mardi 30 décembre 2014

Cinéma : mon palmarès 2014

En 2014, j'ai vu 83 films au cinéma (cf. mon tableau Pinterest). Difficile d'en extraire quelques-uns seulement... j'ai essayé toutefois d'en sélectionner dix, pour un palmarès personnel, forcément subjectif, mais que j'assume pleinement.

1. 12 Years a Slave, de Steve McQueen. Incontestablement, le film qui m'a le plus marqué cette année. Par son sujet bien-sûr, basé sur une histoire vraie. Mais aussi pour la remarquable réalisation de Steeve McQueen, sobre, forte, humaine. Un grand film dont on ne sort pas indemne...
2. Her, de Spike Jonze. Pour son scénario génial, pour la performance exceptionnelle de Joaquin Phoenix, incroyablement expressif, et pour la voix unique de Scarlett Johansson.
3. Gone Girl, de David Fincher. Le thriller de l'année, cynique et cruel, réalisé de main de maître par David Fincher. Sans oublier la révélation de Rosamund Pike, formidable dans le premier rôle féminin.

Au pied du podium, trois films coup de coeur :
4. Whiplash, de Damien Chazelle. Un face à face musical époustouflant, au rythme du jazz et filmé comme un combat de boxe. Haletant !
5. Night Call (Nightcrawler), de Dan Gillroy. Un film coup de poing sur les dérives du sensationnalisme en télévision. Jake Gyllenhaal énorme !
6. Philomena, de Stephen Frears. Un drame sensible et fort. Un film bouleversant sur le pardon, avec une Judi Dench exceptionnelle.

Enfin, pour compléter :
7. Mommy, de Xavier Dolan. Un film passionnel, excessif, éprouvant, inventif, passionnant.
8. The Grand Budapest Hotel, de Wes Andreson. La comédie déjantée de l'année. Drôle et inventive... mais pas seulement.
9. Godzilla, de Gareth Edwards. Un kiff de malade ! Un film de genre parfaitement maîtrisé, une fable écolo très spectaculaire.
10. Dawn of the Planet of the Apes (La Planète des singes : l'affrontement), de Matt Reeves. Un deuxième volet de la franchise de la Planète des singes, encore meilleur que le premier. Un vrai film fort... et humain.

Vous remarquerez qu'il n'y a pas de film français dans mon top 10... Pourtant, il y a eu de bons films français en 2014, que j'ai vraiment apprécié. J'en distinguerai trois :
Deux jours, une nuit, des frères Dardenne (même s'ils sont belges...). Un film d'une bouleversante humanité, sur fond de crise.
Hippocrate, de Thomas Lilti. Un film d'utilité publique !
- Les combattants, de Thomas Cailley. Un premier film très réussi, avec deux jeunes comédiens excellents.

Enfin, j'ajouterai deux mentions spéciales à deux films inspirés de récits bibliques :
Noéde Darren Aronofsky
Exodus : Gods and Kingsde Ridley Scott.
Deux films très critiqués dans certains milieux chrétiens, notamment évangéliques... mais que j'ai pour ma part beaucoup aimé. Il ne s'agit pas bien-sûr d'adaptations fidèles des récits bibliques mais de deux visions personnelles, et donc discutables, mais très intéressantes, du déluge et de l'exode.

Une bien belle année 2014 de cinéma !


lundi 29 décembre 2014

Whiplash : Face à face musical époustouflant !

Whiplash est un combat, une lutte haletante au rythme du jazz. Un face à face époustouflant entre un professeur et son élève. Dans la plus prestigieuse école de musique de New-York, tout le monde rêve d'intégrer l'orchestre de Terrence Fletcher. Mais tout le monde le redoute aussi car il est un professeur tyrannique, un vrai dictateur qui pousse ses musiciens dans leurs derniers retranchements, à coup d'humiliations verbales (voire plus) pour les pousser au-delà de leurs limites et atteindre l'excellence. Andrew Neyman, jeune batteur ambitieux, finit par attirer l'attention de Fletcher et intégrer son orchestre. Le film raconte leur face à face.

La réalisation de Damien Chazelle nous emmène dans un tourbillon au rythme du jazz, la musique étant évidemment omniprésente. On est au coeur de l'orchestre, à la place des musiciens, presque à l'intérieur des instruments. On retient son souffle avec Andrew quand il répète seul, au bord de la rupture, jusqu'au sang. Le réalisateur filme aussi le face à face entre les deux personnages principaux comme un match de boxe : les gros plans sur le visage de Fletcher, ses colères et ses humiliations qui résonnent comme des uppercuts, le visage d'Andrew, avec un rictus de douleur, la sueur, le sang. Tout y est. On le voit même sortir d'une répétition éprouvante complètement groggy, comme au sortir d'un ring. Résultat : on termine le film littéralement KO et la tête pleine de musique. Abasourdi et heureux.

Le jeune Miles Teller est très bon dans le rôle d'Andrew mais c'est la performance extraordinaire de J.K Simmons qui laisse sans voix. Son incarnation de ce professeur tyrannique est parfaite. On rit à ses répliques "fleuries" et on est terrorisé aux côtés de ses musiciens face à ses colères et ses humiliations. On est aussi bouleversés quand ses fêlures se révèlent...

Quelques personnages secondaires permettent de poser des questions intéressantes. Ainsi par exemple la discussion dans la famille d'Andrew sur ce qu'est la réussite. Ou la relation d'Andrew avec Nicole : la vie d'artiste en quête de perfection peut-elle s'accommoder d'une vie sentimentale ? Mais c'est la relation entre Andrew et Fletcher qui est la plus développée dans le film et qui pose les questions de la transmission et de la quête d'excellence. Ainsi par exemple, lorsque Fletcher déclare à Andrew combien il hait l'expression "bon boulot" (good job), qui ne peut conduire qu'à la médiocrité. Il faut au contraire pousser les musiciens dans leurs derniers retranchements pour leur permettre d'aller au-delà de leurs limites. Au risque d'aller trop loin et de les pousser à l'irréparable... La recherche de l'excellence justifie-t-elle tous les sacrifices ?

Whiplash est le film à ne pas manquer en cette fin d'année 2014. Un gros coup de coeur.

Five Tribes : intrigues au pays des mille et un meeples

Five Tribes nous emmène dans le pays des mille et une nuits. Le sultan est mort et il faut trouver son successeur. Les joueurs vont donc s'efforcer de s'attirer les faveurs des cinq tribus du sultanat, avec éventuellement l'aide de djinns qu'il pourront invoquer, pour s'emparer du trône.

Five Tribes combine harmonieusement plusieurs mécanismes : enchère, placement, semailles (comme dans l'awalé), placement. Les tours de jeu sont rapides : une première phase d'enchère à un tour pour déterminer l'ordre du tour, une seconde phase de placement où chacun choisit de déplacer tous les meeples d'une tuile, les semant un à un tuile après tuile pour finalement récupérer sur la tuile d'arrivée tous les meeples de la couleur du dernier meeple semé (et prendre le contrôle de la tuile si elle est complètement vidée). En fonction de la couleur des meeples récupérés, on peut effectuer une action. De même avec la tuile d'arrivée. En fin de partie, on marque des points de victoire en fonction des tuiles contrôlées (éventuellement améliorées en y construisant des palais ou en y plantant des palmiers), des djinns invoqués, des meeples récupérés, de l'argent récolté... et celui qui a le plus de points de victoire est proclamé nouveau sultan !

Five Tribes est un jeu tactique et opportuniste. Ici, pas de stratégie à long terme en anticipant une action plusieurs tours à l'avance. Il s'agit de s'adapter à l'évolution du plateau de jeu et savoir saisir les occasions qui se présentent. Il y a bien des choix à faire, le jeu est interactif sans aucun temps mort, tant les tours sont rapides. Le mécanisme des "semailles" est bien utilisé et le jeu est vraiment plaisant. Comme le plateau de jeu est modulable, grâce aux tuiles, et le placement initial des meeples aléatoire, chaque partie est différente. La rejouabilité est donc très grande. Le matériel est très agréable : tuiles épaisses, pléthore de jolis pions en bois, de jolies illustrations. Seul petit bémol, le thème qui, même s'il est sympathique, est plutôt plaqué sur le jeu. Il n'y a pas vraiment d'immersion dans le pays des mille et une nuits...

