'est pas sans rappeler un peu celle de Trump... 

jeudi 14 juillet 2016

Le grand livre : un passionnant voyage dans le temps

J'avais découvert Connie Willis avec Black Out et All Clear, son diptyque sur le Blitz, au coeur de la deuxième guerre mondiale, chef d'oeuvre mêlant science-fiction et histoire, par le biais du voyage dans le temps. Le grand livre emploie le même procédé : au XXIe siècle, le voyage dans le temps a été découvert mais il est réservé aux historiens qui peuvent ainsi observer au plus près les différentes périodes de l'histoire. Pour éviter les paradoxes temporels, le voyage dans le temps s'auto-régule, impliquant parfois quelques décalages temporels dans les transferts. Ecrit avant Black Out et All Clear, au début des années 90, Le grand livre propose un voyage au Moyen-Âge, en pleine épidémie de peste.

C'est un roman passionnant, avec une intrigue haletante et des personnages attachants. Kivrin, jeune étudiante brillante, est transférée en 1320 pour observer la vie quotidienne au Moyen-Âge, et ce malgré les réserves de son professeur qui la trouve trop inexpérimentée. Près de 30 ans avant la grande épidémie de peste, tout devrait bien se passer, les décalages temporels restant minimes. Mais les choses se compliquent quand suite au transfert, une épidémie mystérieuse se répand dans l'université d'Oxford, au XXIe siècle. Certains pensent qu'elle est due à un virus venu du passé, peut-être à cause du transfert de Kivrin. Mais c'est impossible ! Aussi impossible qu'un décalage de 28 ans lors d'un transfert temporel. A moins que...

Le roman est construit sur deux récits en parallèle, l'un au XXIe siècle, l'autre au XIVe siècle. Deux récits d'épidémie, celle de la peste au Moyen-Âge et celle d'un virus inconnu au XXIe siècle. On y retrouve, comme dans Black Out et All Clear, le même souci minutieux de faire vivre le quotidien de personnages ordinaires au coeur d'une période troublée de l'histoire. Avec Kivrin, on découvre le quotidien d'une famille au Moyen-Âge, ses us et coutumes, ses croyances et superstitions, son hygiène (!). Dans sa deuxième partie, le roman nous fait vivre de l'intérieur l'horreur de la grande épidémie de peste, dans des pages très fortes.

La religion occupe une place importante dans le récit. Au milieu du XXIe siècle, elle a évolué de façon assez grotesque (non sans rappeler une certaine "soupe" religieuse que notre époque propose parfois à nos contemporains...). Au Moyen-Âge, elle était mêlée de superstitions, si bien que Kivrin la regarde au début avec scepticisme. Mais son regard change petit à petit, au coeur de l'horreur, notamment grâce au personnage du prêtre du village, jusqu'à un dénouement très touchant.

Le grand livre n'atteint peut-être pas les sommets de Black Out et All Clear, qui bénéficiaient d'une intrigue plus riche et complexe, mais il n'en est pas moins un roman passionnant, qui se lit très vite malgré ses 700 pages en livre de poche.

lundi 4 juillet 2016

La tortue rouge : une pure merveille !

Naufragé, un homme se retrouve seul sur une île déserte. A plusieurs reprises il tente de la quitter à bord d'un radeau qu'il construit mais à chaque fois, son embarcation est détruite par une mystérieuse tortue rouge et il est contraint de faire demi-tour. Mais un jour, la tortue sort de l'eau et rejoint l'homme sur l'île...

Ce film d'animation est une pure merveille, un conte philosophique sans parole, absolument bouleversant ! L'histoire est simple et belle, empreinte de poésie. Avec un argument écologique, évoquant l'harmonie avec la nature, une nature parfois hostile et dangereuse (impressionnante scène de tsunami), mais aussi et surtout avec un argument métaphysique, l'histoire évoquant toutes les étapes de la vie (naissance, amour, transmission, séparation, mort...).

Le tout sans aucun dialogue ! Un choix qui se révèle tout à fait judicieux, en laissant toute la place à l'animation, épurée et belle, avec des lignes claires. Et en l'absence de dialogue, une place essentielle revient à la musique, magnifique, de Laurent Perez Del Mar.

