lundi 28 décembre 2015

Cinéma : mon palmarès 2015

Cette année, j'ai vu 96 films au cinéma... N'en garder que dix a été une gageure ! Du coup, je me suis accordé une petite marge en proposant mon top 10... plus un... plus quelques autres ! J'ai pas mal hésité pour désigner mon film de l'année et j'ai finalement tranché pour le virtuose Birdman. Le podium est complété par deux films très différents : l'éprouvant fils de Saul et l'hallucinant Mad Max Fury Road. Voici donc l'ensemble de la liste, un palmarès personnel, forcément subjectif et discutable, mais que j'assume pleinement :

1. Birdman
Une leçon de cinéma, un film construit pratiquement comme un seul et unique plan séquence. C'est cruel, drôle, virtuose, onirique, incroyablement interprété.
Ma critique ici.

2. Le fils de Saul
Un récit oppressant sur l'horreur des camps d'extermination nazis, filmé à hauteur d'homme (quel regard de Géza Röhrig, l'acteur principal). Une expérience cinématographique éprouvante qu'on n'oublie pas.
Ma critique ici.

3. Mad Max Fury Road
Un opéra visuel et vrombissant, baroque et flamboyant. Un feu d'artifice d'action et d'images à couper le souffle. Une course poursuite hallucinante et déjantée. Une claque.
Ma critique ici.

4. It Follows
Un film d'épouvante flippant et magistral. Vous ne pourrez plus marcher dans la rue comme avant, sans observer ceux qui vous entourent !
Ma critique ici.

5. A Most Violent Year
Un film au rythme inexorable, comme une machine à broyer le rêve d'un homme, qui avance sans qu'on puisse l'arrêter. Avec Oscar Isaac et Jessica Chastain formidables.
Ma critique ici.

6. Le pont des espions
Du grand Spielberg, qui transforme un film d'espionnage à l'histoire incroyable en récit humaniste.
Ma critique ici.

7. Une belle fin
Un film simple, triste et beau. Pas du tout morbide et avec une conclusion bouleversante.
Ma critique ici.

8. Vice-versa
Un magnifique film d'animation des studios Pixar. C'est drôle, malin, tendre. LE divertissement familial intelligent !
Ma critique ici.

9. Love & Mercy
Un biopic passionnant qui propose une plongée étonnante dans l'esprit d'un génie créateur.
Ma critique ici.

10. Nous trois ou rien
Un film positif et drôle, émouvant et fort, avec un ton original. La belle surprise de l'année.
Ma critique ici.

Et en bonus :

11. Star Wars - Le réveil de la Force
Certes, le film n'est pas parfait, le scénario n'est pas très original mais quel plaisir de retrouver l'esprit et les personnages de la première trilogie ! Ca mérite bien une onzième place dans mon top 10 ;)
Ma critique ici.

Et parce que c'est difficile de s'arrêter, n'oublions pas ces quelques autres que j'ai aussi beaucoup aimé (par ordre alphabétique) : Kingsman,  La isla minimaLes secrets des autresMustang, RéalitéThe Walk...

Vivement 2016, pour une nouvelle année de cinéma !

mercredi 23 décembre 2015

L'exoconférence : un spectacle brillant !

Ma femme a eu l'excellente idée de m'offrir pour mon anniversaire le blu-ray du dernier spectacle d'Alexandre Astier : l'exoconférence. Brillant ! Le comédien arrive à proposer un spectacle à la fois érudit et drôle, sous la forme d'une conférence donnée par un astrophysicien évoquant la formation de l'univers à partir du big bang pour en arriver à la question de la vie extraterrestre.

Extraordinairement documenté (Astier s'est préparé en rencontrant de nombreux scientifiques, on en a quelques échos dans le bonus du blu-ray), le spectacle convoque Ptolémée, Copernic ou Pascal, mais évoque aussi Roswell ou d'autre "témoignages" de contacts supposés avec des extraterrestres, le tout avec des références à 2001 : l'odyssée de l'espace ou Rencontre du 3e type.

Didactique et pédagogique, le spectacle est aussi souvent très drôle, grâce à l'humour typique d'Astier, décalé et iconoclaste (le runing-gag sur la plaque de Pioneer, message envoyé au reste de l'univers et apposé sur deux sondes spatiales !). Le spectacle, vers la fin, prend même un tournure méditative et métaphysique qui se prête tout à fait au sujet.

L'exoconférence est un spectacle très original et brillant, qui nous fait rire, nous instruit, nous fait réfléchir... et nous invite à lever les yeux vers les étoiles. J'ai déjà envie de le revoir !


mercredi 16 décembre 2015

Star Wars, le réveil de la Force : Le retour du Star Wars qu'on aime !

Le voilà, le film le plus attendu de l'année ! Celui que tous les geeks attendaient avec fébrilité et une certaine appréhension, craignant de voir se reproduire les déception de la trilogie préquelle signée Georges Lucas.

Mais disons-le tout de suite : le pari de JJ Abrams est tout à fait réussi. Le réveil de la Force signe le grand retour de l'univers Star Wars qu'on aime, celui de la première trilogie. Bourré d'action, le film est très divertissant, avec quelques pointes d'humour bienvenues, juste ce qu'il faut. Le film a de très nombreux clins d'oeil à la première trilogie et on se régale tout au long du film d'assister au retour, 30 ans après, de nos héros favoris Han Solo, Leia, Luke, Chewbacca, les droïds... On est vraiment replongé dans l'univers Star Wars, avec sa galaxie peuplée de créatures étranges et bigarées (et pas seulement en image de synthèse : les masques et les marionnettes sont de retour, ça fait partie du charme). On retrouve bien-sûr aussi les éléments incontournables : les sabres laser, les vaisseaux impérieux, les stormtroopers, les vaisseaux tie et leur son emblématique, les X-Wings... et le Faucon Millenium (dont la première apparition est particulièrement réussie dans le film).

Le scénario, s'il n'est pas d'une très grande originalité (il rappelle beaucoup celui de du premier film, Un nouvel espoir) est tout de même efficace. Il réserve toutefois quelques suprises et révélations de taille dont je ne dirai rien pour ne pas spoiler. Mais ce n'est pas l'envie qui me manque parce que quand même... Et on arrive à la fin du film avec l'envie de voir la suite, évidemment. D'autant que la dernière scène est vraiment réussie et que plusieurs questions restent non résolues.

Une bonne partie du film tourne autour de Han Solo et il faut avouer que Harrison Ford tient encore la forme pour ses 70 ans ! Les petits nouveaux sont bien, en particulier la jeune Daisy Ridley dans le rôle de Rey, sorte d'alter-ego féminin et jeune de Han Solo, avec un soupçon de Luke Skywalker. Et puis, quel plaisir de retrouver la musique du génial John Williams !

Star Wars n'est désormais plus lié à son créateur, Georges Lucas, et on peut se dire, au vu de ce Réveil de la Force, que ce n'est pas plus mal ! La franchise a encore de beaux jours devant elle. La mythologie de Star Wars ne meurt jamais !

mercredi 9 décembre 2015

Le pont des espions : du grand Spielberg !

Le film raconte l'histoire incroyable, inspirée de faits réels, au coeur de la guerre froide, d'un avocat envoyé par la CIA à Berlin Est pour négocier un échange de prisonniers avec l'Union soviétique. La scène d'ouverture place tout de suite la barre très haut. Presque sans dialogue, elle est centrée sur un homme d'apparence banale qui, on le comprend très vite, se révèle être un espion traqué par des agents du FBI. On est tout de suite plongé dans le genre classique du film d'espionnage et en immersion dans les années 50, grâce à de nombreux petits détails et une mise en scène parfaitement maîtrisée. Magistral.

Tout le film est extrêmement bien construit. La première partie s'organise autour de deux récits en parallèle. D'un part celui de l'arrestation et du procès de Rudolf Abel, espion soviétique ; d'autre part celui de la mission d'espionnage et de la capture du pilote américain Francis Gary Powers, récit qui s'enrichit de l'arrestation de Frederic Pryor, étudiant américain à Berlin Est. La deuxième partie du film se centre sur la négociation menée par James Donovan, avec pour paroxysme le moment de l'échange de prisonniers, sur un pont, et une tension savamment entretenue.

La fin du film, très spielbergienne, arrive à nous tirer les larmes et conclut admirablement ce grand film très classe.

Tom Hanks est parfait dans le rôle de cet avocat intègre aux ressources étonnantes. Mark Rylan est vraiment génial dans le rôle d'un espion soviétique pour lequel James Donovan finit par avoir une réelle sympathie, et le spectateur avec lui !

Car c'est une des forces de ce film que d'être bien plus qu'un efficace film d'espionnage. C'est un film profondément humain et humaniste, notamment à travers la relation entre l'espion soviétique et son avocat. La plongée dans le contexte de la guerre froide est aussi particulièrement réussie, avec une justice expéditive des deux côtés, l'entretien de la peur d'une attaque nucléaire des russes (extraordinaire scène à l'école !), la pression populaire et le lynchage médiatique contre l'avocat traître qui défend un espion (deux magnifiques scènes dans le métro, à deux moments du film, souligne bien la versatilité de la foule).

