mardi 30 décembre 2014

Cinéma : mon palmarès 2014

En 2014, j'ai vu 83 films au cinéma (cf. mon tableau Pinterest). Difficile d'en extraire quelques-uns seulement... j'ai essayé toutefois d'en sélectionner dix, pour un palmarès personnel, forcément subjectif, mais que j'assume pleinement.

1. 12 Years a Slave, de Steve McQueen. Incontestablement, le film qui m'a le plus marqué cette année. Par son sujet bien-sûr, basé sur une histoire vraie. Mais aussi pour la remarquable réalisation de Steeve McQueen, sobre, forte, humaine. Un grand film dont on ne sort pas indemne...
2. Her, de Spike Jonze. Pour son scénario génial, pour la performance exceptionnelle de Joaquin Phoenix, incroyablement expressif, et pour la voix unique de Scarlett Johansson.
3. Gone Girl, de David Fincher. Le thriller de l'année, cynique et cruel, réalisé de main de maître par David Fincher. Sans oublier la révélation de Rosamund Pike, formidable dans le premier rôle féminin.

Au pied du podium, trois films coup de coeur :
4. Whiplash, de Damien Chazelle. Un face à face musical époustouflant, au rythme du jazz et filmé comme un combat de boxe. Haletant !
5. Night Call (Nightcrawler), de Dan Gillroy. Un film coup de poing sur les dérives du sensationnalisme en télévision. Jake Gyllenhaal énorme !
6. Philomena, de Stephen Frears. Un drame sensible et fort. Un film bouleversant sur le pardon, avec une Judi Dench exceptionnelle.

Enfin, pour compléter :
7. Mommy, de Xavier Dolan. Un film passionnel, excessif, éprouvant, inventif, passionnant.
8. The Grand Budapest Hotel, de Wes Andreson. La comédie déjantée de l'année. Drôle et inventive... mais pas seulement.
9. Godzilla, de Gareth Edwards. Un kiff de malade ! Un film de genre parfaitement maîtrisé, une fable écolo très spectaculaire.
10. Dawn of the Planet of the Apes (La Planète des singes : l'affrontement), de Matt Reeves. Un deuxième volet de la franchise de la Planète des singes, encore meilleur que le premier. Un vrai film fort... et humain.

Vous remarquerez qu'il n'y a pas de film français dans mon top 10... Pourtant, il y a eu de bons films français en 2014, que j'ai vraiment apprécié. J'en distinguerai trois :
Deux jours, une nuit, des frères Dardenne (même s'ils sont belges...). Un film d'une bouleversante humanité, sur fond de crise.
Hippocrate, de Thomas Lilti. Un film d'utilité publique !
- Les combattants, de Thomas Cailley. Un premier film très réussi, avec deux jeunes comédiens excellents.

Enfin, j'ajouterai deux mentions spéciales à deux films inspirés de récits bibliques :
Noéde Darren Aronofsky
Exodus : Gods and Kingsde Ridley Scott.
Deux films très critiqués dans certains milieux chrétiens, notamment évangéliques... mais que j'ai pour ma part beaucoup aimé. Il ne s'agit pas bien-sûr d'adaptations fidèles des récits bibliques mais de deux visions personnelles, et donc discutables, mais très intéressantes, du déluge et de l'exode.

Une bien belle année 2014 de cinéma !


lundi 29 décembre 2014

Whiplash : Face à face musical époustouflant !

Whiplash est un combat, une lutte haletante au rythme du jazz. Un face à face époustouflant entre un professeur et son élève. Dans la plus prestigieuse école de musique de New-York, tout le monde rêve d'intégrer l'orchestre de Terrence Fletcher. Mais tout le monde le redoute aussi car il est un professeur tyrannique, un vrai dictateur qui pousse ses musiciens dans leurs derniers retranchements, à coup d'humiliations verbales (voire plus) pour les pousser au-delà de leurs limites et atteindre l'excellence. Andrew Neyman, jeune batteur ambitieux, finit par attirer l'attention de Fletcher et intégrer son orchestre. Le film raconte leur face à face.

La réalisation de Damien Chazelle nous emmène dans un tourbillon au rythme du jazz, la musique étant évidemment omniprésente. On est au coeur de l'orchestre, à la place des musiciens, presque à l'intérieur des instruments. On retient son souffle avec Andrew quand il répète seul, au bord de la rupture, jusqu'au sang. Le réalisateur filme aussi le face à face entre les deux personnages principaux comme un match de boxe : les gros plans sur le visage de Fletcher, ses colères et ses humiliations qui résonnent comme des uppercuts, le visage d'Andrew, avec un rictus de douleur, la sueur, le sang. Tout y est. On le voit même sortir d'une répétition éprouvante complètement groggy, comme au sortir d'un ring. Résultat : on termine le film littéralement KO et la tête pleine de musique. Abasourdi et heureux.

Le jeune Miles Teller est très bon dans le rôle d'Andrew mais c'est la performance extraordinaire de J.K Simmons qui laisse sans voix. Son incarnation de ce professeur tyrannique est parfaite. On rit à ses répliques "fleuries" et on est terrorisé aux côtés de ses musiciens face à ses colères et ses humiliations. On est aussi bouleversés quand ses fêlures se révèlent...

