lundi 20 avril 2015

Une belle fin : simple, triste et beau.

Lorsque quelqu'un décède sans famille connue, John May enquête pour retrouver des proches. C'est son travail. En fonctionnaire méticuleux, il aime le travail bien fait mais malgré tous ses efforts, il se retrouve pratiquement chaque fois seul aux funérailles. Et c'est lui qui rédige les éloges funèbres des disparus, à partir des éléments qu'il a pu rassembler. Un jour, son patron l'informe que, pour des raisons de restructuration, il est licencié. Il a quelques jours pour clore son dernier dossier. Un dossier pas comme les autres puisqu'il concerne un homme qui vivait juste en face de chez lui. Ces quelques jours vont bouleverser sa vie.

Une belle fin (Still Life pour son titre original) est un film simple, triste et beau. Simple parce qu'il aborde de façon très sobre le quotidien d'un homme simple, cherchant à faire bien son travail, avec beaucoup d'humanité. Triste parce que le héros est seul et qu'il est confronté à un mal de notre siècle : une société où l'on meurt, souvent, seul. Beau par la réalisation épurée d'Uberto Pasolini.

Le sujet pourrait paraître morbide, le film ne l'est pas du tout et véhicule un vrai message humaniste. Quant à la fin du film (que je vous laisse découvrir), elle est bouleversante : je suis sorti remué de la salle de cinéma, les yeux rouges, mais avec une envie de vivre et d'aimer. Une envie de ne pas oublier ceux qui nous sont proches... même s'ils ne sont pas parfaits. Une envie de lutter contre la solitude que génère souvent notre société et de travailler à plus de solidarité.

Eddie Marsan est formidable dans le rôle de John May, qu'il rend terriblement attachant. Le film est aussi porté par une très jolie musique de Rachel Portman.

Une belle fin est un vrai coup de coeur, un film à voir absolument, pour être ému et pour réfléchir.

lundi 13 avril 2015

Lost River : un conte halluciné et fascinant


Lost River est une ville qui se meurt. Petit à petit, les habitants s'en vont, les maisons sont détruites. Billy, une mère célibataire de deux enfants, est prise à la gorge par un emprunt qu'elle n'arrive pas à rembourser. Elle se laissera alors entraîner dans les bas-fonds macabres de la ville, alors que Bones, son fils aîné, découvre une route menant à une ville engloutie...

Lost River est un film onirique, un conte halluciné, mais ancré dans le réel de la crise économique, évoquée comme un monde post-apocalyptique. Le récit est fantomatique, macabre, dérangeant mais fascinant. Tout n'est sans doute pas complètement maîtrisé mais le film opère une indéniable fascination. Ryan Gosling a retenu la leçon de son ami Nicolas Winding Refn (Drive) : le récit halluciné, l'usage des ralentis, les accès soudains de violence. Mais on pense aussi à l'influence de David Lynch (certaines scènes pourraient venir directement de Twin Peaks).

Le film frappe par son esthétique fascinante, avec une superbe photographie (certains plans atteignent une beauté formelle époustouflante) portée par une bande originale très réussie, signée Johnny Jewel. Le casting est très bon, avec une mention spéciale à Christina Hendricks (magnifique dans le rôle de Billy), Saoirse Ronan (impeccable), et Ben Mendelsohn (inquiétant).

Lost River n'est certainement pas un film pour tout public. Et je peux comprendre qu'on reste imperméable à son récit. Pour ma part, j'en suis ressorti assez fasciné. Certaines images me hantent encore...

mercredi 8 avril 2015

Histoire de Judas : un Jésus à hauteur d'homme

Dans Histoire de Judas, Rabah Ameur-Zaïmech propose une vision personnelle du récit des évangiles, notamment en proposant une "réhabilitation" de Judas. Dans le film, Judas n'est pas le traitre qui a livré Jésus, il est le dsiciple le plus proche de son maître. Dès la scène d'ouverture, il va à la rencontre de Jésus dans le désert au terme de ses 40 jours de jeûne et il le porte sur son dos pour le ramener parmi les siens.

Il n'a pas trahi Jésus parce qu'au moment de l'arrestation, Judas n'est pas là. Il est à Qumran, à la recherche de parchemins écrits par un scribe qui a suivi Jésus et ses disciples et qui a écrit tout ce qu'il a vu et entendu. Judas avait demandé à Jésus ce qu'il devait faire avec ces parchemins et c'est là que Jésus lui dit la fameuse parole présente dans l'évangile selon Jean : "ce que tu dois faire, fais-le vite". Le réalisateur donne donc à ces paroles une toute autre signification que dans l'évangile. Mais je trouve qu'il y reste une certaine ambiguité. Judas comprend qu'il doit détruire les documents... et c'est ce qui causera sa perte. Il sera gravement blessé dans ce périple. Il finira même par mourir de sa blessure mais après avoir appris la mort de son maître, s'en voulant de ne pas avoir été là pour le protéger.

Cette tentative de "réhabilitation" de Judas ne me paraît pas le point le plus intéressant du film. Certes, elle part d'une bonne intention, celle d'effacer l'antisémitisme trop souvent associé au personnage de Judas. Mais est-il vraiment besoin de changer les évangiles pour ne pas tomber dans l'antisémitisme ? Finalement, dans les évangiles, pratiquement tous sont Juifs... à commencer par Jésus !