C'est aussi un film qui entre en écho de façon étonnante avec notre actualité. La reconstitution du Berlin Est du tout début des années 60, au moment de la construction du mur, est frappante et résonne de façon étrange lorsqu'on voit s'ériger de nouveaux murs en Europe ou ailleurs dans le monde. Un magnifique plan, à la fin du film, lorsque Donovan est de retour aux USA et qu'il regarde par la fenêtre, montre que l'ombre du mur qu'il a vu en Allemagne y est encore présente...

Une histoire incroyable, magistralement filmée et parfaitement scénarisée, avec juste ce qu'il faut de touches d'humour toujours bienvenues (les frères Coen ont participé au scénario...), tout cela fait sans nul doute du Pont des espions un des films de l'année. Du grand Spielberg !

lundi 7 décembre 2015

Mia Madre : un beau film, sensible et pudique

En plein tournage de son film, Margherita, réalisatrice, doit aussi faire face à la maladie de sa mère, en train de mourir. Avec son frère, elle accompagne comme elle peut sa mère, tout en devant gérer sa fille adolescente dans sa vie privée et un acteur américain un peu fantasque sur son tournage.

Nanni Moretti met beaucoup de lui-même dans cette histoire : Margherita y apparaît comme son alter-ego féminin et le film contient une mise en abyme du cinéma. Scènes familiales intimes, rêves et souvenir s'entremêlent pour évoquer avec beaucoup de sensibilité l'accompagnement de proches dans leur fin de vie, avec tous les bouleversements personnels que cela peut provoquer.

J'avoue toutefois être resté un peu extérieur à l'histoire, spectateur attentif des scènes familiales, et amusé par les cabotinages de l'excellent John Turturo. Jusqu'aux dernières minutes du film, lorqu'arrive le moment du décès de la maman. Là, j'ai été véritablement happé par l'émotion. Une telle justesse, avec une grande pudeur, dans l'évocation de l'accompagnement des enfants dans les derniers instants de vie de leur mère est absolument bouleversante. Et puis viennent les premiers temps du deuil, avec l'évocation de souvenirs, là où la défunte reste toujours bien vivante. Et enfin, un dernier plan sublime, plein de force et d'espoir. Ces dix ou quinze dernières minutes sont touchées par la grâce !

lundi 30 novembre 2015

Knight of Cups : un voyage intérieur fascinant, onirique et métaphysique

Knight of Cups s'ouvre, en voix off, avec l'introduction du Voyage du pèlerin de John Bunyan, récit allégorique, classique de la littérature anglaise, qui évoque les aventures de Christian dans son voyage jusqu'à la "Cité céleste" de Sion. Puis Rick, le personnage principal, évoque, toujours en voix off, le conte que son père lui racontait quand il était petit : « Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Égypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coupe pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia qu’il était fils de roi, il oublia sa quête et il sombra dans un profond sommeil… »

Dès l'ouverture, on comprend donc que le film aura une portée mystique et métaphysique. Terrence Malick, dans la lignée de ses deux précédents films, propose un voyage intérieur, dans une succession de tableaux souvent contemplatifs, toujours fascinants, parfois d'une beauté sublime. Le récit, déstructuré, est chapitré par l'intitulé de cartes de tarots divinatoires (le titre du film désigne d'ailleurs une carte de tarot). On y croise le père de Rick, son frère et les femmes qui ont traversé sa vie. Un puzzle dont les pièces sont dispersées. A nous de le reconstituer, sans être sûr d'avoir toutes les pièces à disposition.

On retrouve les marques de fabrique du réalisateur : une caméra toujours en mouvement, un travail incroyable sur l'image (avec des plans beaucoup plus urbains que dans les films précédents), l'omniprésence de voix off.

Les liens sont évidents avec les deux précédents opus du réalisateur, eux aussi basés sur des scénarios déstructurés. On y retrouve, comme dans Tree of Life, l'évocation de la famille, le rapport au père, la mort d'un frère ; de même pour la quête de sens et la recherche de l'amour comme dans A la Merveille.

Si le film n'atteint pas la grâce unique de Tree of Life, Knight of Cups est tout de même un film fascinant et envoûtant, certes déroutant aussi, dans lequel il faut être prêt à se perdre et se laisser porter par les images toujours aussi sublimes de Terrence Malick. Comme souvent avec le réalisateur, les gens vont adorer ou détester (plusieurs spectateurs ont quitté la salle au cours de la projection à laquelle j'assistais...). Moi, j'ai aimé ! Je suis sorti du film avec plein de questions sans réponse mais aussi avec l'impression d'avoir vécu une expérience cinématographique singulière. Et aussi le sentiment que les richesses du film ne se dévoileront qu'après plusieurs visionnages.

lundi 9 novembre 2015

Le fils de Saul : une expérience cinématographique éprouvante

Saul est prisonnier dans le camp d'Auschwitz. Il est membre du Sonderkommando, des Juifs isolés des autres prisonniers, forcés d'aider les nazis dans leur plan d'extermination. Un jour, il croit reconnaître dans les traits d'un enfant mort le corps de son fils. Il n'aura désormais plus qu'une obsession : sauver cet enfant des flammes, trouver un rabbin et lui offrir une véritable sépulture.

Le Fils de Saul est un film oppressant. Le réalisateur, László Nemes, choisit de filmer toute cette histoire à la hauteur de son personnage principal. On passe presque la totalité du film à 30 centimètre du visage de Saul, incroyablement incarné par Géza Röhrig. Quel regard ! Une performance vraiment exceptionnelle !

C'est donc une vision très subjective qui est proposée, où l'horreur est suggérée plutôt que montrée. Tout ce qui environne Saul est flou mais on devine les corps dénudés, on entend les cris de détresse des prisonniers en train d'être gazés, les ordres agressifs des nazis, les coups de feu... On sort véritablement KO de cette expérience cinématographique éprouvante mais avec l'impression d'avoir vu un film qu'on ne peut pas oublier !

Nous trois ou rien : un film qui fait tellement de bien !

Dans son premier film, Kheiron raconte l'histoire de ses parents, Hibat et Fereshteh, opposants au Shah en Iran, puis au régime islamiste de Khomeiny. Obligés de fuir leur pays, puis réfugiés politiques en France, ils se retrouveront dans un quartier difficile de la banlieue parisienne.

Kheiron porte un regard plein d'admiration pour ses parents. Et on le comprend ! Leur parcours exemplaire force le respect. Le réalisateur adopte un ton original : même si le sujet est fort et même dramatique à plusieurs reprises, il arrive à garder un ton plein de tendresse et d'humour. On y retrouve même parfois des échos de Bref, la mini-série qui l'a fait connaître au grand public (avec aussi la présence de Kyan Khojandi dans le casting).

On rit souvent, grâce à des personnages hauts en couleur. Certaines scènes sont vraiment réussies : la demande en mariage aux parents de Fereshteh, la visite du château de Versailles par le groupe du centre social de banlieue...

Mais on est aussi souvent ému, touché jusqu'aux larmes par des scènes très fortes : dans la prison en Iran ou, une des plus belles scènes du film, lorsque Fereshteh téléphone pour la première fois à son père depuis la Turquie, sans dire un mot.

Le film bénéficie d'un très joli casting. Kheiron jour le rôle de son propre père. Leila Bekhti est excellente dans celui de Fereshteh et Gérard Darmon est très drôle dans le rôle du père de Hibat.

Au final, Nous trois ou rien est un film positif et drôle, émouvant et fort. Une belle leçon d'intégration qui invite au vivre ensemble, C'est un peu l'anti-Dheepan ! Alors qu'on sortait du film d'Audiard avec un malaise assez désagréable, on ressort du film de Kheiron plein d'espoir. Et ça fait tellement de bien dans le contexte actuel !

mardi 3 novembre 2015

The Walk : vertigineux et magique !

The Walk évoque le parcours du funambule français Philippe Petit, célèbre pour avoir relié sur un fil les deux tours du World Trade Center, 400 mètres au-dessus du sol, en 1974.

Dans sa première partie, le film est un biopic agréable et léger, où on découvre l'origine de la passion de Philippe Petit pour le funambulisme, son apprentissage et l'émergence de son rêve.

La tension monte d'un cran quand Philippe Petit prépare le coup du World Trade Center, filmé comme la préparation d'un casse d'une banque : élaboration du plan d'action, constitution de l'équipe, recherche de complices, improvisation face aux imprévus...

Et c'est alors que le moment tant attendu arrive. Dès l'instant où Philippe Petit met le pied sur le câble qui relie les deux tours, le film entre dans une autre dimension. C'est le cas de le dire ! En effet, la technologie 3D prend ici tout son sens. C'est vraiment vertigineux ! On connaît l'histoire, on sait pertinemment que le funambule ne tombera pas... et pourtant la tension ne retombe qu'à la fin de son coup d'éclat.

Mais là où Robert Zemeckis, le réalisateur, fait merveille, c'est qu'il arrive à aller au-delà du spectaculaire et propose une demie-heure finale tout simplement magique. Il y a une dimension poétique, une portée symbolique, un souffle de liberté étonnants dans ces quelques minutes qui, à elles seules, rendent le film assez unique. Et puis il y a la présence monumentale des Twin Towers et l'ombre du 11 septembre 2001... La fin du film est poignante : Philippe Petit évoque le fait qu'on lui a octroyé, après son exploit, un pass illimité pour accéder au sommet des tours. Un pass où à la place de la date d'expiration il est écrit "for ever", avant de voir, en guise de dernier plan, les deux tours à la lumière d'un couché de soleil. Ah, ils sont forts, ces américains !