Au final, Five Tribes se révèle un excellent jeu tactique de "poids moyen". Sans doute la catégorie de jeux qui m'ont donné le plus de satisfaction dans les nouveautés de cette année 2014 (avec Abyss du même Bruno Cathala, cette fois avec Charles Chevallier, et Istanbul de Rüdiger Dorn).


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Five Tribes, un jeu de Bruno Cathala, édité par Days of Wonder
Le jeu sur le site de l'éditeur

mardi 23 décembre 2014

Exodus - Gods and Kings : Un péplum, un vrai. Un grand film épique.

Exodus : Gods and Kings, c'est un péplum, un vrai, obéissant aux codes du genre. Spectaculaire, avec des décors grandioses et des milliers de figurants (à l'ère du numérique, on peut se permettre toutes les folies !), des scènes de bravoure, des combats gigantesques. Mais c'est aussi un film assez sombre et tourmenté.

Un péplum, c'est du spectacle. Et là, on en a pour son argent. Les scènes de combat sont épiques. Les plaies sont très spectaculaires. La dernière, avec la mort des premiers nés, est saisissante. La traversée de la mer rouge emporte tout sur son passage (c'est le cas de le dire !)...

Un péplum, ce sont aussi des héros charismatiques. Moïse et Ramsès, ce n'est pas rien... Christian Bale et Joel Edgerton s'acquittent bien de leur rôle respectif. Pour les seconds rôles, c'est un peu inégal. J'ai aimé Ben Kingsley dans le rôle de Noun, ou John Turturo, à contre-emploi dans le rôle de Sethi. J'aurais aimé voir plus Sigourney Weaver...

Un péplum, c'est enfin une bonne musique. C'est le cas avec la bande originale d'Alberto Iglesias, compositeur attitré de Pedro Almodovar. Il propose une belle partition ample et lyrique, aux accents orientalisants.

Au niveau du scénario, le film est centré sur le destin croisé de Moïse et Ramsès, élevés ensemble comme des frères mais destinés à s'affronter. La trame globale fait référence au récit biblique mais c'est peu de dire que le film prend des libertés ! Comme pour le Noé d'Arronofsky, si vous espérez une adaptation fidèle du texte biblique, passez votre chemin ! Ça ne signifie pas pour autant que la vision personnelle du film soit à repousser d'un revers de la main...

Le personnage de Moïse peut décontenancer le lecteur habituel de la Bible. Le film dépeint un Moïse tourmenté et violent. Même si le film grossit le trait, la Bible dit bien que c'est parce qu'il a tué un Egyptien qu'il doit s'exiler... Et puis il fallait bien quelqu'un qui a une personnalité forte pour conduire les Hébreux hors d'Egypte ! Autre surprise : Moïse dans le film est un athée convaincu qui devient croyant suite à un choc sur la tête ! Le film laisse d'ailleurs planer le doute : Dieu parle-t-il vraiment à Moïse ou s'agit-il d'une hallucination ? Les visions que Moïse a de Dieu et les dialogues avec lui sont-ils réels ou le fruit de son imagination ?

D'ailleurs, la façon de représenter Dieu dans le film est surprenante, et déplaira sans doute à plusieurs (je n'ai, moi-même, pas été pleinement convaincu...). Dieu apparaît en effet à Moïse sous la forme d'un enfant !  Séphora, la femme de Moïse, s'en indigne : Dieu ne peut pas être un enfant ! Et Moïse répond : mais comment doit-il être ? Le choix du film est intéressant quant à la question de la représentation de Dieu, en allant à l'encontre des images traditionnelles. Mais l'enfant du film est tout de même troublant : loin de représenter l'innocence, il apparaît plus comme un enfant capricieux et cruel. Une vision de Dieu finalement assez terrifiante...

Ceci dit, la dernière scène du film peut atténuer cette impression et laisser entendre que la vision que Moïse a de Dieu est marquée par son expérience. Tourmenté au début du film, questionné sur son identité, il voit Dieu comme cet enfant cruel qu'il a du mal à comprendre. Apaisé à la fin du film, ayant retrouvé place au sein de son peuple, il voit Dieu marchant au milieu du peuple, et qui finalement lui sourit. Dans quelle mesure notre vision de Dieu n'est-elle pas marquée par notre expérience, nos doutes et nos questionnements ?

Il y aurait d'autres éléments à commenter, comme par exemple lorsque Moïse, sur la montagne, grave les tables de la Loi. Il dialogue avec Dieu qui lui dit qu'un chef peut toujours flancher alors que la pierre demeure solide. C'est elle, et la Loi qui y est gravée, qui devra guider le peuple désormais. Intéressant...

Globalement, le film propose, à travers une lecture personnelle, une vision noire et violente d'un épisode biblique qui est loin d'être lisse et consensuel. L'image montre avec force une dimension qu'on peut parfois atténuer à la simple lecture d'un texte (ou, pire, avec les images d'Épinal qu'on y associe souvent). Le récit de l'Exode est tout de même dur et violent : il y a bien les dix plaies, y compris la mort des premiers-nés, il y a bien l'engloutissement de l'armée du pharaon dans la mer !

J'avais l'habitude de dire que je n'aimais Ridley Scott que dans ses films de science-fiction (Alien, Blade Runner, et même Prometheus). Je ne peux plus le dire : j'ai aimé Exodus : Gods and Kings ! Pour le film en lui-même, la maîtrise du réalisateur et le spectacle qu'il propose. Mais aussi pour le regard personnel qu'il offre sur le récit de l'Exode, même s'il peut être dérangeant ou discutable !

mercredi 10 décembre 2014

Le Hobbit - La bataille des 5 armées : un bouquet final spectaculaire

Pour clore sa deuxième trilogie en Terre du Milieu, Peter Jackson nous offre un bouquet final spectaculaire et réjouissant. Une fois encore, le film s'écarte passablement du livre original, et c'est tant mieux. Rappelons-le, le Hobbit était un conte pour enfant. Peter Jackson propose une véritable préquelle au Seigneur des Anneaux. Il invente des épisodes, mais il puise aussi dans l'univers complexe et la mythologie créés par Tolkien. Le tout est donc forcément plus sombre que l'ouvrage pour enfants... Il faut bien s'écarter un peu de l'aventure de Bilbo pour préparer le retour de Sauron ! Ca permet d'ailleurs de nous proposer une des scènes les plus réussies du film, dans l'affrontement à couper le souffle entre Sauron et les neuf spectres d'un côté et Elrond, Saroumane et Galadriel de l'autre côté.

Dans un assez  long prologue, tout à fait réussi et spectaculaire, on règle l'affaire de Smaug. Une fois le dragon vaincu apparaît le titre du film : la bataille des cinq armées. Car l'essentiel du film consistera dans cette fameuse bataille. Et Peter Jackson s'en donne à coeur joie. Ca crie, ça cogne, ça s'agite de tous les côtés. C'est épique, spectaculaire, souvent totalement invraisemblable, mais on s'en fiche. On s'éclate ! Visiblement, Peter Jackson a voulu offrir un feu d'artifice en guise d'adieu. Et c'est réussi ! Le film regorge de scènes de combat assez jouissives, de créatures exotiques et de machines de guerre incroyables.

Bien-sûr, il y a l'histoire d'amour assez ridicule entre l'elfe Tauriel et le nain Kili, ou les bons sentiments autour des discours assez larmoyants sur l'amour, genre "l'amour, ça fait mal !". Mouais... J'ai bien aimé par contre la façon d'évoquer la folie paranoïaque s'emparant petit à petit de Thorin lorsqu'il retrouve son trésor, l'orgueil et la fierté qui aveugle les peuples et les poussent à la guerre.

