lundi 29 juin 2015

Mustang : Un film fort, un cri pour la liberté. Magnifique.

Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs vivent dans la maison de leur oncle, élevées par leur grand mère. Un jour, elle rentrent de l’école en jouant avec des garçons. Pourtant, ces jeux innocents déclenchent un scandale dans la maison familiale qui va se transformer petit à petit en prison pour les cinq soeurs. Puis des mariages forcés commencent à s'arranger. Elles essayent alors d'échapper à cette emprise.

Mustang, premier film de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven, est extrêmement fort. Un vrai cri pour la liberté, en particulier celle des femmes en Turquie, où certaines traditions d'un autre âge les enferment dans de véritables prisons.

Sur un sujet grave, Mustang trouve le ton juste. Le film est parfois oppressant, violent et dur. Mais il contient aussi de magnifiques bouffées de liberté (la scène d'ouverture, la scène incroyable de l'échappée pour aller voir le match de foot) et il réserve aussi plusieurs scènes drôles et légères. Mustang est un film fort mais pas pesant du tout.

Et au coeur du film, il y a ces cinq soeurs, solidaires, qui s'efforcent de résister... Elles sont incarnées par cinq jeunes actrices magnifiques. Ce sont d'elles que proviennent la lumière ! Avec aussi de quelques autres personnages secondaires, comme le livreur de fruits et légumes. Mustang est donc un film dramatique mais aussi un film porteur d'espoir.

A noter enfin, la très belle bande son, notamment avec la magnifique musique de Warren Ellis, qui porte formidablement les scènes fortes en émotion. Et des émotions, Mustang nous en réserve beaucoup, jusqu'au final bouleversant. La force du film se mesure aussi à l'émotion qui reste chez le spectateur, bien après la fin du générique. Magnifique.

Vice-versa : drôle, tendre et malin !


Réalisateur de Là-haut, scénariste des différents Toy Story : Pete Docter, c'est l'assurance du meilleur de Pixar ! Et Vice-versa le confirme.

Au Quartier Général dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq émotions sont au travail : Joie, Colère, Peur, Dégoût et Tristesse. Lorsque la famille de Riley emménage à San Francisco, elles ont fort à faire pour guider la jeune fille dans cette période difficile. Et lorsque joie et tristesse se retrouvent accidentellement perdues dans les recoins les plus reculés de l'esprit de Riley, Peur, Dégoût et Colère se retrouvent seuls aux commandes...

Vice-versa propose une regard malin et amusé sur l'esprit humain et sur l'enfance, avec plein de clins d'oeil. Il se dégage aussi du film une vraie tendresse, pleine... d'émotion.
La plongée dans l'esprit de Riley, et la découverte de territoires comme la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite ou la Production des Rêves, en y croisant les étonnants personnages qui y travaillent, est vraiment réjouissante. Le film propose une façon très ludique d'évoquer certaines questions existentielles, comme la gestion des émotions ou la façon d'affronter les épreuves et d'en sortir grandi.

La qualité de l'animation est, évidemment, impeccable, avec une constante invention pour les lieux et les personnages rencontrés dans l'esprit de Riley.

Vice-versa est un vrai divertissement familial de qualité, pour le plus grand bonheur des petits et des grands.

dimanche 21 juin 2015

Le Déchronologue : uchronie pirate et paradoxes temporels

« Je suis le capitaine Henri Villon, et je mourrai bientôt. Non, ne ricanez pas en lisant cette sentencieuse présentation. N’est-ce pas l’ultime privilège d’un condamné d’annoncer son trépas comme il l’entend ? C’est mon droit. Et si vous ne me l’accordez pas, alors disons que je le prends. »

Ainsi s'ouvre Le Déchronologue, étonnant roman de science-fiction, ambitieux et passionnant, écrit par l'auteur français Stéphane Beauverger. Très documenté sur la piraterie dans les Caraïbes au XVIIe siècle, brillamment écrit, le roman utilise un thème classique de la science-fiction : le voyage dans le temps, et ses dommages collatéraux.

Henri Villon, fameux capitaine pirate, se bat avec son équipage contre de mystérieux envahisseurs, apparus suite à de terrifiantes perturbations temporelles. Son arme, c'est son navire, le Déchronologue, dont les canons tirent non pas des boulets mais du temps !

Avec ses personnages hauts en couleur, au langage souvent fleuri - à commencer par le narrateur, le capitaine Henri Villon - sa description du monde de la piraterie et de la colonisation des Caraïbes, l'ouvrage propose une étrange uchronie où surgissent en plein XVIIe siècle des objets directement en provenance de notre époque, ces merveilles qui attirent toutes les convoitises : lampes torche, radios ou armes à feu.

L'auteur choisit de proposer un récit déstructuré, où il brouille les pistes par un récit non chronologique, mélangeant l'ordre des chapitres du journal du capitaine Villon. Ce procédé risqué, qui peut perdre le lecteur, est au contraire habilement réussi. Il a même un petit côté ludique appréciable. Il crée aussi une certaine confusion pour le lecteur, rappelant les perturbations temporelles qui sont au coeur de l'histoire.