Le parti pris de voir tout au long du film le personnage de Philippe Petit raconter son histoire, juché au sommet de la statue de la liberté, donne un petit côté fable ou conte de fée au récit du film. Le personnage central y apparaît comme un héros à la poursuite de son rêve, épris de liberté, défiant avec espièglerie les représentants de l'autorité et de la loi.

Bon casting, avec un Joseph Gordon-Levitt remarquable dans le rôle de Philippe Petit. Un petit bémol pour les acteurs américains qui parlent en français... même si Joseph Gordon-Levitt se débrouille pas mal du tout, c'est quand même peu crédible. Jolie musique originale d'Alan Silvestri.

The Walk est vraiment un bon film, et même une véritable expérience cinématographique enthousiasmante dans sa dernière demie-heure. A ne pas manquer !

lundi 2 novembre 2015

The Lobster : l'OVNI cinématographique de l'année !

Quitté par sa femme, David se retrouve seul et il intègre un hôtel un peu particulier : il a 45 jours pour y trouver l'âme soeur, sinon il sera transformé en l'animal de son choix ! Et il a déjà décidé que ce serait un homard.

Avec un tel pitch, on comprend que le film sera surréaliste ! Dans ce monde dystopique où il n'y a pas de place pour les célibataires (ils sont traqués par la police), le seul but est de trouver un conjoint. Et tous les moyens sont bons. Le film pointe du doigt, jusqu'à l'absurde, les pratiques contemporaines de recherche d'un conjoint (sites de rencontres, application pour smartphones...), basées sur différents critères... quitte à tricher pour y arriver. Mais ça n'est pas facile de trouver l'âme soeur. D'ailleurs, on apprend que le chien avec lequel David est arrivé à l'hôtel est en réalité son frère, qui avait échoué lors d'un précédent séjour dans le fameux hôtel (et c'est sans compter, pour la même raison, les animaux les plus incongrus qu'on rencontre dans la forêt : flamant rose, poney ou chameau).

Dans la première partie du film, la description de ce monde absurde donne naissance à des scènes cocasses (les démonstrations ridicules du personnel pour démontrer les avantages de la vie en couple sur la vie en solitaire) et des dialogues surréalistes, où surgissent parfois des épisodes violents ou cruels  (les sévices corporels en guise de punition, la chasse aux solitaires dans les bois, leur capture permettant aux résidents de gagner des jours supplémentaires...). Le ton général du film est d'ailleurs assez sombre, avec un langage parfois cru et des situations qui créent un réel malaise. Le film n'est pas forcément tout public...

Dans la deuxième partie du film, David s'échappe de l'hôtel et se retrouve au milieu d'un groupe de solitaires rebelles, réfugiés dans la forêt; qui vivent dans un groupe où toute relation amoureuse est interdite, sous peine là aussi de sévices corporels humiliants. C'est pourtant là que David rencontrera l'amour... ce qui sera aussi la cause de nouvelles souffrances.

The Lobster est un OVNI cinématographique ! J'imagine volontiers que plusieurs le détesteront. Moi, j'ai aimé ! C'est un film surréaliste, au ton très cynique, souvent drôle et absurde. Mais c'est aussi, sous bien de aspects, un film sombre et terrifiant. Un film vraiment étonnant qui a mérité son prix du jury au dernier festival de Cannes. Colin Farrell est parfait dans le rôle d'un homme perdu à la recherche de l'amour, et Rachel Weisz très touchante. A noter : le très bon choix de musiques utilisées dans le film (notamment celles, grinçantes, extraites d'oeuvres de Chostakovitch et de Schnittke)

Sous ses aspects de fable surréaliste, le film peut s'avérer très intéressant pour débattre du couple et de ses relations, de la recherche de l'âme soeur. Il interroge aussi sur les modèles que la société peut imposer dans ces domaines, sur la volonté de faire entrer tout le monde dans des cases.

lundi 26 octobre 2015

Seul sur Mars : film hard-science très spectaculaire

Au cours d'une expédition sur Mars, l'astronaute Mark Watney est laissé pour mort par l'équipage de l'Ares III, contraint d'interrompre leur mission en urgence. Mais Mark a miraculeusement survécu. Seul sur une planète hostile, il va devoir faire preuve d'ingéniosité pour survivre et essayer de contacter la Terre. La NASA devra travailler d'arrache-pied pour monter une mission de sauvetage.

Seul sur Mars est  un grand spectacle de hard-science. Je n'ai évidemment pas les compétences scientifiques pour juger de la crédibilité de tous les détails du scénario mais ça me semble vraiment réaliste. Même si, évidemment, il y a forcément quelques inexactitudes (voir cet article). Ca reste une fiction...

Le film bénéficie du savoir faire de Ridley Scott, à mon avis jamais aussi bon que lorsqu'il réalise de la science-fiction. Dès la scène d'ouverture, on sait qu'on va en prendre plein les yeux et que nos nerfs vont être mis à rude épreuve. Et de fait, le film nous propose des images à couper le souffle (notamment la reconstitution de Mars, ses paysages immenses, et la solitude écrasante de Mark) et le scénario offre une tension parfaitement entretenue, jusqu'au final paroxysmique où on retient son souffle. Normal, dans l'espace...

Ajoutez à cela un casting assez impressionnant et quelques touches d'humour bienvenues (notamment la scène avec le clin d'oeil au Seigneur des Anneaux, avec Sean Bean, Boromir dans le film de Peter Jackson !), et vous obtenez vraiment un film à grand spectacle.

J'aurais toutefois deux petits bémols... D'abord, il y a cette impression que le film est une vaste campagne publicitaire pour la NASA pour financer les missions vers Mars. C'est un peu gênant parfois. Et puis il y a le manque de dimension métaphysique, alors que le sujet s'y prête. Une dimension qui était pleinement présente dans deux chefs d'oeuvre récents, sur un sujet similaire : Gravity (par sa symbolique) et Interstellar (avec ses accents mystiques).

Mais ces deux bémols ne doivent pas nous faire bouder notre plaisir devant le spectacle que propose Seul sur Mars, un divertissement de haut-vol, à défaut d'être un chef d'oeuvre.

lundi 19 octobre 2015

Crimson Peak : Gothique, flamboyant et sanglant


Au tout début du XXe siècle, Edith Cushing, qui rêve d'être romancière, vit avec son père, hantée par la mort de sa mère, décédée alors qu'elle était enfant. Elle tombe sous le charme de Thomas Sharpe, jeune noble venu du vieux continent à la recherche de fonds aux Etats-Unis. Ils se marient et vont habiter dans le lugubre manoir des Sharpe, en compagnie de Lucille, la mystérieuse soeur de sir Thomas.

Le principal intérêt du film réside dans l'univers gothique, flamboyant et sanglant, créé par Guillermo Del Toro. Je pense en particulier au manoir lugubre et délabré, véritable personnage du film. Vraiment une belle réussite. La patte de Del Toro se manifeste aussi dans l'aspect de ses fantômes : non pas de simples spectres humanoïdes mais des créatures cauchemardesques. Le tout est filmé avec maestria, et une certaine extravagance, avec des lumières exagérées, des décors et des costumes opulents. C'est assez fascinant.

Le scénario, lui, est classique, sans grande surprise, mais efficace. Les fantômes jouent le rôle de métaphores d'un passé lourd et oppressant, de secrets familiaux terribles. Il faut aussi souligner l'excellent trio d'acteurs : Mia Wasikowska, Tom Hiddleston et Jessica Chastain (un nouvelle fois formidable, et cette fois vraiment inquiétante).

Interdit en salle aux moins de 12 ans (surtout pour le côté très sanglant de plusieurs scènes), Crimson Peak n'est certes pas pour tout public. Mais son univers gothique flamboyant et la belle performance de ses acteurs en font vraiment un bon film d'amour, avec des fantômes dedans !

lundi 12 octobre 2015

Sicario : un film coup de poing, fort et haletant

Agent de terrain du FBI, Kate Macer est affectée à un groupe d'intervention d'élite dirigé par un mystérieux consultant, dans la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique. Kate découvre alors des méthodes bien au-delà de la légalité...

Les sicaires étaient des activistes Juifs au Ier siècle qui cherchaient à combattre les Romains par le moyen d'assassinats. Par extension, un sicaire désigne aujourd'hui un tueur à gages. C'est le rôle que joue, dans Sicario, Alejandro (joué par Benicio Del Toro), au profit des Etats-Unis, dans la lutte contre les cartels de la drogue au Mexique. Toute la question posée par le film est là : jusqu'où peut-on aller pour lutter contre le mal ?

Dès la première scène du film, le ton est donné. Sicario sera un film coup de poing. Caméra subjective, au plus près de l'action. A plusieurs reprises, la tension sera palpable, la violence souvent suggérée, ce qui lui donne parfois encore plus de force. Le réalisateur ne nous épargne pas aussi quelques scènes chocs, pouvant troubler la sensibilité de certains spectateurs. Mais ce n'est pas gratuit et sert parfaitement le propos.