La trilogie du Hobbit restera en-deça de celle du Seigneur des Anneaux. Mais ce dernier opus, le feu d'artifice d'action qu'il propose, conclut de façon convaincante une double trilogie qui fera date, une belle réussite de cinéma à grand spectacle. Avec le retour, à la fin du film, dans la Comté, et notamment la dernière scène, la boucle est bouclée... et je dois dire que j'en ai presque eu la larme à l'oeil ! Le voyage en Terre du Milieu avec Peter Jackson, c'était quand même vraiment bien !

lundi 8 décembre 2014

Mr Turner : Portrait humain d'un génie

Mike Leigh se concentre sur les dernières années de Turner. Il est déjà célèbre et reconnu par ses pairs, malgré ses méthodes peu orthodoxes. Je ne sais pas jusqu'à quel point chaque détail de l'histoire est authentique d'un point de vue historique mais le film dresse un portrait réaliste, et humain, du génial peintre.

C'est un portrait humain, parce que touchant. Notamment dans sa relation avec son père, pleine de tendresse et de complicité. Mais aussi dans la paix que cet homme bourru et finalement très seul trouve auprès de Mme Booth, en secret, dans les dernières années de sa vie.

Mais c'est aussi un portrait humain parce qu'il dépeint Turner avec ses défauts et ses côtés sombres. On pense ici à son véritable reniement de ses propres enfants et de son ex-femme, qu'il traite comme des étrangers. Ou à la rudesse avec laquelle il traite sa gouvernante, visiblement amoureuse de lui.

Le film est aussi passionnant par son évocation du processus créatif. Inlassable dans ses voyages et ses virées en solitaires pour découvrir la nature, capturant ses impressions dans des esquisses qu'il couche sur son carnet qui ne le quitte jamais. Et puis il y a sa passion pour les paysages marins qui le pousse à aller jusqu'à se faire attacher au sommet du mat d'un bateau, au coeur de la tempête, expérience à l'origine, dans le film, de sa célèbre toile "Tempête de neige en mer".

Comme on est dans les dernières années du peintre, les plus radicales dans sa création artistique, le film évoque aussi l'incompréhension du public et des critiques. On y découvre aussi les rivalités entre peintres au sein de la Royal Academy et on sourit face à la pédanterie des amateurs d'art, digressant avec autant d'ardeur sur la culture des groseilles en Angleterre que sur l'art pictural. Autre scène intéressante, la séance chez le photographe où Turner s'inquiète en voyant dans cette nouvelle invention un futur rival dangereux pour les artistes peintres.

Il faut aussi, évidemment, mentionner l'extraordinaire performance de Timothy Spall dans le rôle de Turner, justement récompensé par le prix d'interprétation masculine à Cannes. Il est pour beaucoup dans la réussite du film. Grâce à lui, Turner est, sous nos yeux, incroyablement humain. La galerie de personnages qui gravitent autour de Turner est aussi particulièrement réussie, tout comme la reconstitution historique de l'Angleterre du XIXe siècle.

Mike Leigh n'a pas voulu faire un simple biopic. En se concentrant sur les dernières années du peintre en en choisissant de proposer une succession de tableaux où la contemplation de superbes paysages fait partie intégrante du récit, il nous propose un portrait humain et passionnant d'un des plus grands génies de l'histoire de la peinture.

lundi 1 décembre 2014

Night Call : un film grisant et inquiétant

Lou Bloom gagne sa vie en vendant au noir des métaux volés. Un jour, il tombe par hasard sur un accident de la route. Sur place, au milieu des policiers, il voit des personnes en train de filmer les opérations de sauvetage. Il se renseigne et comprend qu'ils vendent ensuite leurs images aux chaînes de télévisions les plus offrantes. Il se renseigne sur Internet, il se procure une caméra et un appareil qui lui permet d'intercepter les communications de la police et il se lance. Et comme il est bon et malin, il progresse vite et se fait une place auprès d'une chaîne de télé locale. Il devient si bon qu'il arrive sur les lieux du crime avant la police ! Il fournit des images exclusives et spectaculaires... même s'il faut un peu arranger les choses. Jusqu'où sera-t-il prêt à aller ?

Première réalisation de Dan Gilroy, Night Call est un coup de maître. Thriller haletant au scénario implacable, le film nous entraîne dans une fuite en avant tout autant grisante qu'inquiétante. Car Night Call est un film qui dénonce sans concession, avec un cynisme grinçant, les dérives du sensationnalisme dans le traitement de l'information. Manipulation des peurs du téléspectateur, ouverture des journaux sur des faits divers sanglants, choisis de façon partiale (avec de préférence des blancs victimes de minorités ethniques), recherche de l'image la plus spectaculaire, à n'importe quel prix... A cet égard, la scène où on assiste depuis les coulisses de la régie au journal télévisé, avec les instructions de la productrice dans l'oreillette des présentateurs est assez magistrale.

Night Call, c'est aussi un film qui déconstruit de façon assez cruelle le modèle de réussite à l'américaine à la "self-made man". On le voit dans la façon dont Lou Bloom organise son entreprise, dans ses discours à son "associé", dans ses méthodes discutables pour parvenir à ses fins... et la fin du film, que je ne dévoilerai pas, met un point d'orgue à l'ensemble !

Enfin, le film est aussi l'occasion pour Jake Gyllenhaal de faire preuve de son immense talent et lui garantir une probable nomination aux Oscars... Il est absolument énorme dans le rôle principal et incarne à la perfection cet antihéros machiavélique, manipulateur et froid. Une très grande performance d'acteur.

Encore un mot pour un petit coup de gueule contre le titre "français" du film. Le titre original est Nightcrawler. Mais pourquoi proposer comme titre en France : Night Call ? Si c'est pour avoir un titre en anglais, autant garder l'original ! Au Québec, le film s'appelle Le Rôdeur. C'est déjà beaucoup mieux et ça évoque bien le personnage principal du film !

Night Call, ou Nightcrawler, est tout simplement un des meilleurs films de l'année ! A voir absolument.

vendredi 7 novembre 2014

Interstellar : un très bon film de SF ! Mais pas pour autant un grand film...

Commençons par les points positifs. Et ils sont nombreux. Interstellar est un spectacle grandiose, avec des images magnifiques (l'immensité de l'espace, une terre mourante envahie par la poussière, de grandioses paysages sur des planètes hostiles), des scènes spectaculaires, d'autres intimistes et émouvantes. Le tout est porté par une excellente musique de Hans Zimmer, habituel comparse de Nolan. Le film a un certain souffle qui n'est pas sans rappeler l'Étoffe des héros (The Right Stuff) de Philip Kaufman qui évoquait l'aventure de la conquête spatiale. Le scénario, bien que finalement assez classique (il n'a pas l'originalité d'Inception) est efficace et s'amuse avec la théorie de la relativité d'Einstein. On y retrouve des thèmes classiques de la SF : le voyage spatial, les paradoxes temporels, la question de la vie extra-terrestre ou la survie de l'humanité en danger. Le casting est bon, Matthew McConaughey en tête. Bref, le film dure presque 2h50 et je n'ai pas vu le temps passer !

Alors qu'est-ce qui fait qu'Interstellar est un très bon film de SF mais pas un grand film ? Le fait que, justement, il n'est qu'un film de SF. Il n'arrive pas à transcender le genre. Il se laisse même prendre par les travers qui guettent ce genre de film : quelques invraisemblances, des théories une peu fumeuses et un discours philosophique un peu naïf. Malgré la référence appuyée à 2001 (ballet spatial, "portail" vers une autre dimension), on est très loin de la portée métaphysique du modèle.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Je le redis : Interstellar est un très bon film de SF. Vraiment. Sans doute un des meilleurs de ces dernières années. Mais j'espérais secrètement un grand film... et là je suis quand même un poil déçu.

lundi 20 octobre 2014

Mommy : Un film passionnel, excessif, éprouvant, inventif, passionnant.

Mommy est à l'image de ses héros : passionnel et excessif, mais terriblement attachant. C'est aussi un film éprouvant pour le spectateur emporté par le tourbillon émotionnel proposé par Xavier Dolan, dans une oeuvre inventive et passionnante. Mommy est un drame qui nous raconte l'histoire de Dina, une mère veuve excentrique et gouailleuse, qui hérite de la garde de son fils, un adolescent incontrôlable et violent qui a été exclu de l'établissement dans lequel il avait été placé. Le duo se transformera en trio avec l'énigmatique voisine, Kyla, dans la vie de laquelle on perçoit un lourd traumatisme. Ensemble, ces trois êtres blessés vont trouver une forme d'équilibre, et même d'espoir... mais pour combien de temps ?

