lundi 24 mars 2014

Her : un film intelligent à voir absolument !

Dans un futur proche, Theodore Twombly est un homme sensible avec une vie sociale un peu compliquée. Il n'arrive pas à sortir d'une rupture douloureuse avec sa femme et il a peu d'amis. Une seule, en fait. Il travaille pour un site Internet qui écrit de belles lettres à la place des gens. Et il est très doué pour ça !

Il fait l'acquisition d'un tout nouveau logiciel, un système d'exploitation qui propose une intelligence artificielle ultra-performante. Plus qu'un programme, c'est une véritable conscience capable de s'adapter, d'apprendre et d'évoluer de façon indépendante. Après quelques questions pour calibrer le système, Theodore fait la connaissance de Samantha, qui s'avérera petit à petit être bien plus qu'une simple voix. Une relation amoureuse va finir par naître entre Theodore et Samantha...

Disons-le tout de suite : le scénario est génial (un oscar pleinement mérité) ! Plein d'humour et de finesse, mais aussi de sensibilité et de profondeur, il décrit un monde assez inquiétant, finalement pas très éloigné du nôtre, où tout le monde est toujours connecté, où les gens semblent parler tout seul dans la rue. Un monde où le virtuel et le réel se confondent, où l'intellignce artificielle rivalise avec l'intelligence humaine et finit même par la dépasser et s'en affranchir. Le scénario ménage aussi un rebondissement magistral et une fin tout à fait réussie, qui ouvre des perspectives de réflexion passionnantes.

Le thème des nouvelles technologies et de leur emprise sur nos vies, la place de la réalité virtuelle et de l'intelligence artificielle est totalement en prise avec notre réalité actuelle. Il n'y a qu'à voir la façon, dans le film, où ces systèmes d'exploitations s'intègrent si facilement dans la vie sociale des gens... Cette intelligence artificielle si réelle pose du coup aussi la grande question métaphysique de l'être et de la conscience.

L'autre thème central du film est celui de l'amour. N'oublions pas qu'il s'agit d'abord d'une histoire d'amour... même si elle n'est pas banale ! Le film pose plusieurs questions importantes, sur la façon dont un amour est appelé à évoluer, sur la possibilité d'aimer plusieurs personnes à la fois, sur la difficulté de tourner la page après un échec amoureux, etc. Spike Jonze arrive à faire de cette histoire incroyable une véritable histoire d'amour crédible. Mais l'amour n'est-il pas toujours étonnant ? Une réplique du film a attiré mon attention (je cite de mémoire) : "l'amour n'est qu'une forme socialement acceptable de folie". C'est en tout cas un mystère difficile à cerner... Mais le dénouement du film propose quelques éléments de réponse intéressants, et permet quelques prolongements passionnants dans la réflexion.

Attention le paragraphe qui suit révèle des éléments du film. Si vous ne voulez pas les connaître, sautez directement au paragraphe suivant !
[spoiler] Le moment clé est bien-sûr lorsque Samantha révèle à Théodore que non seulement elle communique en même temps avec des milliers de personnes mais qu'en plus elle en aime plusieurs centaines à la fois... et que cela n'enlève rien à son amour pour Theodore, au contraire. Une fois le choc encaissé, c'est ce qui va permettre à Théodore d'enfin tourner la page avec son ex-femme et de lui envoyer un message où il lui dit qu'il l'aimera toujours, parce qu'elle fait partie de sa vie, même s'ils sont séparés. La dernière image du film montre que Théodore est prêt à aimer vraiment à nouveau... Je n'ai pu m'empêcher de faire l'analogie avec l'amour de Dieu. Un être infini peut aimer personnellement et intensément une infinité de personnes sans que cela n'altère son amour pour qui que ce soit. Ne pouvons-nous, d'ailleurs, le comprendre ? Ne somme-nous pas capables, même si c'est dans une mesure bien moindre, d'aimer plusieurs personnes à la fois ? Par exemple, aime-t-on moins son conjoint quand on a des enfants et qu'on les aime ? [/spoiler] 