Car le film pose la question des frontières entre le bien et le mal. Jusqu'où est-il légitime d'aller dans la lutte contre le mal ? Peut-on utiliser les mêmes méthodes que ceux que l'on combat ? Ces questions sont posées à travers le regard de Kate tout au long du film, jusqu'au dénouement, tout à fait révélateur. [SPOILER] A la fin du film, Kate a la possibilité de tuer Alejandro, mais elle ne le fait pas. Pourquoi ? Parce qu'elle se résout à accepter que la méthode qu'il utilise est inévitable ou parce qu'elle se refuse à utiliser elle-même une méthode similaire ? Le doute persiste... [/SPOILER]

Denis Villeneuve semble bien fasciné par cette question de la frontière entre le bien et le mal. C'était le cas dans Incendies et surtout dans Prisoners. Dans ce dernier film, c'était au niveau personnel et familial. Dans Sicario, on est au niveau politique et étatique. Et à chaque fois, Denis Villeneuve pose la question, de façon dérangeante, sans vraiment donner de réponse. Ses films chocs interrogent forcément le spectateur.

Sicario est un thriller politique haletant et dérangeant, extrêmement bien réalisé par le talentueux Denis Villeneuve. Le casting est impeccable : Emily Blunt est très convaincante, Benicio Del Toro est glaçant et Josh Brolin, froid et cynique, est excellent. Un film à ne pas manquer !


lundi 5 octobre 2015

Mémoires de jeunesse : un biopic poignant aux vertus féministes et pacifistes

Mémoires de jeunesse est une adaptation du livre autobiographique éponyme de Vera Brittain (Testament of Youth en anglais), ses mémoires de la première guerre mondiale.

Vera est une jeune femme qui ne veut pas se laisser enfermer dans le rôle alors assigné aux femmes. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle ne veut pas se marier... Mais c'est sans compter sur l'amour qui frappera à sa porte. En tout cas, elle veut devenir écrivain et elle arrive à convaincre son père de se présenter au concours d'entrée à Oxford. Et elle est reçue. Dans la première partie du film, c'est l'argument féministe qui prédomine. On y voit le peu de place laissée aux femmes dans la société de l'époque, la difficulté pour elles d'envisager autre chose que le rôle auquel on les limite (femme au foyer). On s'amuse aussi des rendez-vous galants chaperonnés, où les amoureux s'efforcent de semer celle qui les surveille.

C'est alors que survient la guerre et l'histoire prend une toute autre tournure. En réalité, même sans connaître l'histoire de Vera Brittain, on comprend dès la première scène du film que la guerre laissera pour elle des traces indélébiles : on est au moment de l'Armistice, tout le monde se réjouit dans les rues mais Vera a le visage fermé et fend la foule pour se réfugier dans une église. Alors qu'elle commence à peine ses études, le jeune frère de Vera s'engage dans l'armée. Son fiancé aussi. Et son monde va commencer à s'effondrer.  Elle ne peut pas rester sans rien faire et décide de quitter ses études et de s'engager comme infirmière volontaire. Elle finira par se retrouver sur le front, en France, où elle se retrouvera même à soigner... les blessés allemands.

C'est dans cette deuxième partie que se trouvent les scènes les plus fortes, notamment dans les hôpitaux de guerre. Il y a des images chocs, des blessés et des morts venus du front. Mais aussi des scènes d'une grande force émotionnelle, liées au destin de Vera. Impossible de ne pas être bouleversé.

L'histoire de Vera Brittain force le respect et le film lui rend un vibrant hommage. La réalisation de James Kent, même si elle n'a rien de révolutionnaire, est excellente. Les images sont portées par une belle partition lyrique de Max Richter. Et le casting est bon. Avec, en particulier Kit Haringtion (célèbre pour son rôle de John Snow dans la série Game of Thrones).

Mais c'est surtout la performance d'Alicia Vikander, dans le rôle de Vera Brittain, qu'il faut souligner. Elle est déjà à l'affiche actuellement, dans un autre registre, du film Agents très spéciaux, où elle est très bien. Mais ici, elle crève l'écran ! Son interprétation est en tout point remarquable, intense et pleine de finesse à la fois. Une actrice à suivre !

Mémoires de jeunesse est un biopic fort, un drame poignant qui a de remarquables vertus féministes et pacifistes. A cet égard, l'épilogue du film mérite d'être souligné. On y assiste à une scène où Vera prend la parole pour un discours fort et touchant, contre le sentiment de vengeance qui montait alors et contre toute forme de guerre. Et de fait, Vera Brittain deviendra une grande militante pacifiste le reste de sa vie. Derrière le drame se dégage une belle leçon de vie et un exemple qui fait réfléchir.

mercredi 30 septembre 2015

Reproduction interdite : un roman passionnant... et inquiétant

Deux affaires apparemment sans lien entre elles atterrissent sur le bureau du juge Rettinger. L'une concerne la mort du professeur Ballin, célèbre pour avoir été le premier à réaliser un clonage humain. Son corps a été retrouvé dans une chambre d'hôtel. L'autre concerne la mort de onze détenus dans l'incendie d'une prison. Au fil de l'enquête, ces deux affaires se révéleront liées, et dévoileront des implications bien plus importantes (c'est un euphémisme !) que ne pouvaient le laisser penser ces deux faits divers.

Nous sommes au milieu du XXIe siècle, le clonage est devenu une industrie florissante, en particulier le clonage humain. Élevés dans des centres de production en masse, les clones constituent de précieuses banques d'organes. Le nec plus ultra étant pour les plus fortunés d'avoir leur propre clone, à disposition pour offrir des greffes d'organe en cas de besoin. Les clones sont également produits en masse pour devenir de la main d'oeuvre qualifiée pour l'industrie ou l'armée. Sélectionnés et modifiés génétiquement, ils sont infiniment plus efficaces que des robots.

Ecrit en 1989, et révisé pour la réédition en livre de poche en 2015, Reproduction interdite est un roman d'anticipation passionnant. Une dystopie (ou contre-utopie) inquiétante mettant en garde contre les dérives possibles de la science, notamment en matière de génie génétique. L'histoire nous est présentée sous la forme d'un dossier top-secret, dont les différentes pièces sont classées de manière chronologique : transcriptions d'écoutes téléphoniques, courriers, notes de service, articles de journaux...

L'auteur, Jean-Michel Truong, va très loin dans l'évocation d'une société où les clones ne sont pas considérés comme humains mais guère plus que des animaux, ou même de simples objets. Va-t-il trop loin ? Ou le monde qu'il décrit est-il un avenir possible ? Certains documents qu'il intègre au dossier sont véritablement glaçants. Ainsi, par exemple, cet article décrivant la visite du plus grand centre de production de clones, son laboratoire d'embryologie, sa nurserie automatisée, ses unités de stabulation (comme du bétail, on parle de cheptels de clones) et de cryogénisation (pour garder les organes au frais)...

Il se dégage de cet ouvrage une vision pessimiste de l'humanité, capable du pire dans le seul but d'accroître son pouvoir, où les enjeux économiques sont bien au-dessus de toute considération éthique. La lecture de l'ouvrage crée un malaise certain et interroge sur les limites de la science et des progrès technologiques. On y découvre un monde où l'opinion publique est manipulée, où tous les pouvoirs, y compris l'Eglise, s'accommodent d'une vision utilitariste, où les maigres résistances ne sont pas toujours portées par de nobles motivations.

Au-delà de l'enquête, certes intéressante et bien menée, c'est l'évocation de ce monde dénué de tout sens éthique qui passionne dans ce roman. L'ouvrage se veut clairement un cri d'alerte qu'il paraît légitime d'entendre !

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Reproduction interdite, un roman de Jean-Michel Truong (Folio SF n° 516)

lundi 28 septembre 2015

Le prodige : paranoïa sur un échiquier


Le film raconte l'histoire de Bobby Fischer, prodige américain des échecs. Au coeur de la guerre froide, son irrésistible ascension et surtout ses victoires contre les champions soviétiques, réputés imbattables, prennent valeur de symbole. Jusqu'au "match du siècle" contre le champion du monde Boris Spassky.

Bobby Fischer est à la fois un personnage fascinant et inquiétant. Génie des échecs, il souffrait aussi de sérieux troubles paranoïaques. Absolument incontrôlable, il s'est petit à petit enfermé dans des discours antisémites délirants (lui-même étant Juif). L'incroyable exposition médiatique qu'il subit ne pouvait qu'accentuer ses troubles psychologiques. Il y a une réplique intéressante dans le film, en réponse à quelqu'un commentant l'attitude fantasque du champion pendant le "match du siècle", disant qu'il avait peur de ce qui pouvait arriver s'il perdait, Boris Spassky répond : "Non, il a peur de ce qui peut arriver s'il gagne !"

Et de fait, après sa victoire, Bobby Fischer s'enfoncera plus profondément dans sa paranoïa. La fin du film l'évoque rapidement : il sombrera dans la déchéance avant de s'exiler en Islande où il tiendra jusqu'à sa mort des discours antisémites et anti-américains.

La réalisation d'Edward Zwick est certes assez classique mais il parvient à évoquer de façon convaincante la projection sur un simple jeu de toute la tension de la guerre froide, avec son apogée au cours de son affrontement contre Boris Spassky.