La tortue rouge est un film rare qui nous emporte dans un voyage onirique, plein d'émotion, jusqu'à la magnifique scène finale. Un film qui magnifie la nature et l'amour, qui célèbre la vie, et offre 80 minutes de bonheur dont on ressort à la fois ému et plein de sérénité. Une pure merveille...

samedi 11 juin 2016

L'océan au bout du chemin : un roman fantastique attachant

Auteur prolifique et excellent conteur, Neil Gaiman aime les histoires où le fantastique surgit dans le quotidien, où la réalité et l'imaginaire se mêlent sans cesse : Neverwhere (sans doute mon préféré) avec l'univers fantastique et onirique d'un Londres parallèle, American Gods, foisonnant récit mythologique contemporain, Stardust et sa relecture amusée des contes de fées, sans oublier ses recueils de nouvelles qui contiennent de jolies pépites et sa collaboration avec le regretté Terry Pratchett dans De bons présages, un roman biblique et parodique sur la fin du monde, vraiment très réjouissant. Et je ne parle même pas de ses nombreux romans pour la jeunesse (dont le célèbre Coraline) et de sa série romans graphique The Sandman (que je ne connais pas...).

L'océan au bout du chemin est un roman assez personnel, intime, teinté de mélancolie, où le talent de conteur de l'auteur s'exprime toujours aussi efficacement. C'est un roman sur l'enfance et l'âge adulte, sur les souvenirs, l'imaginaire et le temps, sur la famille et l'amitié. Voici le pitch : à l'occasion d'un enterrement familial, un homme est de retour dans son village natal. La maison où il a vécu son enfance a été remplacée par d'autres immeubles mais la vieille ferme des Hempstock est toujours là. Il se remémore alors les événements étranges survenus lorsqu'il avait sept ans, avec Lettie, cette jeune voisine qui prétendait que la mare, au bout du chemin, était en réalité un océan...

Comme l'auteur le laisse entendre dans ses remerciements à la fin de son ouvrage, l'histoire est construite sur certains matériaux autobiographiques, tirés de sa propre enfance. C'est ce qui fait sans doute de ce roman l'ouvrage le plus intime de l'auteur. On lit très vite, et avec plaisir, les 250 pages de l'ouvrage, au ton tour à tour mélancolique, onirique, fantastique, parfois même horrifique. Les événements, dont le narrateur se souvient, sont évoqués avec le regard d'un enfant de 7 ans pour lequel le quotidien se pare d'atours merveilleux. Un enfant à l'imagination fertile, qui avait peu d'amis et se réfugiait toujours dans les livres. Mais dans quelle mesure ses souvenirs traduisent-ils la réalité, ont-ils été déformés par le temps, ou le fruit de son imagination d'enfant donnant un reflet déformé d'une réalité pas toujours facile à affronter ? Que s'est-il réellement passé ? L'auteur refuse de trancher... et le lecteur a sans doute tout intérêt à faire de même. Car le livre est finalement une invitation à garder vivace son âme d'enfant...

L'océan au bout du chemin est un roman fantastique vraiment très attachant.

jeudi 26 mai 2016

Men and Chicken : un conte corrosif et complètement barré

À la mort de leur père, Elias et Gabriel découvrent que ce n'était pas leur père biologique. Ce dernier est en fait un mystérieux généticien qui travaille dans le plus grand secret sur une île mystérieuse. Ils décident de partir à sa rencontre... et découvriront sur l'île trois frères étranges, et des mystères inquiétants.

Men and chicken, c'est un peu l'île du Dr Moreau chez les fous ! Où l'on rencontre des frères bêtes et méchants qui se battent à coup d'oiseaux empaillés, surtout quand l'un d'entre eux ose couper la parole aux autres, mais qui, le soir, écoutent dans leur lit la lecture d'une histoire, interprétée d'une manière psycho-philosophique par l'un d'entre eux (qui par ailleurs ne pense qu'à manger du fromage). Des personnages étonnants, donc, à commencer par celui joué par un Mads Mikkelsen méconnaissable, une brute barjot et obsédée.

Mais le film s'ouvre et se ferme, avec une voix off enfantine, à la manière d'un conte. Et il y a bien une morale à cette fable grinçante et barrée. Car elle parle de la vie, de la nature humaine, de la famille, de la valeur de chaque être. Mais elle le fait avec une bonne dose d'humour noir, très corrosif. C'est drôle, surréaliste, dérangeant, même effrayant parfois. En tout cas, c'est un mélange des genres tout à fait étonnant, pour un véritable OVNI à ne pas manquer, si on aime un cinéma original et surprenant, apparemment bien dans l'esprit des précédents film du réalisateur danois, Anders Thomas Jensen, que je ne connaissais pas... mais que j'ai envie de découvrir.

A noter aussi, la très belle bande originale, signée Frans Bak et Jeppe Kaas, tout à fait dans l'esprit du film.


lundi 23 mai 2016

Julieta : un chef d'oeuvre intime et bouleversant

Julieta s'apprête à quitter Madrid avec son compagnon Lorenzo lorsqu'elle rencontre par hasard Bea, l'amie d'enfance de sa fille Antia. Julieta n'a pas vu sa fille depuis des années. Sa volonté de renouer contact avec sa fille refait alors surface, elle renonce à quitter Madrid et décide d'écrire, pour sa fille, tout ce qu'elle a gardé secret jusque là.