Le film, tourbillonnant, propose quelques scènes extrêmement fortes. Je pense notamment à certains épisodes violents qui sont de vrais coups de poing, ou à la scène bouleversante où Dina imagine un avenir radieux à son fils.

Une des grandes idées de la mise en scène de Xavier Dolan, c'est le choix d'un format d'écran étroit au ratio d'image 1:1, qui donne à la fois une très grande proximité, une grande intimité, avec les personnages, mais qui produit aussi un sentiment d'enfermement tout à fait adapté au film. Un sentiment qui s'accentue encore quand, à deux reprises, l'écran s'élargit. Tout à coup on respire... jusqu'à ce que l'écran se rétrécisse à nouveau.

Le film est également porté par un trio d'acteurs remarquables. Le jeune Antoine Olivier Pilon incarne parfaitement un adolescent insupportable mais attachant, Suzanne Clément est très touchante dans le rôle de la voisine Kyla. Et il y a surtout Anne Dorval, sublime dans le rôle de Dina. Une performance exceptionnelle !

Mommy, c'est une histoire d'amour maternel et filial. Un amour fusionnel, excessif. Au début du film, la directrice de l'établissement d'où Steve est renvoyé met en garde Dina : "Ce n'est pas parce qu'on aime quelqu'un qu'on peut le sauver." La réponse de la mère sonne comme un défi : "les sceptiques seront confondus." La suite de l'histoire montrera combien l'amour peut être mis en péril par les épreuves de la vie, les blessures héritées du passé... mais aussi par une société qui ne veut finalement pas vraiment de personnages "hors-cadre" comme Dina ou Steve. La fin du film est sujette à interprétation. J'ai l'impression que malgré le drame, le film veut garder espoir, malgré tout... un espoir fou que l'amour peut finalement gagner.

Mommy a bien mérité son prix du jury du dernier festival de Cannes : le film a une profondeur et une maîtrise sidérantes chez un réalisateur de 25 ans !

lundi 13 octobre 2014

Gone Girl : Génial thriller, cruel et cynique


Gone Girl, c'est bien-sûr d'abord un thriller, qui débute sur une disparition mystérieuse. L'enquête qui suit est remplie de chausses-trappes, de coups de théâtre, de jeux de dupe. Impossible d'en dire trop, il faut garder la joie de la découverte ! Disons simplement qu'on est tenu en haleine tout au long du film.

Mais Gone Girl c'est aussi et surtout une fable cruelle sur le mariage. Abordé avec cynisme dans le film, de vraies questions sont posées. Comment faire pour qu'un couple dure ? Peut-on échapper au mensonge dans le couple ? Que recherche-t-on chez le conjoint ? Faut-il être soi-même ou être ce que l'autre veut que nous soyons ? Gone Girl donne une vision pessimiste du couple et du mariage mais invite à une vraie réflexion sur ce thème. Passionnant.

Gone Girl aborde aussi le thème de la famille. D'une part avec la relation des parents de Amy avec leur fille, qu'ils instrumentalisent. Mais aussi avec la relation entre Nick et sa soeur, traitée de façon très intéressante dans le film. Est-on prêt à un amour fraternel quoi qu'il en coûte, quoi que l'autre ait fait ?

Gone Girl évoque aussi la question des médias et de leurs dérives dans le traitement de l'actualité, notamment des faits divers. Le film dénonce les conclusions hâtives, l'emballement médiatique, la manipulation des images, la mise en scène des sentiments...

Au niveau de la réalisation, c'est du grand David Fincher. Un récit non linéaire lève le voile petit à petit sur l'intrigue, tout en maintenant la tension. Très tôt on sent qu'on nous mène en bateau... et on garde ce sentiment jusqu'à la fin du film ! Très fort. Le casting est bon. Ben Affleck est très bien mais c'est Rosamund Pike qui crève l'écran. Elle est extraordinaire dans le rôle d'Amy. Une révélation.

Génial thriller, fable cruelle et cynique, Gone Girl est à n'en pas douter un des films de l'année 2014 !

lundi 29 septembre 2014

Saint-Laurent : Portrait passionnant d'un génie fragile et tourmenté

La première bonne idée de Bertrand Bonello, c'est de ne pas avoir fait de son film un simple biopic mais de proposer une vision personnelle, centrée sur 10 ans de la vie de Saint-Laurent, entre 1967 et 1977, avec pour apothéose le défilé de juillet 1976 et la collection opéra-ballet russes. C'est forcément partiel, et partial, mais tellement plus intéressant que le biopic "officiel" et assez insipide de Jalil Lespert sorti en début d'année !

Si les acteurs sont tous très bons (y compris Gaspard Uliel en Yves Saint-Laurent), c'est la réalisation de Bertrand Bonello qui emporte l'adhésion. Il propose un récit elliptique, parfois destructuré, qui peut décontenancer, mais qui nous plonge de façon passionnante dans l'univers d'un génie fragile et tourmenté, à la limite de la folie. C'est l'univers de la haute-couture, ses processus créatifs, le travail de toutes les petites mains, les enjeux financiers (la scène au début du film où l'on voit Yves Saint-Laurent au travail dans son studio de couture est très réussie). C'est aussi l'univers de la nuit, sulfureux et marqué par l'alcool, la défonce, le sexe. Un univers souvent évoqué de manière assez crue dans le film : des scènes à ne pas mettre devant les yeux de tout le monde... C'est aussi l'univers intime d'un homme seul, obsessionnel (son bouddha et sa collection de camées, le chien Moujik), souvent morbide. Un écorché vif. 

Bertrand Bonello assume sa vision personnelle. C'est ce qui fait sans doute la force de son film. Dans une scène, Yves Saint-Laurent passe devant le véritable portrait fait par Andy Warhol. La ressemblance entre l'acteur et le personnage historique devient moins évidente et le réalisateur ne le cache pas. Dans le film, Jacques de Bascher dit alors (je cite de mémoire) : "c'est vraiment toi" et ce dernier lui répond : "Non, c'est Yves Saint-Laurent selon Andy Warhol". Saint-Laurent, c'est Yves Saint-Laurent selon Bonello. Et j'ai aimé.

lundi 15 septembre 2014

Abyss : aussi bon que beau !

Abyss, c'est d'abord un beau jeu. L'éditeur a mis le paquet sur le packaging ! Les illustrations de Xavier Collette sont superbes, dès la boîte de jeu, disponible en 5 versions différentes (!) : juste un gros plan sur le visage d'une créature des profondeurs. Le dessin seul, le titre du jeu n'étant présent que sur la tranche de la boîte. Les illustrations des cartes et du plateau de jeu ne sont pas en reste. Vraiment une très jolie réussite.

Alors, Abyss, c'est beau, mais est-ce que c'est bon ? La réponse est oui, sans hésitation ! Dans sa catégorie (familial +), c'est même peut-être un des tout meilleurs. A son tour, un joueur a le choix entre trois actions : explorer les profondeurs (mais les autres joueurs pourront aussi en profiter), demander l'aide du conseil ou recruter un seigneur. Les deux premières actions permettent de récupérer des cartes alliés, qui elles-mêmes permettent de recruter des cartes seigneurs, ces dernières donnant des points de victoire, des pouvoirs spéciaux ou la possibilité de contrôler des lieux stratégiques du monde des profondeurs.

Les mécanismes sont simples, et n'ont certes rien de révolutionnaire, mais sont bien équilibrés : développement, collecte, combinaisons de cartes avec un zeste de "stop ou encore". Il réserve une belle interaction entre les joueurs et les parties sont rapides (une heure environ). Il me semble qu'il y a plutôt une bonne rejouabilité, avec les seigneurs et les lieux dont l'ordre d'apparition change à chaque partie. Certains diront que le thème est artificiel. Il est surtout porté par les illustrations, c'est sûr... mais elles sont tellement réussies que ça suffit à mon bonheur ! Surtout que le jeu lui-même tourne très bien.