Il faut aussi noter l'excellente prestation de Tobey Maguire, bien entouré par un Liev Schreiber qu'on croirait russe et un très bon Michael Stuhlbarg dans le rôle de Paul Marshall, avocat qui a pris en main le destin de champion de Bobby Fischer. Belle partition musicale aussi de James Newton Howard.

Le prodige est un très bon film sur un personnage fascinant et inquiétant, reflet de la folle paranoïa qui présidait au temps de la guerre froide.

jeudi 17 septembre 2015

1969 : un jeu pour décrocher la lune

Dans la série En-voilà-un-bon-jeu-qui-mériterait-d'être-plus-connu, voici 1969 ! Un jeu de conquête spatiale pour tenter de décrocher la lune. J'aime ce thème !

Si l'illustration de la boîte de jeu est un peu trop naïve à mon goût, le matériel dans la boîte est au contraire de bonne facture : un plateau de jeu commun, avec les informations essentielles, avec des illustration qui nous plongent fort bien dans les années 60. Chaque joueur a deux plateaux individuels (un peu fins...) représentant le développement technologique de leur programme spatial. Enfin, chacun a une petite fusée avec le drapeau de la nation qu'il incarne (USA, URSS, France, Allemagne ou Canada) à utiliser pour les différentes missions.

Les mécanismes sont plutôt classiques. Rien de révolutionnaire mais ça tourne vraiment bien. Il s'agit principalement d'engager des scientifiques pour développer notre programme spatial et tenter différentes missions, de plus en plus compliquées, jusqu'à essayer d'atteindre la lune et revenir sur terre. Si le résultat de la mission se décide avec un lancer de dé, le résultat peut être largement modifié par les développements technologiques et par l'espionnage.

Car c'est une des dimensions intéressantes du jeu : l'interactivité passe certes par la course à la lune et la lutte sur les différentes missions mais aussi par un système d'espionnage, soit en engageant des scientifiques espions qui vont voler des technologies et s'infiltrer dans le programme spatial des nations concurrentes, soit en mettant des bâtons dans les roues au moment des tentatives de missions. On a donc la possibilité de faire quelques coups tordus bienvenus !

La durée d'une partie dépend du nombre de joueurs. Moins d'une heure à 2 joueurs, et probablement 2 heures à 4 ou 5. La part de hasard dans les lancés de dés et la pioche des cartes espionnage ne dépareillent pas avec le thème et peut être largement contrebalancée par la tactique. Les sensations au cours de la partie sont très sympathiques : réflexion dans le développement du programme spatial, plaisir de l'espionnage, tension au moment de tenter les missions...

1969 est vraiment un bon jeu, qui mériterait d'être plus connu. Il semble que le jeu soit aujourd'hui épuisé mais il doit être possible de trouver encore quelques boîtes, notamment chez le distributeur en France (www.iello.com) Ceci dit, moi j'en ai une boîte à la maison, si vous voulez faire une petite partie...

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1969 est un jeu de Andrea Crespi, Lorenzo Silva, Lorenzo Tucci Sorrentino et Aureliano Buonfino. Illustrations de Giulia Ghigini. Edité par Cranio Creations.

lundi 14 septembre 2015

Life : un biopic intime et humain d'une icône du cinéma

Life, c'est l'histoire de la rencontre entre James Dean et Dennis Stock, jeune photographe qui va immortaliser l'acteur par un célèbre reportage photo paru dans Life magazine.

Biopic intime, le film présente un James Dean humain, au-delà de l'icône de Hollywood qu'il est devenu. Dane DeHaan, dans le rôle de James Dean, est étonnant. Je ne sais pas si sa composition est fidèle au James Dean historique mais il en fait un personnage attachant. Rebelle, certes, mais aussi fragile, un peu perdu dans le star-system et face aux producteurs tout-puissants de Hollywood, il a besoin de retrouver ses racines (il a été élevé dans une ferme de l'Indiana).

Robert Pattinson est aussi excellent dans le rôle de Dennis Stock, ce jeune photographe ambitieux qui a su voir chez le jeune acteur la star qu'il allait devenir, sans imaginer bien-sûr qu'il allait accéder au statut d'icône avec son destin brisé, quelques mois à peine après son reportage photo.

L'évolution du rapport entre les deux personnages est au coeur du film. Au début, il est marqué par une certaine ambiguïté où se mêlent chez le photographe la fascination et le calcul de carrière. Quant à l'acteur, il commence par prendre de haut le photographe. James Dean semblait avoir un rapport ambivalent à la célébrité (fait à la fois de peur et d'attrait) mais il finit par voir l'intérêt d'une exposition médiatique dans Life magazine. Ceci dit, une relation authentique semble finalement se tisser entre les deux hommes, notamment à cause de leurs fêlures respectives.

J'ai beaucoup aimé la réalisation d'Anton Corbijn, en particulier dans sa façon de reconstituer les fameuses prises de vue, certaines spontanées, d'autres mises en scène. Ces photographies légendaires prennent vie devant nos yeux et c'est tout à fait passionnant.

A noter enfin la très bonne musique du film, aux accents très jazzy, signée Owen Pallett.

Life, très bien joué et finement réalisé, se révèle donc un excellent film, qui nous fait (re)découvrir la réalité humaine d'une icône de l'histoire du cinéma.

lundi 31 août 2015

Les secrets des autres : un film d'une grande humanité, sensible et profond

John et Ricky sont mariés et ont deux enfants : Paul, un ado obèse qui évacue les moqueries de ses camarades dans le dessin et Biscuit, une petite fille au caractère bien trempé qui ne cesse de faire l'école buissonnière. Mais l'ombre d'une tragédie, un deuil non surmonté, plane sur la famille. Une visite inattendue va rouvrir les blessures cachées. L'occasion peut-être de trouver une issue.

Le secret des autres (The Grief of Others) est un film d'une très grande humanité, sensible et profond. On n'a aucun mal à s'attacher aux différents membres de la famille, même si le comportement ou les paroles de l'un ou l'autre garde une part de mystère. Petit à petit, le mystère s'éclaircit, notamment à l'occasion de l'arrivée de la fille que John a eue avec sa précédente femme.

Le film aborde des questions graves comme la difficulté de surmonter certains traumatismes, le poids des secrets et des non-dits dans une famille, leurs conséquences sur les enfants, les chemins difficiles du deuil... Mais il le fait sans tomber dans le pathos.

La réalisation de Peter Wang fait preuve d'une gande inventivité. Il favorise une ambiance intimiste, parfois avec des plans sophistiqués, toujours un regard original. Par exemple, la scène d'ouverture est assez énigmatique. On la revoit plus tard dans le film, après avoir compris de quoi il s'agissait. Et là elle devient absolument bouleversante. La façon dont le réalisateur insère les souvenirs au sein du récit du film est très habile. Et la scène finale, merveilleuse, conclut le film d'une façon bouleversante et lumineuse. Les acteurs sont excellents, avec une mention spéciale à la petite Oona Laurence, déjà vue dans La Rage au ventre, qui est assez exceptionnelle.

Les secrets des autres est un film indépendant, à petit budget. Il n'est donc peut-être pas toujours facile de trouver une salle qui le propose. Mais si vous le pouvez, ne ratez pas l'occasion de voir ce petit bijou d'humanité !

Dheepan : formellement abouti mais malaise sur le fond


Un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille fuient le Sri Lanka et la guerre civile sous une fausse identité. Ils ne se connaissent pas mais se font passer pour une famille. Réfugiés en France, ils se retrouvent logés dans une cité sensible.

Dheepan, la palme d'or du dernier festival de Cannes, m'a laissé un sentiment mitigé. Formellement très abouti, je garde un malaise persistant sur le fond.

La réalisation de Jacques Audiard est totalement maîtrisée. La scène d'ouverture est très forte, les scènes d'extrême violence à la fin du film sont même assez exceptionnelles d'intensité. Les deux acteurs principaux, sri-lankais, sont excellents.

Pourtant, le propos du film laisse un goût amer et crée un certain malaise. Dans sa vision univoque de la banlieue. Et surtout avec l'épilogue qui laisse une impression étrange. Il est possible que le réalisateur ait choisi le ton de la fable violente... mais je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression que son propos prête le flanc à une récupération politique assez nauséabonde.

lundi 17 août 2015

Floride : une comédie dramatique sensible et touchante sur un sujet grave

A plus de 80 ans, Claude Lherminier a de plus en plus souvent des oublis, même s'il se refuse à l'admettre. Carole, sa fille, se démène pour trouver des solutions et lui permettre de rester dans sa maison. Mais ce n'est pas facile. Avec son père parfois insupportable, les assistantes à domicile se succèdent. Il ne veut boire que du jus d'orange de Floride et attend la visite de sa seconde fille, qui vit à Miami. C'est en tout cas ce qu'il répète sans cesse...

Adapté d'une pièce de théâtre de Florian Zeller, "Le Père", le film de Philippe Le Guay est une comédie dramatique sensible et touchante. Si on rit souvent, grâce aux dialogues et aux situations cocasses, c'est toujours avec un sentiment mêlé car le sujet est grave. Mais la mise en scène sobre de Philippe Le Guay évite l'excès de pathos pour souligner avec finesse la relation père-fille, bouleversée par la maladie, ainsi que ses conséquences au sein du cercle familial. Le duo à l'écran, formé par Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain, est formidable. Jean Rochefort campe avec une justesse inouïe ce vieil homme petit à petit gagné par la maladie. C'est assez bouleversant.