Julieta, c'est un portrait de femme absolument bouleversant mais filmé par Almodovar avec une grande sobriété. Cela permet au film d'éviter tout pathos tout en gardant une force et une profondeur exceptionnelles. Car c'est un film qui parle d'amour, de destin, de fidélité, d'éducation, de transmission, de secrets, mais surtout du poids de la culpabilité.

Sans dévoiler trop l'histoire, disons simplement que Julieta accumule un poids de culpabilité suite à différentes circonstances où elle a fait des choix, qui pouvaient sembler anodins, mais qui ont eu parfois des conséquences lourdes. Quelle est sa part de responsabilité ? Comment gérer son sentiment de culpabilité ? Et puis il y a ces secrets que l'on préfère garder pour ne pas blesser ceux qu'on aime. La culpabilité cachée qui leur est liée, ne finit-elle pas par se transmettre, d'une façon ou d'une autre ? Le film ne propose pas de réponse toute faite mais pose les questions de façon pertinente, sans discours moralisateur. Si l'histoire est sombre et triste, non sans échos avec une tragédie grecque, il y a bien aussi dans le film des moments lumineux et une possibilité de rédemption qui peut se dessiner, lorsque les secrets sont levés.

Le casting, principalement féminin, est excellent. Le duo Adriana Ugarte (Julieta jeune) et Emma Suarez (Julieta plus âgée) est formidable. La façon dont on passe dans le film, à un moment du récit, de l'une à l'autre est d'ailleurs particulièrement réussi. La réalisation d'Almodovar est superbe.

Julieta est un chef d'oeuvre intime, bouleversant, profond. Malheureusement oublié dans le palmarès du festival de Cannes 2016...

lundi 16 mai 2016

Ma Loute : un film complètement barré, à la fois burlesque, surréaliste et gore

Eté 1910, dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions se produisent dans la baie et la police mène l'enquête, alors que de riches bourgeois lillois passent l'été comme chaque année dans leur maison familiale.

Ma Loute est un film complètement barré ! Bien plus encore que la bande-annonce le laisse imaginer. C'est d'abord un film burlesque, avec des personnages caricaturaux et jubilatoires, qui sont bêtes et maladroits, qui se cassent tout le temps la figure, qui s'expriment avec emphase. Cette galerie de personnages hauts en couleur est parfaitement incarnée par des comédiens dont plusieurs sont des amateurs (l'inénarrable inspecteur Machin !). Quant aux acteurs professionnels, ils sont en roue libre pour notre plus grand plaisir. Valéria Bruni-Tedeschi et Fabrice Luchini sont excellents et drôles, mais la palme revient à Juliette Binoche, absolument géniale et hilarante.

Pourtant, l'histoire est terrible, entre disparitions (on en comprend la cause assez vite dans le film... et ça fait froid dans le dos), lourds secrets de famille, amours impossibles, problèmes d'identité... Mais comme tout est traité sous l'angle du burlesque et du surréalisme (en particulier la fin du film, qui atteint un sommet de surréalisme, à la fois poétique et déjanté), ça passe. Même s'il reste bien quand même un arrière-goût amer : le film est aussi cruel, et dérangeant. Il dresse finalement un portrait assez sombre de la nature humaine... Ce n'est certainement pas une comédie familiale !

Mais quelle belle réalisation de Bruno Dumont. Les images de bord de mer, dans une lumière magnifique, sont sublimes. Certains gros plans sur les visages, plein cadre, sont aussi d'une grande beauté.

Ma Loute, c'est une OVNI cinématographique, qui nous emmène hors des sentiers battus, dont le scénario réserve bien des surprises et qui provoque de nombreux éclats de rire (pour peu que vous appréciez le comique burlesque) grâce à des acteurs volontairement outranciers. Un film étonnant et singulier. A voir, si vous êtes prêts à vous laisser surprendre !

samedi 14 mai 2016

Café Society : du très très bon Woody Allen, pétillant, mélancolique et lumineux

Dans les années 30, à New-York, Bobby Dorfman étouffe avec ses parents qui ne sont jamais d'accord. Il décide d'aller tenter sa chance à Hollywood ou son oncle Phil est un agent de stars influent. Il lui trouve un petit boulot auprès de lui. Bobby ne tarde pas à tomber amoureux de Vonnie, une jeune femme qui, malheureusement, n'est pas libre. Il doit se contenter de son amitié, jusqu'au jour où elle débarque chez lui en pleurs, elle vient de rompre avec son petit ami.