Abyss est un vrai coup de coeur... qui pourrait bien figurer en bonne place dans mon palmarès personnel en fin d'année !

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Le site dédié au jeu : Abyss
La bande-annonce que l'éditeur a produite avant la sortie du jeu

lundi 8 septembre 2014

Hippocrate : un film d'utilité publique

Hippocrate a un certain côté documentaire : le réalisateur, Thomas Lilti, est lui-même médecin, ce qui donne évidemment à son film une crédibilité indéniable et permet de découvrir les coulisses d'un hôpital. C'est passionnant. Mais ce n'est pas pour autant un documentaire. On nous raconte vraiment une histoire. Le scénario est centré sur deux personnages : Benjamin, un jeune interne qui fait son premier stage dans le service de son père, et Abdel, un médecin algérien déjà expérimenté mais qui a le statut de FFI (Faisant Fonction d'Interne). 

Le film aborde non seulement les problématiques universelles liées au sujet : la responsabilité des soignants, les risques et les conséquences des erreurs médicales, le rapport à la mort, à la souffrance, la question de l'acharnement thérapeutique... Mais c'est un film actuel qui porte aussi un regard sans concession sur l'hôpital aujourd'hui, avec des directeurs qui ne connaissent rien au médical et qui sont de simples gestionnaires, avec ses impératifs économiques qui ont des conséquences sur les conditions de travail, les réductions d'effectif, la gestion des malades, etc... 

Riche de toutes ces problématiques, le film aurait pu être lourd. Il n'en est rien. Thomas Lilti trouve le bon rythme, mêlant habilement scènes cocasses et moments d'émotion, avec des personnages touchants et attachants. Et au final, même si le regard éclairé du réalisteur ne cache rien des difficultés à être médecin ou infirmière aujourd'hui, on ressent aussi à travers ce long-métrage un amour, une passion de la part de Thomas Lilti pour son métier. D'ailleurs, comme le dit Abdel dans le film, avec un sourire qui en dit long : "Médecin, ce n'est pas un métier. C'est une sorte de malédiction..."

On ressort du film avec espoir malgré tout. Et aussi avec un vrai sentiment de respect pour le personnel soignant. Hippocrate est vraiment un film d'utilité publique. A voir absolument.

lundi 1 septembre 2014

Enemy : un étonnant thriller psychanalytique

Adam est professeur d'histoire. Il mène une vie banale avec sa fiancée. La routine... jusqu'au jour où il découvre son sosie parfait en la personne d'Anthony, un acteur, en visionnant un film en vidéo. Il fait des recherches, l'observe à distance et finit par entrer en contact avec lui.

Adam et Anthony sont d'apparence parfaitement identiques mais leurs vies sont presque opposées. L'un a une situation professionnelle stable mais une vie sentimentale plutôt chaotique. L'autre est un acteur qui visiblement doit se contenter de petits rôles secondaires mais il est marié et sera bientôt papa. Adam est alors hanté par des cauchemards peuplé d'araignées... et la question se pose pour le spectateur : Adam a-t-il vraiment un double parfait ou est-ce le fruit de son imagination ?

Disons-le tout de suite, le film laisse la question ouverte... même s'il y a sans doute suffisamment d'indices pour penser qu'Adam et Anthony sont en réalité les deux faces d'une même personne. Enemy est donc un thriller psychanalytique tout à fait étonnant, avec une intrigue assez complexe qui réserve de nombreuses surprises (la scène finale !). On ressort du film avec plein de questions, et on se dit qu'un second visionnage aiderait à mieux le comprendre. Un petit conseil : une fois que vous aurez vu le film, lisez cet article qui donne une interprétation que je trouve assez convaincante de l'ensemble du film (mais attention : l'article est plein de spoilers !!!).

La réalisation de Denis Villeneuve est remarquable, distillant une ambiance oppressante (portée par l'excellente bande originale) grâce à de troublants jeux de miroirs. Jake Gyllenhaal est très bon dans le rôle principal. Enemy se révèle être un thriller atypique, qui peut dérouter voire laisser sur la touche les spectateurs qui ne sont pas prêts à accepter de ne pas tout comprendre. Mais pour ceux qui oseront se laisser emporter par le film, Enemy sera une expérience cinématographique peu banale.

lundi 11 août 2014

Winter Sleep : c'est long, c'est lent, c'est beau, c'est fort... et c'est long !

Ajouter une légende
Je ne serais certainement pas allé voir Winter Sleep, palme d'or du précédent festival de Cannes, s'il n'avait pas remporté ce prix... et j'aurais eu tort !

L'histoire se passe en Anatolie centrale. Un comédien à la retraite tient un petit hôtel perdu dans la montagne. Il y vit avec sa jeune épouse et sa soeur. C'est l'hiver, l'hôtel est pratiquement vide. Et pendant 3h15, nous sommes les spectateurs des relations compliquées de ces personnages et ceux qui les entourent, de leurs tensions, de leurs déchirements...

Le film est particulièrement bien mis en image : les paysages étonnants d'Anatolie, avec ou sans neige, sont d'une grande beauté. Les scènes filmées en intérieur bénéficient d'une lumière superbe. Les acteurs, évidemment complètement inconnus pour moi, sont remarquables, en particulier Haluk Bilginer dans le rôle d'Aydin et Melisa Sözen dans celui de sa femme Nihal.

Alors, certes, 3h15 en turc sous-titré, c'est long. D'autant que le film repose beaucoup sur ses nombreux dialogues. Je ne dis pas que n'ai pas cédé à quelques baillements... Mais la longueur et la lenteur font partie intégrante du film. Elles participent à l'évocation de la solitude et de l'ennui, au coeur du film, et elles donnent de l'épaisseur à la difficulté des relations évoquées. Et surtout, elles préparent aux dernières minutes magnifiques et bouleversantes, qui parviennent à exprimer avec force la difficulté d'aimer, de pardonner et de demander pardon, et surtout la difficulté de le dire. Et il fallait sans doute que le film dure longtemps, avant, pour y arriver et que cela prenne autant de force.

Winter Sleep : c'est long, c'est lent, c'est beau, c'est fort... et c'est long ! J'ai aimé !

mercredi 6 août 2014

Minivilles : construisez votre ville en moins de 30 minutes !

Comme son nom l'indique, dans Minivilles, il s'agit de construire une ville ! Les différents bâtiments sont représentés par des cartes que vous allez pouvoir acheter. A votre tour, vous lancer un dé (ou deux dés si vous avez construit la gare), vous activez les bâtiments concernés (ceux sur lesquels la valeur du dé est inscrite) pour gagner de l'argent et vous pouvez acheter un nouveau bâtiment. C'est tout ! Le principe est tellement simple qu'on se demande comment on n'y a pas pensé plus tôt ! Il y a des bâtiments dont l'effet est déclenché lors du tour de n'importe quel joueur, d'autres dont l'effet n'est déclenché que lors de votre tour et d'autres encore qui ne se déclenchent que lors des tours des autres joueurs. Il y a enfin quatre "monuments" qui donnent un pouvoir spécial. Le premier joueur à les avoir construit les quatre a gagné.

Le jeu est donc expliqué en moins de 5 minutes et les parties sont très rapides. Les grincheux diront qu'il y a trop de hasard : eh oui, on lance des dés ! Mais pourquoi les bons jeux devraient-ils forcément être dénués de hasard ??? Dans un jeu du format de Minivilles, la part de hasard est au contraire bienvenue : quel plaisir de faire juste le bon jet de dés pour piquer de l'argent à ses voisins... même si mes champs de blé ne me rapportent rien parce qu'on n'est pas fichus de faire 1 au dé ! Et puis, il y a des vrais choix à faire, prévoir des combinaisons de cartes, calculer ses risques... plusieurs stratégies sont possibles pour gagner.

Minivilles est vraiment un bon jeu, accessible, très plaisant... et addictif. On enchaîne les parties, pour tester différentes stratégies. Le matériel est de bonne facture, des cartes de qualité avec des illustrations colorées. Et, cerise sur le gâteau, une première extension s'annonce déjà pour septembre !