Autour de la maladie d'Alzheimer, Floride est un film sur la famille, sur les souvenirs et la mémoire, sur l'amour et l'amitié, mais aussi sur le pardon et la réconciliation (une histoire de brouille avec son meilleur ami parcours tout le film) : "On ne devrait jamais de fâcher avec le vin, ou avec ses amis. C'est une perte de temps." (une parole de Claude Lherminier qui fait mouche, à la fin du film).

Le film est peut-être un tout petit peu long, dans la deuxième partie, mais Floride est un film sensible et touchant, une comédie dramatique douce-amère sur un sujet grave, illuminée par la prestation du duo d'acteurs principaux.

mardi 11 août 2015

La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil : thriller étonnant, troublant et déroutant

Dany est une jeune secrétaire. Un jour, son patron lui demande de travailler la nuit pour terminer un travail qu'il doit emporter le lendemain matin. Il lui propose de le faire chez lui, pendant qu'il sort le soir avec sa femme. Le lendemain, son patron lui demande de les accompagner à l'aéroport et de ramener la voiture chez lui ensuite. Mais Dany ne retourne pas à Paris. Elle décide de descendre dans le sud, elle qui n'a jamais vu la mer. Elle aura le temps de ramener la voiture avant le retour de son patron. Personne ne le saura. Sauf qu'au cours de son voyage, elle croise des gens qui prétendent l'avoir vue la nuit précédente ! C'est le début d'un véritable cauchemar pour Dany...

Le film repose sur un scénario diablement efficace, basé sur l'ouvrage de Sébastien Japrisot (que je n'ai pas lu), qui nous tient en haleine jusqu'au dénouement final. Un vrai cauchemar éveillé, savamment entretenu tout au long du film, dans lequel on ne sait jamais vraiment ce qui relève de la réalité ou de la folie. [spoiler] Et même après la résolution finale, je trouve qu'un certain flou demeure. On pourrait se demander si l'explication de son patron est bien la réalité ou si elle ne sort pas de l'imagination de Dany... [/spoiler]

La mise en scène de Joann Sfar est remarquable, très esthétisante, jouant à fond la carte seventies. Et surtout, le réalisateur parvient à nous faire vivre le cauchemar de Dany, entretenant le sentiment de malaise par des images quasi-subliminales, flashbacks ou flashforwards. A noter que le film est servi aussi par une excellente bande originale, autant pour les reprises des années 70 que pour la musique originale d'Agnès Olier. Et puis il y a la jeune Freya Mavor, véritable révélation du film. Cette jeune actrice écossaise, parfaitement bilingue, est à la fois lumineuse, sensuelle et troublante.

Au final, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil (le titre est long... mais colle parfaitement à l'histoire !) se révèle être un excellent thriller, magnifiquement filmé, au scénario extrêmement bien ficelé. Une belle réussite !

vendredi 7 août 2015

Les 4 Fantastiques : un film de super-héros pas comme les autres

Disons-le tout de suite : j'ai trouvé Les 4 Fantastiques bien meilleur que ce qui ressort de toutes les critiques négatives sorties à son sujet. Je n'ai pas lu les comics et je n'ai pas vu les deux précédents films. J'ai donc vu le film sans à priori. Pas facile, avec tous les échos négatifs lus avant même la sortie du film. Comme si c'était joué d'avance et que le film serait raté... Certes, il y a eu des rumeurs, et il semble bien que Josh Trank n'ait pas pu réaliser le film qu'il voulait, devant céder aux impératifs de la production. Mais le film ne mérite pas la volée de bois vert qu'il a récoltée. Loin de là.

Les 4 Fantastiques est un film de super-héros pas comme les autres. Avec moins d'action, moins d'humour mais plus de psychologie. Il tranche avec les réalisations habituelles de ce genre de films. Il choisit de passer plus de temps sur les personnages, leur origine et leur difficulté à accepter leur transformation accidentelle et leurs super-pouvoirs. Alors c'est vrai, le fin du film est un peu vite expédiée. Mais au moins le duel ultime ne dure pas des heures, avec un méchant qui meurt, et qui finalement n'est pas mort et puis qui meurt quand même à la fin... ou pas !

Le quatuor de jeunes acteurs est plutôt convaincant, le méchant, même si on ne le voit pas très longtemps, est vraiment méchant et puissant. La scène dans laquelle les personnages acquièrent leurs pouvoirs est, je trouve, assez réussie. Il y a quand même quelques scène d'actions assez réjouissantes (et pas seulement à la fin du film). Bonne idée aussi d'avoir fait appel à Philip Glass pour la musique. Mais l'intérêt principal du film reste dans les deux premiers tiers où on découvre les personnalités des futurs quatre fantastiques. Le film évoque plusieurs thème intéressants, notamment sur les limites de la science, la quête de toute-puissance, la solitude et l'amitié.

Il est évident qu'on retrouve plusieurs échos au premier film de Josh Trank, le très bon Chronicle (un autre film de super-héros pas comme les autres, avec des jeunes gens qui reçoivent accidentellement des super-pouvoirs qu'ils vont devoir apprivoiser, la tentation de la toute-puissance, la solitude et la solidarité...). Il y a aussi des références au cinéma de David Cronenberg (on pense évidemment à La Mouche !).

Vraiment, les 4 Fantastiques ne mérite pas le flot de critiques négatives qu'il a reçu. C'est un film qu'il faut voir, qui tranche avec les habituels films de super-héros. Espérons simplement que le réalisateur puisse sortir un jour un "director's cut", pour savoir ce que Josh Trank avait vraiment en tête.

vendredi 31 juillet 2015

La isla minima : un formidable polar crépusculaire !

Dans l'Espagne post-franquiste des années 80, en Andalousie, deux flics enquêtent sur la disparition de deux jeunes filles. Ils découvriront un sombre réseaux de pratiques sauvages et se heurteront à la loi du silence pour mener leur enquête.

La isla minima est un polar sombre, crépusculaire, parfois halluciné. En 1980, les fantômes de l'époque franquiste sont encore bien présents et refont vite surface, comme les cadavres dans les marécages. Les tortures infligées aux victimes font écho aux tortures perpétrées sous la dictature. La frontière entre les bons et les méchants est floue...

Le réalisateur, Alberto Rodriguez, entretien cette atmosphère crépusculaire de façon remarquable, enchaînant les plans angoissants, hallucinés, haletants (la poursuite en voiture dans les marécages, ou celle sous la pluie à la fin du film !), avec des images parfois sublimes. Et puis il y a ces étonnantes prises de vue des marécages à la verticale, prises en hauteur : à la fois superbes et oppressants, rendant les acteurs du drame tout petits, perdus au milieu de l'immensité. Fascinant.

Les deux acteurs principaux (Raùl Arévalo et Javier Guttiérrez) sont excellents et le scénario très bien ficelé, avec un dénouement bien dans l'esprit du film, qui pose la question de la frontière entre le bien et le mal, du poids du passé et de la culpabilité, et de la façon de s'en libérer.

Tout cela fait de La isla minima un polar remarquable, peut-être même le thriller de l'année !

mercredi 8 juillet 2015

Victoria : un film pas comme les autres

Victoria, une jeune espagnole qui vit depuis peu à Berlin, rencontre quatre jeunes gens à la sortie d'une boîte de nuit. Elle finit par les suivre pour une virée nocturne qui tournera finalement au cauchemar.

La grande originalité du film est qu'il est constitué d'un unique plan séquence de 2h20. On vit donc l'action en temps réel, de la première à la dernière image. Ca donne un côté un peu expérimental au film qui est à la fois sa force et sa faiblesse.

Le film n'est donc pas parfait. Il y a quelques invraisemblances dans le scénario, une intrigue qui peine un peu à démarrer... Mais quand le cauchemar se met en marche, le film devient assez haletant. Tourné caméra à l'épaule, avec des plans le plus souvent rapprochés, une image instable, le film crée un sentiment d'urgence assez étonnant. A noter aussi que les jeunes acteurs s'en sortent très bien.

En tout cas, quelle prouesse de réaliser un tel tournage ! Impressionnant. Un film vraiment pas comme les autres.

mardi 7 juillet 2015

Love & Mercy : Biopic passionnant et plongée dans l'esprit d'un génie créateur

Love & Mercy est un biopic passionnant sur la vie de Brian Wilson, compositeur et leader des Beach Boys. L'excellente idée du scénario est de concentrer le récit sur deux périodes précises de la vie du musicien : dans les années 60, au sommet de la gloire, quand les problèmes névrotiques de Brian Wilson s'intensifient ; et une vingtaine d'année plus tard, alors que Brian Wilson est cloîtré chez lui, complètement sous l'emprise de son médecin, au moment où il rencontre la femme qui le sauvera. Le film oscille entre ces deux périodes de la vie du musicien.