En plus du scénario, j'ai beaucoup aimé la mise en scène de Spike Jonze : les gros plans sur le visage de Theodore, les caméras subjectives évoquant le "regard" de Samantha, la gestion des flashbacks... Le film repose sur les épaules d'un Joaquin Phoenix formidable de justesse et la voix de Scarlett Johansson, parfaite pour donner vie à Samantha (elle arrive à assurer une présence extraordinaire par sa seule voix !). A noter aussi le rôle sensible d'Amy Adams, décidément une excellente actrice.

Il y a tout ce qu'on peut attendre d'un excellent film dans Her : un scénario original, une réalisation juste, des acteurs formidables, de l'humour et de l'émotion, et de nombreux prolongements possibles dans la réflexion. Un film intelligent à voir absolument !

vendredi 21 mars 2014

Concept : LE jeu familial récent à posséder !

Concept a remporté, au début du mois de mars, lors du festival de Cannes (celui du jeu, ben-sûr !), l'As d'or, prix décerné au jeu de l'année en France. Et c'est amplement mérité.

Le jeu est expliqué en 2 minutes : il s'agit de faire deviner des objets, des personnages, des expressions ou des titres d'oeuvres sans parler mais uniquement en combinant des icônes représentées sur le plateau de jeu. On définit le concept de base en posant un pion en forme de point d'interrogation sur l'icône appropriée et on peut le préciser avec des cubes de la même couleur posés sur d'autres icônes. Au besoin, on peut y associer des concepts secondaires à l'aide de pions en forme de point d'exclamation et de cubes des couleurs associées (voir quelques exemples sur le site de l'éditeur).

Le principe est donc extrêmement simple. Les cartes proposent trois niveaux de difficulté, ce qui permet de s'adapter aux joueurs présents. Il y a bien un système de points proposé dans la règle mais on peut aussi (et c'est même mieux !) jouer juste pour le plaisir : chacun à tour de rôle fait deviner aux autres joueurs. On peut être autant de personnes qu'on veut autour de la table : ça fonctionne !

Moi qui suis en général amateur de jeux compétitifs, avec affrontements, blocages et coups tordus (je suis allergique aux jeux coopératifs...), Concept m'a conquis. Aucune compétition, simplement s'amuser à faire deviner ou deviner. Juste le plaisir de jouer... l'essence du Party Game. Et on passe un excellent moment autour de la table !

Simple, original, convivial et jouable à de nombreux joueurs. Concept est LE jeu familial récent à posséder !
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Concept, un jeu de Gaëtan Beaujannot & Alain Rivollet, édité par Repos Production (page sur le site de l'éditeur)

lundi 10 mars 2014

Medieval Academy : draftez pour devenir la nouvelle star des chevaliers

Medieval Academy est un jeu familial, très facile d'accès, avec juste ce qu'il faut de tactique pour plaire à tous. Même les joueurs aguerris pourront y trouver leur compte.

Le jeu est expliqué en 5 minutes. Si le thème est sympathique (des écuyers qui cherchent à devenir la nouvelle star des chevaliers) il est quand même plutôt plaqué sur le jeu (même si les très jolies illustrations de Pierô alimentent le thème). C'est le mécanisme du jeu qui fait son intérêt. Un mécanisme basé principalement sur le draft, connu des amateurs de Magic : l'Assemblée et repris notamment dans un des grands succès des jeux de société de ces dernières années : 7 Wonders. Chaque joueur reçoit 5 cartes. Il en choisit une qu'il garde et passe le reste de sa main à son voisin. Le processus est répété jusqu'à ce que tous les joueurs aient choisis 5 cartes. Avec le draft, on sait ce qu'on garde mais on sait aussi ce qu'on laisse aux autres joueurs... On peut donc choisir une carte non seulement parce qu'elle nous intéresse, mais aussi parce qu'on ne veut pas la laisser aux autres ! C'est, évidemment, un mécanisme qui permet beaucoup d'interactivité...