Minivilles, c'est mon coup de coeur ludique de l'été !

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Minivilles, un jeu de Masao Suganuma, édité par Moonster Games


mercredi 30 juillet 2014

Dawn of the Planet of the Apes : encore meilleur que le précédent !

Quelle bonne idée d'avoir renouvelé la franchise de la Planète des Singes ! Le premier volet, La Planètes des Singes : les origines, était déjà très bon. Dawn of the Planet of the Apes est encore meilleur !

Je regrette d'ailleurs le titre en français (La planète des singes : l'affrontement). Il y a dans le titre original une référence évidente à 2001, l'odyssée de l'espace (soulignée par la musique de Michael Giacchino qui rappelle comme deux gouttes d'eau celle de Ligeti dans le film de Kubrick). La première partie de 2001 était intitulée "The Dawn of Man" (l'aube de l'humanité). On y voyait l'arrivée d'un monolithe auprès d'un clan de singes qui coïncidait avec l'invention de l'outil... et de l'arme, les rendant capables de chasser et de dominer par la violence les autres clans. La chasse, la violence, les armes... on retrouve tout cela dans Dawn of the Planet of the Apes !

Evidemment, en parlant des singes, le film parle de l'humanité. Et ce qui rend les singes humains, c'est leur capacité à la violence et la vengeance. Triste constat... Ce ne sont pas les impressionnants très gros plans, en début et en fin de film, sur les yeux de César, qui le contrediront. Ni la réplique de César, vers la fin du film, disant : "je pensais que les singes étaient meilleurs que les humains mais je me rend compte combien nous leur ressemblons !" Cette vision de l'humanité marquée par la violence trouve des échos d'une triste actualité aujourd'hui...

Ceci dit, comme le suggère le titre français, il y a bien un affrontement dans le film. Certes, entre les hommes et les singes. Mais surtout au sein des deux communautés, singes et humains. Il y a l'affrontement entre César et Koba. César veut préserver la paix, y compris avec les humains. Koba veut se venger. Il porte sur lui les cicatrices des mauvais traitements que les hommes lui ont fait subir, comme cobaye de laboratoire. Et chez les humains, Malcolm et Dreyfus s'opposent quant à l'attitude à adopter face aux singes.

Tout ceci fait de Dawn of the Planet of the Apes un film bien plus sombre que le précédent, le tout parfaitement maîtrisé par le réalisateur, Matt Reeves, qui alterne habilement les scènes épiques et spectaculaires et les scènes plus intimistes. Le scénario, qui ménage plusieurs références au premier opus (dès le générique de début), permet au film d'être plus qu'un simple film d'action. C'est un vrai film fort, qui parle de nous alors même qu'on passe l'essentiel du temps au milieu des singes. Et c'est là que la technique de la motion capture joue pleinement son rôle. La variété et la finesse des expressions qu'elle permet de donner aux visages des singes sont proprement hallucinantes !

Encore meilleur que le précédent film de la franchise, Dawn of the Planet of the Apes est une pleine réussite, un film d'une grande force à ne pas rater. Vivement la suite, en 2016...

mardi 29 juillet 2014

Les Chronolithes : avant Spin, déjà un excellent Wilson

Dans les années 2020, un monument étrange apparaît de façon soudaine à Chumphon, en Thaïlande. Personne ne sait d'où il vient ni de quel matériau il est constitué. Il est en tout cas indestructible. Il porte une inscription qu'on arrive finalement à déchiffrer : elle célèbre la victoire d'un seigneur de la guerre totalement inconnu du nom de Kuin. Une victoire... qui n'aura lieu que 20 ans et trois mois plus tard !

Scott Warden est un des premiers témoins de ce phénomène qu'on appellera les chronolithes. Car d'autres monuments continueront d'apparaître de façon mystérieuse à d'autres endroits du globe.Toujours plus impressionnants, semant la destruction et le chaos. Comment est-ce possible ? Comment les chronolithes apparaissent-ils instantanément en provenance du futur ? Et qui est ce mystérieux Kuin ? Sa victoire est-elle inéluctable ? Engagé par son ancien professeur de physique, l'insaisissable Sulamith Chopra, Scott va tenter de trouver les réponses à ces questions.

J'avais découvert Robert Charles Wilson avec l'excellent Spin et il faut avouer qu'une fois encore, l'auteur fait mouche. Il tisse une intrigue passionnante, avec des personnages attachants, à partir d'une idée de départ originale. On retrouve, comme dans Spin, une ambiance fin du monde, avec son cortège de groupements fanatiques et religieux. Les Chronolithes est d'ailleurs antérieur à Spin et préfigure à plusieurs égards ce dernier. On chemine avec des personnages qui se débattent dans une histoire qu'ils n'arrivent pas à maîtriser, buttant contre un mystère qui semble insondable. Véritable thriller scientifique, ce roman de SF tendance hard-science aborde aussi des questions existentielles, notamment celles du destin, du déterminisme et de la liberté, traitées avec brio à travers une intrigue passionnante, qui se termine de façon plutôt habile et convaincante.

Une lecture que je recommande chaudement et qui m'encourage à poursuivre la découverte de cet excellent auteur de SF.

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Les Chronolites, de Robert Charles Wilson. Édité en poche chez Folio SF

vendredi 18 juillet 2014

Création, de Johan Heliot : SF divertissante dans le jardin d'Eden

L'action de Création se passe en Israël, dans un futur proche. En plein désert du Sinaï est apparu de façon soudaine une immense étendue fertile et mystérieuse qui ne peut, bien-sûr, qu'évoquer le fameux jardin d'Eden.

Le récit, plutôt habilement mené sous la forme d'une thriller, suit trois fils narratifs. L'un autour d'Anthony, un soldat d'élite français qui se retrouve au milieu d'une forêt luxuriante apparue mystérieusement ; un autre autour de Rachel, une botaniste engagée pour un projet scientifique ultra-secret ; un dernier autour de Saïd, "virtualiste" (sorte de journaliste-paparazzi 3.0) engagé par un webangéliste, véritable gourou multimillionnaire d'une communauté créationniste, pour assurer la diffusion de son expédition vers le Jardin, via sa rétine, aux millions d'internautes qui le suivent.

Création est un cocktail étonnant (parfois un peu fourre-tout) où l'auteur s'amuse à mêler des éléments empruntés à la Genèse (le Jardin et l'arbre de vie), Qumran et les Esseniens, les technologies de l'information, le tout sur fond d'Intelligent Design et d'univers parallèles ! Une lecture estivale divertissante, sans prise de tête.

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Création, de Johan Heliot. En poche, aux éditions J'ai lu.

mardi 8 juillet 2014

Jimmy's Hall : Portrait attachant d'un humaniste irlandais

Jimmy's Hall nous plonge dans l'Irlande des années 30. De retour après 10 ans d'exil forcé aux USA, Jimmy Gralton revient dans son village pour y mener une vie tranquille. Ses amis n'en croient pas un mot... et ils ont raison. Bien vite, Jimmy va relancer le projet qui avait été la cause de son exil : un dancing culturel. Son crime ? Proposer un lieu de divertissement et d'éducation populaire en dehors du giron de la toute-puissante Eglise catholique. Et cette fois, en plus, il ramène avec lui d'Amérique, le jazz !

Un bras de fer va alors s'engager entre Jimmy et ses opposants : les riches propriétaires terriens et l'Eglise, en la personne du redoutable père Sheridan. Le face-à-face entre Jimmy et le prêtre est d'ailleurs au coeur du film et réservent plusieurs des plus belles scènes. Tout les oppose... mais on sent poindre de part et d'autre un certain respect. Le père Sheridan le dit d'ailleurs explicitement à plusieurs reprises (et notamment dans une scène forte à la fin du film alors que tous insultent Jimmy lorsqu'on l'arrête pour l'expulser d'Irlande). Jimmy le laisse entendre quand il dit encore préférer le père Sheridan au père Seamus parce qu'il va au bout de ses convictions.