Le film est passionnant pour plusieurs raisons. D'abord pour la véritable plongée qu'il propose dans le processus créateur d'un esprit génial mais fragilisé par son enfance difficile, notamment avec la figure oppressante et violente de son père, dont l'emprise se poursuit. Le musicien doit faire face à ses angoisses et ses voix intérieurs pour laisser éclater son génie créateur. Les séances d'enregistrement dans les studios sont aussi formidables, en totale immersion.

Passionnant aussi pour l'histoire d'amour et de rédemption d'un homme brisé, prisonnier d'un médecin qui l'a isolé de sa famille et de ses proches. Une rédemption grâce à l'amour d'une femme, grâce à sa douceur et sa patience, autant que sa fermeté.

Passionnant enfin pour la performance des acteurs. Paul Dano pour le Brian Wilson des années 60 et John Cusack pour celui des années 80 sont tout simplement extraordinaires. Mais il faut aussi mentionner l'interprétation touchante d'Elizabeth Banks et, surtout, la performance de Paul Giamatti, inquiétant dans le rôle du Dr Landry.

Quant à la réalisation de Bill Pohlad, elle est remarquable et arrive à nous faire pénétrer dans l'esprit tourmenté de Brian Wilson ou vivre de l'intérieur un enregistrement en studio. Passionnant. Vraiment.

lundi 6 juillet 2015

Tale of Tales : étonnant conte onirique et cruel

Dans Tale of Tales, trois récits s'entremêlent : une reine prête à tout pour avoir un enfant ; un roi libertin qui tombe amoureux d'une femme en l'entendant chanter, sans savoir qu'elle est vieille et laide ; un autre roi, fasciné par un étrange animal, au point de négliger sa fille unique qui se retrouvera mariée à un ogre.

Nous voilà bien dans un conte, avec des rois et des reines, des princes et des princesses, des monstres et des sorcières... avec, bien-sûr, des décors et des costumes baroques, de circonstance, mis en valeur par une belle photographie. Le tout est porté par la musique d'Alexandre Desplat, encore une fois excellente, qui ajoute encore à la dimension onirique du film, et mis en scène de façon élégante par Matteo Garrone

Pour pleinement apprécier le film, il faut se laisser porter, accepter les invraisemblances (on est dans un conte : tout est possible)... et la magie opère ! Mais comme souvent dans les contes, les histoires sont cruelles, parfois sombres. et tournent autour de grandes questions comme le désir d'enfants, la quête de l'éternelle jeunesse, le piège des apparences, les difficultés de la paternité... Ces questions sont abordées avec le langage symbolique du conte. A cet égard, j'ai particulièrement été touché par le très beau dénouement de l'histoire avec Salma Hayek.

Tale of Tales est vraiment un film étonnant, entre rêve et cauchemar, un triple conte assez fascinant.

lundi 29 juin 2015

Mustang : Un film fort, un cri pour la liberté. Magnifique.

Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs vivent dans la maison de leur oncle, élevées par leur grand mère. Un jour, elle rentrent de l’école en jouant avec des garçons. Pourtant, ces jeux innocents déclenchent un scandale dans la maison familiale qui va se transformer petit à petit en prison pour les cinq soeurs. Puis des mariages forcés commencent à s'arranger. Elles essayent alors d'échapper à cette emprise.

Mustang, premier film de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven, est extrêmement fort. Un vrai cri pour la liberté, en particulier celle des femmes en Turquie, où certaines traditions d'un autre âge les enferment dans de véritables prisons.

Sur un sujet grave, Mustang trouve le ton juste. Le film est parfois oppressant, violent et dur. Mais il contient aussi de magnifiques bouffées de liberté (la scène d'ouverture, la scène incroyable de l'échappée pour aller voir le match de foot) et il réserve aussi plusieurs scènes drôles et légères. Mustang est un film fort mais pas pesant du tout.

Et au coeur du film, il y a ces cinq soeurs, solidaires, qui s'efforcent de résister... Elles sont incarnées par cinq jeunes actrices magnifiques. Ce sont d'elles que proviennent la lumière ! Avec aussi de quelques autres personnages secondaires, comme le livreur de fruits et légumes. Mustang est donc un film dramatique mais aussi un film porteur d'espoir.

A noter enfin, la très belle bande son, notamment avec la magnifique musique de Warren Ellis, qui porte formidablement les scènes fortes en émotion. Et des émotions, Mustang nous en réserve beaucoup, jusqu'au final bouleversant. La force du film se mesure aussi à l'émotion qui reste chez le spectateur, bien après la fin du générique. Magnifique.

Vice-versa : drôle, tendre et malin !


Réalisateur de Là-haut, scénariste des différents Toy Story : Pete Docter, c'est l'assurance du meilleur de Pixar ! Et Vice-versa le confirme.

Au Quartier Général dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq émotions sont au travail : Joie, Colère, Peur, Dégoût et Tristesse. Lorsque la famille de Riley emménage à San Francisco, elles ont fort à faire pour guider la jeune fille dans cette période difficile. Et lorsque joie et tristesse se retrouvent accidentellement perdues dans les recoins les plus reculés de l'esprit de Riley, Peur, Dégoût et Colère se retrouvent seuls aux commandes...

Vice-versa propose une regard malin et amusé sur l'esprit humain et sur l'enfance, avec plein de clins d'oeil. Il se dégage aussi du film une vraie tendresse, pleine... d'émotion.
La plongée dans l'esprit de Riley, et la découverte de territoires comme la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite ou la Production des Rêves, en y croisant les étonnants personnages qui y travaillent, est vraiment réjouissante. Le film propose une façon très ludique d'évoquer certaines questions existentielles, comme la gestion des émotions ou la façon d'affronter les épreuves et d'en sortir grandi.

La qualité de l'animation est, évidemment, impeccable, avec une constante invention pour les lieux et les personnages rencontrés dans l'esprit de Riley.

Vice-versa est un vrai divertissement familial de qualité, pour le plus grand bonheur des petits et des grands.

dimanche 21 juin 2015

Le Déchronologue : uchronie pirate et paradoxes temporels

« Je suis le capitaine Henri Villon, et je mourrai bientôt. Non, ne ricanez pas en lisant cette sentencieuse présentation. N’est-ce pas l’ultime privilège d’un condamné d’annoncer son trépas comme il l’entend ? C’est mon droit. Et si vous ne me l’accordez pas, alors disons que je le prends. »

Ainsi s'ouvre Le Déchronologue, étonnant roman de science-fiction, ambitieux et passionnant, écrit par l'auteur français Stéphane Beauverger. Très documenté sur la piraterie dans les Caraïbes au XVIIe siècle, brillamment écrit, le roman utilise un thème classique de la science-fiction : le voyage dans le temps, et ses dommages collatéraux.

Henri Villon, fameux capitaine pirate, se bat avec son équipage contre de mystérieux envahisseurs, apparus suite à de terrifiantes perturbations temporelles. Son arme, c'est son navire, le Déchronologue, dont les canons tirent non pas des boulets mais du temps !

Avec ses personnages hauts en couleur, au langage souvent fleuri - à commencer par le narrateur, le capitaine Henri Villon - sa description du monde de la piraterie et de la colonisation des Caraïbes, l'ouvrage propose une étrange uchronie où surgissent en plein XVIIe siècle des objets directement en provenance de notre époque, ces merveilles qui attirent toutes les convoitises : lampes torche, radios ou armes à feu.

L'auteur choisit de proposer un récit déstructuré, où il brouille les pistes par un récit non chronologique, mélangeant l'ordre des chapitres du journal du capitaine Villon. Ce procédé risqué, qui peut perdre le lecteur, est au contraire habilement réussi. Il a même un petit côté ludique appréciable. Il crée aussi une certaine confusion pour le lecteur, rappelant les perturbations temporelles qui sont au coeur de l'histoire.

Le Déchronologue est un remarquable ouvrage, traitant de façon originale deux thèmes classiques de la SF, le voyage temporel et l'uchronie, avec une écriture assez brillante, pour une histoire qui vous tient en haleine jusqu'à la dernière page. Un vrai petit bijou.

lundi 8 juin 2015

Ex Machina : de l'excellente SF, un film fascinant et angoissant à la fois

Caleb, jeune programmateur dans l'une des plus importantes entreprises informatiques au monde, gagne un concours lui donnant le droit de passer une semaine avec le grand patron de son entreprise, le mystérieux Nathan. Ce dernier vit reclus dans une propriété sous haute sécurité. Il découvre qu'il va en réalité participer à une expérience dans le cadre d'une découverte scientifique majeure. En effet, Natha a réussi à créer une véritable intelligence artificielle et lui a donné la forme d'un robot humanoïde féminin. La fascinante Ava n'est-elle qu'une machine à l'apparence humaine ou est-elle douée de conscience ? Quelles sont les véritables intentions de Nathan ? Caleb est-il vraiment là par le hasard d'une loterie ?

Excellent film de science-fiction, Ex Machina aborde de façon convaincante un thème classique de la SF : l'intelligence artificielle. Il évoque aussi la question très actuelle de l'exploitation des données personnelles : Nathan tire sa fortune du développement du moteur de recherche le plus puissant au monde, détenant un quasi-monopole sur Internet (ça ne vous rappelle rien ?). La masse d'informations personnelles qu'il peut ainsi récolter lui donne un pouvoir exceptionnel et sert à améliorer ses recherches.

