mercredi 13 janvier 2016

Shakespeare : un opus ludique inspiré !

J'ai eu le temps de faire quelques parties des jeux que j'ai reçus (ou achetés) à Noël... Voici donc pour commencer une petite critique de mon gros coup de coeur : Shakespeare. On y trouve tout ce que j'aime dans les jeux de société : de la gestion, de l'interactivité, des petits coups tordus de temps en temps, des mécanismes bien huilés... et en plus un thème original.

Dans Shakespeare, chaque joueur endosse le rôle d'un auteur de théâtre qui doit monter un spectacle, dans l'espoir d'obtenir le soutien de la reine. Il devra engager des acteurs, des artisans pour la confection des costumes et des décors, faire répéter la pièce, tout en veillant à garder une bonne ambiance dans la troupe. Sans oublier de mettre de côté suffisamment d'argent pour pouvoir payer les salaires de tout ce petit monde.

Une partie dure 6 tours. La première phase est une enchère cachée. Chaque joueur choisit secrètement combien d'actions il fera dans ce tour à l'aide de cylindres en bois. Celui qui aura choisi le moins d'actions jouera en premier, celui qui en aura choisi le plus jouera en dernier. Cette petite astuce rend cette première phase très tactique où il faut choisir entre le nombre d'actions dans le tour et l'ordre du tour, tout en essayant de deviner le choix des autres joueurs. Ensuite, dans l'ordre du tour, chaque joueur va pouvoir activer un de ses personnages : faire répéter un acteur permet en général d'avancer sur différents compteurs du plateau individuel des joueurs, faire travailler les artisans permet de confectionner des costumes dignes de Donald Cardwell (et recevoir un bonus quand ils sont terminés) ou construire des décors comme Roger Harth (et gagner immédiatement des bonus). Une fois dans le tour, il faudra recruter un nouveau personnage, soit un acteur ou un artisan qu'il faudra payer en fin de partie (sinon le joueur sera pénalisé), soit un figurant qui ne coûtera rien (mais qui ne pourra pas être activé). Deux fois dans le jeu, aux tours 4 et 6, il y a une répétition en costume. Seuls les acteurs dont le costume est terminé y participent et donnent des actions supplémentaires au joueur, après quoi des bonus ou des malus sont attribués en fonction de l'avancement des trois actes de la pièce de chaque joueur. Enfin, au terme du tour, tous les personnages utilisés sauf un doivent se reposer et ne pourront pas être activés lors du tour suivant.

Si les mécanismes mis en oeuvre ne sont pas particulièrement originaux, le jeu est parfaitement équilibré, comme toujours chez Ystari. C'est un vrai jeu de gestion, avec un peu d'enchères, du placement d'ouvrier, beaucoup d'interactivité et en bonus un thème finalement bien présent. La victoire se joue en général à quelques points, avec des scores peu élevés (jusqu'à présent, jamais plus de 25 points). Le tout pour une durée de jeu tout à fait raisonnable (environ 20 minutes par joueur), que l'on pratique avec autant de plaisir et d'intérêt de 2 à 4 joueurs.

Pour l'équilibre du jeu, le thème original et bien rendu, le plaisir ludique indéniable qu'il procure, Shakespeare est mon gros coup de coeur du moment. En plus, l'éditeur annonce déjà une petite extension pour le printemps... Bonne nouvelle !

En fin de partie : des acteurs costumés et payés, un décor presque terminé.

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Shakespeare est un jeu de RV Rigal, illustré par Arnaud Demaegd et Nériac, édité par Ystari (site)

lundi 11 janvier 2016

The Hateful Eight : un film sombre, une fable violente et gore sur l'Amérique.


Quelques années après la guerre de Sécession se retrouvent bloqués dans une auberge de montagne, en plein blizzard, des personnages aussi hétéroclites que deux chasseurs de primes (l'un étant noir et ancien soldat de l'Union, il trimbale trois cadavres, l'autre, blanc, voyage avec une prisonnière qu'il veut livrer pour être pendue), le futur nouveau shérif de Red Rock, un mexicain qui s'occupe du relais en l'absence de la propriétaire, le bourreau de Red Rock, un cowboy et un général confédéré. Mais sont-ils tous vraiment qui ils prétendent être ?

Le film s'ouvre sur des paysages enneigés et la musique originale d'Ennio Morricone nous met tout de suite dans l'ambiance. Le réalisateur prend le temps dans la première partie du film de présenter les différents personnages, l'action est lente, les dialogues longs et nombreux. Du Tarantino, quoi ! Avec ses personnages typés et hauts en couleur. Dès le début, il y a un malaise : ça sent les mensonges et la trahison.

Et puis commence le huis-clos dans une auberge perdue dans la montagne, au milieu du blizzard. La tension monte, les suspicions aussi. Et finalement la violence éclate, soudaine, avec des litres d'hémoglobine. Là aussi, c'est du Tarantino.

Comme toujours chez le réalisateur, le film est très référencé et mélange les genres. Le western, évidemment, avec justiciers, colts et vengeance. Mais aussi le film d'enquête façon Agatha Christie ou le film d'horreur, avec quelques scènes particulièrement gores (le réalisateur a confié qu'il a en projet de faire un vrai film d'horreur... on entrevoit ici ce que ça pourrait donner !). Le scénario aussi est très tarantinien, avec ses chapitres, ses surprises et ses retours en arrière.

Mais la dernière scène, magnifique, revêt une portée étonnante et apparaît comme la morale, assez cruelle, d'une fable. Car c'est bien ce dont il s'agit avec ce huitième film de Tarantino : une fable violente et gore sur l'Amérique, sur fond de racisme. Certains dialogues sur la justice, la vengeance et la légitime défense résonnent de façon assez intéressante aujourd'hui (notamment au regard des prises de position de Tarantino sur les violences policières aux USA) !

Au niveau du casting, je soulignerais en particulier la performance impressionnante de Jennifer Jason Leigh et celle, savoureuse, de Tim Roth mais tous sont excellents, avec plusieurs acteurs fétiches de Tarantino. Mentionnons aussi la musique originale du maître Ennio Morricone, vraiment excellente (en particulier lorsqu'elle accompagne les scènes gores).

The Hateful Eight est donc un excellent Tarantino, mais pour un public averti. Un film fidèle au réalisateur dans sa forme, et finalement assez engagé dans son fond.