En tout cas, l'Eglise catholique irlandaise n'apparaît à nouveau pas sous son meilleur jour (après Philomena)... Les incitations à la haine en plein sermon, les délations publiques du prêtre sont détestables. Mais le discours du père Sheridan en chair sur le jazz « cette musique venue de l'Afrique la plus noire, qui enflamme les passions » me rappelle certains discours entendus encore parfois, à propos d'autres musiques... L'Eglise, les chrétiens, sont-ils capables d'accueillir les nouveautés autrement que par le rejet de principe ?

Cette histoire humaniste, baignée de musique irlandaise et de jazz, sur fond de crise et d'inégalités sociales, sonne étrangement d'actualité... Et même si finalement Jimmy Gralton est à nouveau contraint à l'exil, la belle dernière scène du film est pleine d'espoir.

vendredi 13 juin 2014

Glen More : Il fait bon jouer au pays du whisky et du Loch Ness

Aujourd'hui j'ai envie de donner un petit coup de pouce à un jeu que j'apprécie beaucoup mais qui n'est pas forcément très connu. Et c'est bien dommage ! Glen More est un jeu de développement et de placement de tuiles, sorti en 2010. C'était le premier jeu de Matthias Cramer (auteur depuis des très bons Lancaster et Helvetia). Les joueurs incarnent des chefs de clan écossais qui vont essayer de faire prospérer leur clan en développant leur influence sur les Highlands.

Des tuiles sont disposées les unes derrière les autres sur un plateau central. Le joueur qui est en dernière position sur la piste de tuiles avance son meeple jusqu'à une tuile qu'il ajoute à son territoire, en payant, le cas échéant, le prix requis et en respectant quelques règles de placement. La nouvelle tuile est immédiatement activée ainsi que toutes les tuiles adjacentes, rapportant des ressources ou des points de victoire. Vous pourrez ainsi prendre possession de carrières de pierre, de forêts ou de champs de blé mais aussi des villages, des boucheries, des tavernes ou des distillerie de whisky (on est en Ecosse !), sans oublier des lieux spéciaux (châteaux et lochs... y compris le fameux Loch Ness !) qui octroient des bonus. Trois décomptes jalonnent la partie : les joueurs marquent des points en fonction du nombre de tonneaux de whiskhy, de chefs et de lieux spéciaux qu'ils possèdent. Un décompte final intervient en fin de partie, tenant compte notamment de la taille du domaine (avec un malus pour ceux qui ont été trop gourmand en tuile...).

Le jeu est très fluide, tactique et rapide. Le système de récolte des tuiles est malin ainsi que celui du marché. Le jeu est assez tendu : chaque choix de tuile mérite réflexion ainsi que son placement dans son territoire. L'interactivité est présente : il y a de quoi bloquer les adversaires. Le matériel n'est pas extraordinaire mais le prix est plutôt doux pour un jeu de cette catégorie. Le jeu est en allemand, avec un petit peu de texte sur les tuiles mais ce n'est pas handicapant pour les non-germanophones. Et on trouve facilement sur le net la traduction du livret de règles en français.

Glen More est un excellent jeu, dans la catégorie "poids moyen" (au niveau de la difficulté, pas du plaisir !). Si vous avez l'occasion d'y jouer, n'hésitez pas ! Il est d'ailleurs encore trouvable en boutiques spécialisées.

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Glen More, un jeu de Matthias Cramer édité chez Alea

- La page du jeu sur le site de l'éditeur (en allemand)


lundi 2 juin 2014

Deux jours, une nuit : un film d'une bouleversante humanité

Deux jours, une nuit, c'est un drame social, sur fond de crise. Un film malheureusement d'actualité mais duquel transpire une formidable humanité. Le film arrive à éviter une vision manichéenne (les méchants patrons et les gentils salariés !) tout en dénonçant une réalité d'entreprise qui tend à déshumaniser ses employés (leur demander de choisir entre garder leur prime ou y renoncer pour permettre à une employée qui sort d'une maladie de ne pas être licenciée...).

Poussée par une collègue, Sandra obtient un sursit pour un nouveau vote. Elle n'a qu'un week-end pour préserver son avenir. Contrainte à une démarche humiliante en allant demander à ses collègues de renoncer à leur prime pour lui permettre de conserver son travail. Des collègues qui sont aussi bien souvent dans une situation personnelle compliquée.On suit alors le combat de cette femme fragilisée par la longue maladie qu'elle a traversée, mais admirablement soutenue par son mari. J'ai d'ailleurs énormément aimé la justesse de cette relation de couple, les tensions, les doutes de la femme, la persévérance de son mari, les souffrances partagées, la relation qui évolue...

Les différentes réactions rencontrées par Sandra interrogent notre capacité à être solidaire, une solidarité qui coûte. On ne peut s'empêcher de se le demander : comment aurais-je réagi dans la même situation ? 

De plus, le film réussit à proposer une fin d'où naît une véritable lumière, un espoir, sans tomber dans la facilité d'un simple happy end qui aurait été peu réaliste. 

Deux jours, une nuit est un film d'une formidable humanité, porté par une remarquable Marion Cotillard et filmé avec une grande justesse par les frères Dardenne.

lundi 26 mai 2014

X-Men : Days of Future Past. Synthèse convaincante de deux générations de X-Men.

Le retour de Bryan Singer aux manettes d'un X-Men, c'est quand même un petit événement. Il avait réalisé les deux premiers X-Men, les meilleurs de la première série, avant que l'intérêt cinématographique retombe. Days of Future Past bénéficie du coup de jeune apporté par le précédent opus (X-Men : Le Commencement) tout en permettant de retrouver plusieurs acteurs de la première trilogie. Et on ne boude pas son plaisir de voir réunis les deux générations de X-Men, même si la nouvelle génération (plus Wolverine !), se gardent la part du lion. Patrick Steward en Professeur X et Ian McKellen en Magneto, ça le fait quand même toujours ! Même si James McAvoy et Michael Fassbender sont très bons... 

Days of Future Past est sans doute l'opus le plus sombre de la série. La vision post-apocalyptique du début du film rappellent les camps de concentration (référence centrale dans X-Men : Le Commencement) et marque l'échec de la cohabitation entre les mutants et les non-mutants. C'est le thème central de la franchise... Dans le futur, le Professeur X et Magneto sont enfin réunis, mais trop tard... Le seul espoir est de retourner dans le passé pour changer le cours de l'histoire. 

Dans l'ensemble, le scénario tient la route. Il ménage quelques scènes d'actions spectaculaires (quand Magneto déplace un stade de baseball entier !), avec de très bons effets spéciaux, un peu d'humour bienvenu, des références aux précédents films pour les fans et une façon amusante de revisiter l'histoire à la sauce X-Men (avec, évidemment, la guerre du Vietnam et l'assassinat de JFK...). 

Le thème, classique en SF, du voyage dans le temps est traité de façon cohérente, avec en son centre la question de savoir si l'histoire est immuable, si nous sommes soumis à un destin que nous ne pouvons changer ou si nos choix peuvent modifier le cours de l'histoire. Evidemment, dans un film de SF, on peut revenir en arrière... mais ce n'est pas pour autant facile de changer le cours des événements ! 

Bref, Days of Future Past est un blockbuster plutôt intelligent, sans doute un des meilleurs de la franchise X-Men En attendant la suite (un conseil : restez jusqu'à la tout fin du générique...) !

lundi 19 mai 2014

Godzilla : un kiff de malade !

En allant voir le dernier Godzilla, je m'attendais à en avoir plein les yeux. Eh bien, c'est réussi. Et même au-delà de ce que j'espérais.

L'histoire de base de Godzilla, on la connaît. Un monstre géant dévastateur surgit des profondeurs et sème la terreur. Il tire sa force de l'énergie nucléaire... Mais ici, tout n'apparaît pas de façon aussi ridicule que dans la version de Roland Emmerich il y a quelques années. Le scénario est franchement bien foutu, il réserve plusieurs surprises (vous verrez que des personnages inattendus meurent... et parfois assez rapidement dans le film !) et permet même quelques prolongements dans la réflexion. Il faut dire que Gareth Edwards, le réalisateur, avait déjà prouvé avec son précédent film, Monsters, qu'il pouvait proposer des films de monstres différents et intelligents !