Café Society, c'est vraiment du très très bon Woody Allen. J'avais pourtant été plutôt déçu par ses derniers films (à part Magic in the Moonlight) mais là, c'est un vrai bonheur.

Le film est léger et pétillant comme du champagne. Avec, bien-sûr, des personnages hauts en couleur qui gravitent autour du personnage principal : ses parents qui s'engueulent tout le temps, son frère gangster qui frappe avant de réfléchir, sa soeur qui a épousé un intello communiste qui tient de grandes théories sans jamais rien faire...


Et il y a bien-sûr les dialogues savoureux, imprégnés de culture juive et de l'humour dont le grand Woody a le secret. Comme cette scène en prison, lorsque Ben, le frère de Bobby, apprend le christianisme avant de passer sur la chaise électrique, "parce que le Judaïsme ne propose pas de vie après la mort". Et en réponse, sa mère de dire que c'est dommage parce que s'il le faisait, ils auraient plus de clients !

Le casting est excellent. Il faut dire en particulier que le cinéma de Woody Allen va comme un gant à Jesse Eisenberg, véritable alter ego jeune du réalisateur de 80 ans. Il est formidable dans le film, les répliques de Woddy Allen sortant de sa bouche avec un naturel confondant. Quant à Kristen Steward, elle est tout simplement magnifique, et elle montre une nouvelle fois qu'elle est une excellente actrice, promise à un bel avenir.

Mais le film n'est pas que pétillant, il est aussi empreint d'une certaine mélancolie et baigné dans une lumière magnifique. Plus qu'une simple comédie sentimentale, le film dénonce aussi avec cynisme la superficialité de Hollywood comme celle de la bonne société new-yorkaise des années 30. Il évoque aussi la difficulté de se frayer un chemin dans la vie, entre la poursuite d'une carrière et la recherche du grand amour.

Tout cela est résumé avec brio dans le plan final où les visages de Bobby et Vonnie se mêlent alors qu'ils réveillonnent chacun de leur côté. La mélancolie et la lumière. Magnifique.

mardi 10 mai 2016

Via Nebula : le nec plus ultra du familial plus


Dans Via Nebula, les joueurs doivent peupler une vallée recouverte d'une étrange brume. Pour y arriver, il faudra, un peu, coopérer avec les autres... mais il n'y aura qu'un seul vainqueur.

A son tour de jeu, un joueur peut faire deux actions parmi six possibles : ouvrir un exploitation, commencer un chantier, explorer une zone de brume, explorer une forêt pétrifiée (compte pour deux actions), acheminer un matériau sur un de ses chantiers (pour autant qu'un chemin soit ouvert), construire un bâtiment (s'il a auparavant acheminé sur son chantier toutes les ressources nécessaires). Une fois qu'une exploitation est ouverte, tout le monde peut s'y servir. Une fois qu'un chemin est ouvert, tout le monde peut l'emprunter. Le jeu s'arrête lorsqu'un joueur a construit ses cinq bâtiments. On marque des points de victoire en fonction des bâtiments construits, des exploitations ouvertes et du nombre de zones explorées. Mais attention à ne pas gaspiller les ressources : les ressources en trop sur un chantier ou les ressources non utilisées sur une exploitation donnent des malus en fin de partie !


On retrouve la patte de Martin Wallace, son auteur, dans ce jeu de réseau semi-coopératif. Pour les connaisseurs, c'est un peu un Brass ou Steam simplifié, voire épuré. On ne peut pas gagner tout seul... mais il ne faut pas être trop généreux quand même, tout en profitant des autres ! La gestion des ressources est tendue, il faut optimiser les actions. Le jeu est très fluide, interactif et les parties sont courtes (de l'ordre d'une heure, même à quatre joueurs). La rejouabilité me semble bonne, d'autant qu'il y a un placement aléatoire des jetons ressources en début de partie et des cartes bâtiments différentes en fonction de la pioche. Bref, Via Nebula est un excellent jeu qui entre dans la catégorie "familial plus" : assez accessible mais suffisamment riche pour plaire aussi aux joueurs chevronnés (mais il ne faut alors pas utiliser le côté (trop) facile du plateau de jeu...).

Il faut aussi souligner, cerise sur le gâteau, l'excellent travail éditorial des Space Cowboys, avec un matériel magnifique : de jolies illustrations de Vincent Joubert et plein de meeples de toutes les formes (des bâtiments différents pour chaque joueur) et de toutes les couleurs. Et un plateau individuel très clair et fonctionnel.

Sans conteste, Via Nebula est mon coup de coeur ludique du moment !

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Via Nebula, un jeu de Martin Wallace, édité par Space Cowboys
Le jeu sur le site de l'éditeur

Les jolis meeples cochon !
Les bâtiments