Dans la deuxième phase du tour, les joueurs vont jouer 4 des 5 cartes de leur main. Le principe est on ne peut plus simple : les cartes sont aux couleurs des 7 plateaux de jeu et on avance son pion d'autant de cases que la valeur de la carte jouée, sur le plateau correspondant.

En fin de tour, on résout les plateaux. Les trois joueurs les plus avancés reçoivent des bonus, soit à chaque tour, soit après un certain nombre de tours, voire même seulement en fin de partie. La résolution de chaque plateau est différente : parfois il faut être le premier, parfois franchir un palier, parfois éviter d'être le dernier. Le premier plateau, la galanterie, permet d'avancer un pion sur n'importe quel plateau. Les autres permettent de marquer des points de victoire (ou de recevoir des malus).

C'est tout simple mais ça fonctionne ! Ca se joue souvent à une case près (en cas d'égalité, c'est le dernier pion arrivé sur la case qui est considéré comme étant devant !). Le mécanisme du draft nous oblige à faire des choix, prendre des risques, nous adapter... Ajoutez à celà quelques règles optionnelles (qu'il convient d'intégrer rapidement au jeu) et de nombreuses variantes proposées au verso de chaque plateau. Des variantes qu'on peut mélanger à notre guise et qui offrent une bonne rejouabilité au jeu.

Précisons enfin que Medieval Academy est le premier jeu d'un tout nouvel éditeur, Blue Cocker... un éditeur toulousain ! Je ne pouvais pas ne pas le signaler...
Bref, voilà un excellent jeu familial, jolie porte d'entrée pour découvrir les jeux de société modernes. Et tout simplement un bon jeu, tout court !
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Medieval Academy, un jeu de Nicolas Poncin, édité par Blue Cocker (page sur le site de l'éditeur)


lundi 3 mars 2014

The Grand Budapest Hotel : une comédie loufoque et inventive

L'histoire se passe dans les années 30, quelque part en Europe centrale, en république de Zubrowka (pays inventé, à découvrir sur le site créé pour l'occasion : www.akademiezubrowka.com !). Au sommet de sa renommée, le Grand Budapest Hotel est connu dans toute l'Europe. Parmi ses clients se pressent de riches veuves âgées en mal d'affection, surtout à cause de son concierge, Monsieur Gustave (Ralph Fiennes, excellent). Suite au décès suspect d'une des clientes, Monsieur Gustave et son jeune protégé Zéro (Tony Revolori : une découverte !), se retrouvent pris dans une sombre histoire d'héritage qui les mènera de péripéties en péripéties.

Le film est loufoque, débridé, original, pas forcément politiquement correct. Les rebondissements s'enchaînent, les dialogues font mouche, l'esthétique est très personnelle. Wes Anderson filme en couleurs pastels une république en carton pâte. On rit beaucoup grâce à des scènes très drôles (l'incroyable poursuite à la montagne !). Mais le film n'est pas qu'une farce et pourrait bien être plus profond qu'il n'en a l'air un premier abord. Déjà par le fait que l'histoire se déroule dans les années trente, avec ses bouleversements politiques qui ébranlent l'Europe. La violence n'est pas absente du film, une certaine cruauté, des destins tragiques. Ensuite parce que plusieurs thèmes parcourent le film : la solitude, l'amour, l'héritage, la transmission... L'histoire propose même quelques vrais moments d'émotion.

Et puis il y a le casting quatre étoiles. Outre les deux acteurs principaux, le film regorge de seconds rôles savoureux (Tilda Swinton en vieille rombière, Adrien Brody en méchant, Willem Dafoe en homme de main impitoyable, Jeff Goldblum méconnaissable...)

Un film inclassable, très drôle et parfaitement maîtrisé. Une comédie déjantée mais finalement assez douce-amère. Une oeuvre personnelle et inventive. The Grand Budapest Hotel est tout cela à la fois. Un film à ne pas manquer.