Le Déchronologue est un remarquable ouvrage, traitant de façon originale deux thèmes classiques de la SF, le voyage temporel et l'uchronie, avec une écriture assez brillante, pour une histoire qui vous tient en haleine jusqu'à la dernière page. Un vrai petit bijou.

lundi 8 juin 2015

Ex Machina : de l'excellente SF, un film fascinant et angoissant à la fois

Caleb, jeune programmateur dans l'une des plus importantes entreprises informatiques au monde, gagne un concours lui donnant le droit de passer une semaine avec le grand patron de son entreprise, le mystérieux Nathan. Ce dernier vit reclus dans une propriété sous haute sécurité. Il découvre qu'il va en réalité participer à une expérience dans le cadre d'une découverte scientifique majeure. En effet, Natha a réussi à créer une véritable intelligence artificielle et lui a donné la forme d'un robot humanoïde féminin. La fascinante Ava n'est-elle qu'une machine à l'apparence humaine ou est-elle douée de conscience ? Quelles sont les véritables intentions de Nathan ? Caleb est-il vraiment là par le hasard d'une loterie ?

Excellent film de science-fiction, Ex Machina aborde de façon convaincante un thème classique de la SF : l'intelligence artificielle. Il évoque aussi la question très actuelle de l'exploitation des données personnelles : Nathan tire sa fortune du développement du moteur de recherche le plus puissant au monde, détenant un quasi-monopole sur Internet (ça ne vous rappelle rien ?). La masse d'informations personnelles qu'il peut ainsi récolter lui donne un pouvoir exceptionnel et sert à améliorer ses recherches.

Alex Garland, jusqu'ici connu comme scénariste, notamment pour Dany Boyle (dont l'excellent Sunshine) passe avec succès derrière la caméra. Sa mise en scène est remarquable, avec un rythme assez lent bien choisi, l'essentiel du film étant un huis-clos angoissant où la frontière entre l'humain et la machine s'estompe, où l'on perçoit vite que le génial Nathan est aussi un personnage louche, sans révéler d'autres surprises que le scénario nous réserve, jusqu'à la fin. Un fin qui d'ailleurs, malgré peut-être une ou deux petites invraisemblances, est vraiment très réussie et assez inattendue. Le film est, en outre, très bien portée par une bande originale très réussie, signée Ben Salisbury et Geoff Barrow.

Au niveau du casting, si les peu connus Domhall Gleeson(Caleb) et, surtout, Alicia Vikander (Ava) sont très bien, c'est une nouvelle fois Oscar Isaac qui fait preuve de tout son talent dans le rôle de Nathan. Méconnaissable avec son look improbable, il donne une ambiguité malsaine à son personnage.

Ex Machina, c'est de l'excellente SF. Un film à la fois fascinant, notamment sur le plan visuel, et angoissant. Un film en prise avec des problématiques actuelles et qui permet une réflexion intéressante sur la grande question de l'intelligence artificielle et de la conscience, mais aussi sur les risques et les dangers pour les humains de "jouer à Dieu" en essayant de créer la vie. Ex Machina pourrait bien être le film de SF de l'année !

lundi 1 juin 2015

Maggie : un film de zombie pas comme les autres

Disons-le tout de suite : Maggie n'est pas un film parfait. Mais il n'en est pas moins un film original et intéressant.

Un terrible virus est en train de décimer la population. Les malades infectés se transforment en véritables zombies : irrésistiblement poussés à dévorer les humains, poussés par un odorat hyper-sensible qui leur fait sentir leur odeur comme celle d'une nourriture appétissante. Le gouvernement impose de placer les malades en quarantaine mais certains s'y refusent. C'est le cas de Wade Vogel qui est bien décidé à protéger sa fille Maggie, 16 ans, jusqu'au bout.

Maggie est un film de zombie atypique. Un drame familial intimiste. Il y a bien quelques scènes un peu gores et les effets physiologiques du virus sur les malades ne sont pas très jolis à voir... Mais ce n'est pas là le ressort principal du film, qui se concentre plutôt sur les relations entre Maggie et son père, sa belle-mère, ses amis... Le film est en réalité une véritable histoire d'amour entre un père et sa fille, condamnée à mourir d'un virus qui progresse inexorablement. C'est l'histoire d'un père qui se refuse à abandonner sa fille à un processus de quarantaine inhumain.

L'histoire est filmée avec une caméra très proche des visages : celui de Maggie qui se détériore petit à petit sous l'effet du virus, celui de Wade, pour lequel le visage buriné d'un Schwarzie à contre-emploi fait merveille. Même si le film n'atteint pas toujours l'émotion à laquelle on pourrait s'attendre, quelques scènes sont très réussies : celle où Maggie commence à avoir son odorat qui se modifie, ou celle, à la fin du film, où Maggie se lève au milieu de la nuit et va auprès de son père (je ne vous en dit pas plus...).

Le film aborde ainsi la question du regard que l'on porte sur ceux qui souffrent d'une maladie incurable, ou celle de l'accompagnement des mourrants, particulièrement lorsqu'ils sont proches. Bref, un film original et intéressant.