Un autre personnage m'a laissé perplexe : Carabas (sans doute en référence à Barabas). C'est un simple d'esprit qui amuse les enfants en se faisant passer pour le roi des Juifs. Il jalonne le film de façon un peu étrange comme une sorte de pendant caricatural du Messie (ou de l'attente messianique ?). J'avoue n'avoir pas trop compris...

Et puis il y a Jésus... Malgré le propos sur la "réhabilitation" de Judas, c'est bien Jésus qui m'est apparu comme le personnage principal du film. Rabah Ameur-Zaïmech en propose une vision vraiment intéressante. Un regard qu'on sent fasciné. Le réalisateur en témoigne, le personnage de Jésus l'a marqué dès son enfance. Il nous présente un Jésus à hauteur d'homme. C'est rafraîchissant et touchant. Et assez convaincant. On est, évidemment, très très loin d'une vision hollywoodienne ! Le début du film, où Jésus apparaît tellement humain, simplement au milieu des siens, dans la vie quotidienne, est vraiment magnifique. Le réalisateur a choisi quelques scènes des évangiles : l'entrée à Jérusalem, l'épisode avec les marchands du temple, la femme adultère que les pharisiens voulaient lapider, la femme qui verse le parfum sur la tête de Jésus... C'est le Jésus prophète que le réalisateur évoque. Aucun miracle n'est mis en scène, mais ils sont quand même évoqués dans le film. On assiste à son jugement mais pas à sa mort. Mais sa résurrection est bel et bien évoquée à la fin du film.

Au niveau de la réalisation un travail particulièrement remarquable a été fait sur la lumière. Le réalisateur dit s'être inspiré du Caravage et de Rembrandt. Et ça se voit ! Les acteurs ne sont pas tous des professionnels, ça se sent parfois... mais ce n'est pas vraiment gênant. J'ai été très touché par le Jésus de Nabil Njedouani.

Les libertés prises avec le récit des évangiles va sans doute déranger certains. Mais le film n'est ni une simple mise en scène des évangiles ni une tentative de reconstitution historique. D'ailleurs, les décors ne sont pas du tout reconstitués de façon réaliste. Le film est tourné dans des ruines, telles qu'elles sont aujourd'hui. Dans son palais, Pilate apparaît au milieu de fresques usées par le temps. Le film est bien plus une évocation personnelle de la vie de Jésus, un regard à partir d'aujourd'hui, à travers une vision différente du personnage de Judas. D'ailleurs, pour souligner encore l'implication personnelle du réalisateur, c'est lui-même qui joue le rôle de Judas dans le film. Et, superbe symbole, Judas meurt dans le tombeau de Jésus vide, après la résurrection.

Histoire de Judas est vraiment un film intéressant, avec une vision du récit des évangiles très personnelle, donc discutable, mais de laquelle ressort un Jésus touchant d'humanité. Si proche de nous, finalement.

lundi 6 avril 2015

Gaïa : un monde cruel pour les meeples

Dans Gaïa, il s'agit de façonner un monde, symbolisé par des tuiles de différents types de terrain que les joueurs vont poser en cours de partie. Le but du jeu est d'être le premier à poser toute sa population (ou ses meeples, si vous préférez...). On peut poser un meeple soit sur une carte objectif réalisé (en fonction des cartes jouées pour poser des tuiles) soit lorsqu'une ville est construite ou améliorée. Ce mécanisme d'amélioration des cités est le mécanisme central et original du jeu. Chaque carte cité précise sur quel type de terrain on peut la construire et mentionne quatre besoins de ressources, qu'il faudra combler par les tuiles adjacentes. Il faut au moins deux besoins comblés pour habiter une cité. Lorsque suite à la pose d'une tuile adjacente (ou sa modification par une carte événement) la satisfaction d'une cité est améliorée, on peut y poser un meeple (ou prendre la place du meeple déjà présent, dans la règle avancée). Mais la satisfaction d'un cité peut aussi baisser et dans ce cas, s'il n'y a plus qu'un besoin satisfait la cité est vidée de ses meeples, s'il n'y en a plus aucun la cité est détruite.

Gaïa est un jeu de tuiles tactique où il s'agit de faire les bons choix en fonction des cartes disponibles et de l'évolution du paysage. On ne peut pas vraiment élaborer de stratégie à long terme, et plus il y aura de joueurs, plus ce sera vrai. A deux joueurs, le jeu est plus contrôlable, plus il y a de joueurs, moins c'est le cas : le jeu devient plus chaotique mais s'y ajoute une petite dimension de diplomatie lorsqu'un jour s'apprête à jouer une carte événement par exemple.

Une règle de base est proposée mais on la limitera à une première partie de découverte, ou pour jouer avec des enfants. Il vaut mieux passer au plus vite aux règles avancées, qui ajoutent des mécanismes plus subtils et des cartes événements. Le jeu m'a tout de suite plu. Vite expliqué, rapidement joué, il permet des retournements de situation (et donc des coups fourrés...) très réjouissants et il n'est pas rare que la fin arrive de façon surprenante... en particulier pour les autres joueurs ! De plus, le matériel de qualité ajoute au plaisir du jeu, avec ses jolies illustrations aux couleurs vives.

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Gaïa, un jeu de Olivier Rolko illustré par Julien Castanié, édité en France par Blackrock Editions