Alex Garland, jusqu'ici connu comme scénariste, notamment pour Dany Boyle (dont l'excellent Sunshine) passe avec succès derrière la caméra. Sa mise en scène est remarquable, avec un rythme assez lent bien choisi, l'essentiel du film étant un huis-clos angoissant où la frontière entre l'humain et la machine s'estompe, où l'on perçoit vite que le génial Nathan est aussi un personnage louche, sans révéler d'autres surprises que le scénario nous réserve, jusqu'à la fin. Un fin qui d'ailleurs, malgré peut-être une ou deux petites invraisemblances, est vraiment très réussie et assez inattendue. Le film est, en outre, très bien portée par une bande originale très réussie, signée Ben Salisbury et Geoff Barrow.

Au niveau du casting, si les peu connus Domhall Gleeson(Caleb) et, surtout, Alicia Vikander (Ava) sont très bien, c'est une nouvelle fois Oscar Isaac qui fait preuve de tout son talent dans le rôle de Nathan. Méconnaissable avec son look improbable, il donne une ambiguité malsaine à son personnage.

Ex Machina, c'est de l'excellente SF. Un film à la fois fascinant, notamment sur le plan visuel, et angoissant. Un film en prise avec des problématiques actuelles et qui permet une réflexion intéressante sur la grande question de l'intelligence artificielle et de la conscience, mais aussi sur les risques et les dangers pour les humains de "jouer à Dieu" en essayant de créer la vie. Ex Machina pourrait bien être le film de SF de l'année !

lundi 1 juin 2015

Maggie : un film de zombie pas comme les autres

Disons-le tout de suite : Maggie n'est pas un film parfait. Mais il n'en est pas moins un film original et intéressant.

Un terrible virus est en train de décimer la population. Les malades infectés se transforment en véritables zombies : irrésistiblement poussés à dévorer les humains, poussés par un odorat hyper-sensible qui leur fait sentir leur odeur comme celle d'une nourriture appétissante. Le gouvernement impose de placer les malades en quarantaine mais certains s'y refusent. C'est le cas de Wade Vogel qui est bien décidé à protéger sa fille Maggie, 16 ans, jusqu'au bout.

Maggie est un film de zombie atypique. Un drame familial intimiste. Il y a bien quelques scènes un peu gores et les effets physiologiques du virus sur les malades ne sont pas très jolis à voir... Mais ce n'est pas là le ressort principal du film, qui se concentre plutôt sur les relations entre Maggie et son père, sa belle-mère, ses amis... Le film est en réalité une véritable histoire d'amour entre un père et sa fille, condamnée à mourir d'un virus qui progresse inexorablement. C'est l'histoire d'un père qui se refuse à abandonner sa fille à un processus de quarantaine inhumain.

L'histoire est filmée avec une caméra très proche des visages : celui de Maggie qui se détériore petit à petit sous l'effet du virus, celui de Wade, pour lequel le visage buriné d'un Schwarzie à contre-emploi fait merveille. Même si le film n'atteint pas toujours l'émotion à laquelle on pourrait s'attendre, quelques scènes sont très réussies : celle où Maggie commence à avoir son odorat qui se modifie, ou celle, à la fin du film, où Maggie se lève au milieu de la nuit et va auprès de son père (je ne vous en dit pas plus...).

Le film aborde ainsi la question du regard que l'on porte sur ceux qui souffrent d'une maladie incurable, ou celle de l'accompagnement des mourrants, particulièrement lorsqu'ils sont proches. Bref, un film original et intéressant.



vendredi 29 mai 2015

Hansa Teutonica : indispensable pour les "pousseurs de cubes en bois" !

Hansa Teutonica est un jeu qui a déjà quelques années. J'avais eu l'occasion d'y jouer une fois, il y a quelque temps, et j'en gardais plutôt un bon souvenir. Et puis je m'y suis repenché à l'approche de l'excellent festival "Alchimie du jeu" de Toulouse où le jeu était présenté sur les "Tables prêtes à jouer". Et là, le jeu m'a complètement emballé !

Comme son nom l'indique, il s'agit bien-sûr d'un jeu "à l'allemande" (des mécanismes bien huilés pour un thème souvent artificiellement plaqué). Et à l'ouverture de la boîte, ça se confirme : c'est plein de cubes en bois ! Et moi, j'aime ça ! Surtout quand le jeu est aussi bon !

L'idée du jeu est d'établir des comptoirs dans différentes villes pour avoir le plus d'influence en fin de partie. Pour établir un comptoir, il faut occuper toute une route reliant deux villes par ses propres marchands (des cubes en bois !) ou négociants (des cylindres en bois !). Pour y arriver, il faudra souvent chasser des marchands des autres joueurs... mais ça coûte cher, et ça donne quelques contreparties intéressantes au joueur chassé.

Chaque joueur a un plateau individuel, qui symbolise les différentes actions qu'il peut réaliser à son tour. En début de partie la plupart des cases de son plateau sont recouvertes par des cubes de sa couleur. En cours de partie, au lieu d'ouvrir un comptoir, il sera possible grâce à certaines routes de récupérer ces cubes et ainsi améliorer les actions possibles. Quelques points peuvent être marqués au fil des tours (notamment grâce aux comptoirs déjà établis) puis d'autres points s'ajouteront au décompte final, en fonction des comptoirs sous contrôle et des jetons bonus récupérés.

Evidemment, la thématique est assez vite oubliée mais le jeu est fluide, très interactif (une façon politiquement correcte de dire qu'on peut vraiment faire des coups d'enfoiré aux autres joueurs !), et assez rapide. Les mécanismes sont faciles à comprendre mais les choix sont multiples, ce qui en fait un jeu assez simple mais riche. De plus, les tours étant court, il y a très peu de temps mort. Il y a plusieurs stratégies possibles pour l'emporter, même si certains emplacements sur le plateau sont particulièrement importants.

Hansa Teuronica est mon coup de coeur du moment. Un jeu à (re)découvrir absolument. C'est même un indispensable pour les "pousseurs de cubes en bois" comme moi !

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Hansa Teutonica, un jeu de Andreas Steding, édité par Argentum



lundi 18 mai 2015

Mad Max Fury Road : Opéra visuel et vrombissant, baroque et flamboyant.

Le retour de Mad Max est forcément un événement cinématographique, trente ans après le dernier opus. Mais si vous n'avez pas vu les films culte des années 80, pas de problème : l'introduction du film nous replonge dans l'univers en quelques images et une voix off.

Dans un monde post-apocalyptique, deux denrées rares suscitent toutes les convoitises : le pétrole et l'eau. Les survivants s'organisent en clans ou en bandes sauvages pour survivre. L'un d'eux est sous l'emprise du terrifiant Immortan Joe (une sorte de Dark Vador des sables !) qui règne en despote sur une population qu'il tient par sa maîtrise de réserves d'eau et par une armée fanatisée. Mad Max est capturé par cette armée et tenu prisonnier comme réserve vivante de sang frais, étant donneur universel... jusqu'au jour où il se retrouve embarqué dans une folle course poursuite avec Imperator Furiosa, une protégée d'Immortan Joe qui tente de s'enfuir avec des jeunes femmes qu'elle a réussi à soustraire à l'emprise du tyran.

A partir de là, retenez votre souffle parce que ça n'arrête pratiquement jamais jusqu'au générique final ! Il y a bien un petit argument écologique et féministe dans le scénario... mais le film est avant tout un feu d'artifice d'action et d'images à couper le souffle. C'est une gigantesque course poursuite qui ne vous laisse aucun répis, offrant un ballet flamboyant, baroque et inventif, avec une galerie de personnages étonnants et terrifiants, des bolides plus extravagants les uns que les autres, des explosions et des scènes de combats délirantes. Et quelles images ! La course poursuite au coeur de la tempête de sable est un moment d'anthologie extraordinaire.

Bref, Mad Max Fury Road, c'est deux heures de très grand spectacle, un véritable opéra visuel et vrombissant, baroque et flamboyant.

lundi 11 mai 2015

Un peu, beaucoup, aveuglément : une comédie romantique tendre et pleine de charme

Un homme vit reclus dans son appartement à perfectionner son casse-tête depuis 7 ans. Il a mis au point un stratagème pour se débarrasser des potentiels locataires de l'appartement voisin séparé par une simple cloison très mal insonorisée, pour travailler dans le silence. Mais il va tomber sur une nouvelle voisine coriace, pianiste, qui ne se laissera pas faire ! Une relation amoureuse particulière va se nouer entre eux, avec un pacte : ne jamais se voir.

Un peu, beaucoup, aveuglément est une très jolie comédie romantique, tendre et pleine de charme. Elle évoque avec un regard amusé mais assez juste la question de l'amour et du couple, et notamment du piège des apparences. Peut-on donc mieux s'aimer sans se voir ?

Le duo d'acteurs principaux fonctionne très bien, avec un Clovis Cornillac en ours mal léché et une Mélanie Bernier toute en fraîcheur. A noter aussi les jolis seconds rôles, à commencer par Lilou Gogli, épouse de Clovis Cornillac et co-scénariste du film, et l'excellent Philippe Duquesne. A noter aussi les jolies apparitions de Manu Payet.

Un peu, beaucoup, aveuglément est une belle surprise, un film attachant qui fait du bien.