Dès le générique de début, le ton est donné : des images en noir et blanc, vraies et fausses images se mélangent habilement pour créer un sentiment de suspicion : on nous a caché la vérité ! Les monstres sont énoooormes et terrifiants. Vraiment. Peut-être encore plus que dans Pacific Rim. Les effets spéciaux sont spectaculaires. Plusieurs scènes sont à couper le souffle (sur le pont de chemin de fer ou lors de l'opération commando où les soldats sont parachuté en pleine bataille des monstres).

Et puis on retrouve les incontournables des films catastrophes : les familles déchirées, les enfants en danger et à la merci des monstres, des héros prêts à se sacrifier. Tout est bon pour générer la tension, par exemple en suggérant sans montrer (à la façon de Spielberg : on lit sur le visage d'un personnage sa réaction à ce qu'il voit avant de voir ce qu'il voit)... Le tout avec des références aux traumatismes issus de l'histoire récente : le 11 septembre, le tsunami en Thaïlande, Fukushima (et Hiroshima)...

Sans faire de Godzilla un film métaphysique (malgré l'usage du fameux Requiem de Ligetti utilisé par Kubrick dans 2001 : l'odyssée de l'espace), soulignons tout de même qu'il soulève plusieurs questions intéressantes et suscite la réflexion. A commencer par la place de l'homme dans la nature (comme Kubrick soulevait celle de la place de l'homme dans l'univers), avec cette réplique d'un des peronnages centraux du film : "L’arrogance de l’homme c’est de penser qu’il maîtrise la nature... alors que c’est l’inverse qui est vrai." Peut-être un bon sujet pour le bac de philo ! Et il faut avouer que dans le film, non seulement les entreprises des hommes sont vouées à l'échec mais en plus elles ne font qu'empirer la situation...

Bon, maintenant il faudra que Gareth Edwards change de registre et fasse autre chose qu'un film de monstre. Mais son Godzilla confirme avec brio, après Monsters, son talent et sa capacité à revisiter le genre. J'attends avec intérêt son prochain film. Et un dernier petit point : Alexandre Desplat fait vraiment de la bonne musique de film !

Bref, courez voir Godzilla. LE blockbuster de l'année jusqu'ici, extrêmement spectaculaire et pas bête du tout. Je vous le dis : ce film, c'est un kiff de malade !

lundi 5 mai 2014

Joe : un drame âpre et violent

On ne connaît pas le passé de Joe (on en apprend juste quelques bribes au cours du film, notamment qu'il a fait un peu de prison) mais on perçoit bien qu'il a été pas mal amoché par la vie. Gary est un ado qui doit assumer seul sa famille : son père est alcoolique et violent, sa mère est une vraie loque et sa soeur complètement effacée, sans doute brisée par un événement qu'on ne connaît pas. Une amitié va se nouer entre les deux, un peu comme une relation père-fils de substitution.

Le film montre le caractère inexorable de la violence dans un monde sans pitié. Joe va essayer de protéger Gary et l'empêcher de tomber dans une spirale de vengeance, lui qui tente sans cesse de contenir sa propre violence. Mais pourra-t-il le faire sans y sacrifier sa vie ?

Dès le début, on sait que ça va mal se finir... et pourtant, les dernières images, très belles, laissent poindre un espoir. [SPOILER] Au début du film, avec son premier job, Gary détruit une forêt, en empoisonnant les arbres. A la fin, avec son dernier job, il plante de jeunes arbres. Symbole d'espoir d'un nouveau commencement ? [/SPOILER]

Le film est porté par un duo d'acteurs exceptionnels. Nicolas Cage donne une incroyable profondeur à Joe et parvient à exprimer toute la violence contenue du personnage. Quant au jeune Tye Sheridan (déjà remarqué dans Tree of Life et surtout Mud), il est vraiment étonnant de justesse !

Joe est donc un film noir, âpre et violent (certaines scènes sont à peine soutenables). Un portrait sans concession d'une Amérique profonde violente et sans pitié. Un film qui interroge : comment se préserver de cette violence ? Et comment échapper à celle qui est héritée de sa famille, ou celle qui nous entoure et nous oppresse ?

mercredi 9 avril 2014

Noé : une vision personnelle, épique et tourmentée du déluge

Le Noé d'Aronofsky n'a rien d'une interprétation fidèle du récit biblique du déluge. Il faut dire que si on se tenait strictement à ce qu'en dit la Bible, il n'y aurait pas suffisamment de matière pour un scénario de film ! Il faut forcément ajouter des personnages et des événements. Et Darren Aronofsky ne s'en prive pas... par exemple avec le personnage d'Ila, recueilli par Noé et élevée comme sa fille, ou avec tous les événements qui se déroulent dans l'arche pendant le déluge ! Il utilise bien quelques matériaux issus d'écrits apocryphes comme le livre d'Enoch (par exemple les Veilleurs, anges déchus descendus sur terre et ayant appris aux descendants de Caïn des sciences leur permettant de construire des armes...) mais il va beaucoup plus loin !

Dans la première partie du film, c'est un peu Noé en Terre du Milieu ! Avec ses géants, ses méchants très méchants, sa magie (le vieux Mathusalem faisant office de Gandalf biblique). Les paysages pré-diluviens sont en réalité post-apocalyptiques : un monde de désolation (on se croirait dans Mad Max) ! La terre est dévastée, surexploitée par les hommes. La vision d'Aronofsy est très sombre. Et d'une certaine façon, elle va s'assombrir encore dans la deuxième partie du film.

En effet, si au début Noé apparaît comme seul fidèle face aux descendants de Caïn sanguinaires et bestiaux, il révèle aussi par la suite une part d'ombre inquiétante, devenant un véritable fanatique froid et insensible. Du reste, Noé est alors vraiment « aronofskien » : un personnage tourmenté et sombre, avec un comportement autodestructeur, à l'image de personnages qu'on rencontrait dansRequiem for a DreamThe Wrestler ou Black Swan.

Et là, on est vraiment loin de la Bible... Mais, on l'a dit, il ne faut pas s'attendre à une adaptation fidèle du récit biblique. En réalité, le récit du déluge n'est que le point de départ sur lequel Aronofsky construit un film à la fois épique et tourmenté. Il se saisit de l'histoire pour en faire ressortir essentiellement un message humaniste et écolo. D'ailleurs, Dieu, appelé le Créateur, est pratiquement absent du film. Sinon lorsqu'il « parle » à Noé par des rêves (qu'il doit quand même s'efforcer d'interpréter) et, bien-sûr, en déclenchant le déluge ! Mais les hommes sont livrés à eux-même, contraints de faire des choix et de les assumer. Le moment où la pluie s'arrête soudain de tomber est d'ailleurs révélateur. Deux interprétations radicalement opposées s'affrontent : celle de Noé et celle d'Ila.

Au niveau de la réalisation, le film offre quelques très belles scènes. Je pense par exemple à la construction de l'arche, avec l'apparition miraculeuse d'arbres (je ne vous dis pas comment...), ou l'arrivée spectaculaire par vagues successives des animaux dans l'arche, ou enfin lorsque Noé, dans l'arche, raconte à sa famille l'histoire de la création du monde... Il réserve aussi bien-sûr quelques scènes spectaculaires (le déluge !). Bons acteurs dans l'ensemble, avec une mention spéciale pour Emma Watson.

Cerise sur la gâteau : écoutez la chanson du générique de fin, envoûtante. Elle est interprétée par Patti Smith, accompagnée par le Kronos Quartett. D'ailleurs, dans l'ensemble, la musique est, je trouve, assez réussie !

Librement inspiré du récit biblique, le Noé d'Aronofsky est finalement un film ambitieux, qu'il ne faut surtout pas juger pour sa fidélité ou non au texte biblique ! C'est une vision très personnelle, le regard d'un non-croyant sur un récit biblique majeur qu'il fait entrer en résonance avec des préoccupations modernes, et qui pose tout de même des questions intéressantes, sur la valeur de l'humanité ou sur la responsabilité écologique. Des thèmes qui, d'ailleurs, ne sont pas absents du texte biblique lui-même !