Quelques personnages secondaires permettent de poser des questions intéressantes. Ainsi par exemple la discussion dans la famille d'Andrew sur ce qu'est la réussite. Ou la relation d'Andrew avec Nicole : la vie d'artiste en quête de perfection peut-elle s'accommoder d'une vie sentimentale ? Mais c'est la relation entre Andrew et Fletcher qui est la plus développée dans le film et qui pose les questions de la transmission et de la quête d'excellence. Ainsi par exemple, lorsque Fletcher déclare à Andrew combien il hait l'expression "bon boulot" (good job), qui ne peut conduire qu'à la médiocrité. Il faut au contraire pousser les musiciens dans leurs derniers retranchements pour leur permettre d'aller au-delà de leurs limites. Au risque d'aller trop loin et de les pousser à l'irréparable... La recherche de l'excellence justifie-t-elle tous les sacrifices ?

Whiplash est le film à ne pas manquer en cette fin d'année 2014. Un gros coup de coeur.

Five Tribes : intrigues au pays des mille et un meeples

Five Tribes nous emmène dans le pays des mille et une nuits. Le sultan est mort et il faut trouver son successeur. Les joueurs vont donc s'efforcer de s'attirer les faveurs des cinq tribus du sultanat, avec éventuellement l'aide de djinns qu'il pourront invoquer, pour s'emparer du trône.

Five Tribes combine harmonieusement plusieurs mécanismes : enchère, placement, semailles (comme dans l'awalé), placement. Les tours de jeu sont rapides : une première phase d'enchère à un tour pour déterminer l'ordre du tour, une seconde phase de placement où chacun choisit de déplacer tous les meeples d'une tuile, les semant un à un tuile après tuile pour finalement récupérer sur la tuile d'arrivée tous les meeples de la couleur du dernier meeple semé (et prendre le contrôle de la tuile si elle est complètement vidée). En fonction de la couleur des meeples récupérés, on peut effectuer une action. De même avec la tuile d'arrivée. En fin de partie, on marque des points de victoire en fonction des tuiles contrôlées (éventuellement améliorées en y construisant des palais ou en y plantant des palmiers), des djinns invoqués, des meeples récupérés, de l'argent récolté... et celui qui a le plus de points de victoire est proclamé nouveau sultan !

Five Tribes est un jeu tactique et opportuniste. Ici, pas de stratégie à long terme en anticipant une action plusieurs tours à l'avance. Il s'agit de s'adapter à l'évolution du plateau de jeu et savoir saisir les occasions qui se présentent. Il y a bien des choix à faire, le jeu est interactif sans aucun temps mort, tant les tours sont rapides. Le mécanisme des "semailles" est bien utilisé et le jeu est vraiment plaisant. Comme le plateau de jeu est modulable, grâce aux tuiles, et le placement initial des meeples aléatoire, chaque partie est différente. La rejouabilité est donc très grande. Le matériel est très agréable : tuiles épaisses, pléthore de jolis pions en bois, de jolies illustrations. Seul petit bémol, le thème qui, même s'il est sympathique, est plutôt plaqué sur le jeu. Il n'y a pas vraiment d'immersion dans le pays des mille et une nuits...

Au final, Five Tribes se révèle un excellent jeu tactique de "poids moyen". Sans doute la catégorie de jeux qui m'ont donné le plus de satisfaction dans les nouveautés de cette année 2014 (avec Abyss du même Bruno Cathala, cette fois avec Charles Chevallier, et Istanbul de Rüdiger Dorn).


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Five Tribes, un jeu de Bruno Cathala, édité par Days of Wonder
Le jeu sur le site de l'éditeur

mardi 23 décembre 2014

Exodus - Gods and Kings : Un péplum, un vrai. Un grand film épique.

Exodus : Gods and Kings, c'est un péplum, un vrai, obéissant aux codes du genre. Spectaculaire, avec des décors grandioses et des milliers de figurants (à l'ère du numérique, on peut se permettre toutes les folies !), des scènes de bravoure, des combats gigantesques. Mais c'est aussi un film assez sombre et tourmenté.

Un péplum, c'est du spectacle. Et là, on en a pour son argent. Les scènes de combat sont épiques. Les plaies sont très spectaculaires. La dernière, avec la mort des premiers nés, est saisissante. La traversée de la mer rouge emporte tout sur son passage (c'est le cas de le dire !)...

Un péplum, ce sont aussi des héros charismatiques. Moïse et Ramsès, ce n'est pas rien... Christian Bale et Joel Edgerton s'acquittent bien de leur rôle respectif. Pour les seconds rôles, c'est un peu inégal. J'ai aimé Ben Kingsley dans le rôle de Noun, ou John Turturo, à contre-emploi dans le rôle de Sethi. J'aurais aimé voir plus Sigourney Weaver...

Un péplum, c'est enfin une bonne musique. C'est le cas avec la bande originale d'Alberto Iglesias, compositeur attitré de Pedro Almodovar. Il propose une belle partition ample et lyrique, aux accents orientalisants.

Au niveau du scénario, le film est centré sur le destin croisé de Moïse et Ramsès, élevés ensemble comme des frères mais destinés à s'affronter. La trame globale fait référence au récit biblique mais c'est peu de dire que le film prend des libertés ! Comme pour le Noé d'Arronofsky, si vous espérez une adaptation fidèle du texte biblique, passez votre chemin ! Ça ne signifie pas pour autant que la vision personnelle du film soit à repousser d'un revers de la main...

Le personnage de Moïse peut décontenancer le lecteur habituel de la Bible. Le film dépeint un Moïse tourmenté et violent. Même si le film grossit le trait, la Bible dit bien que c'est parce qu'il a tué un Egyptien qu'il doit s'exiler... Et puis il fallait bien quelqu'un qui a une personnalité forte pour conduire les Hébreux hors d'Egypte ! Autre surprise : Moïse dans le film est un athée convaincu qui devient croyant suite à un choc sur la tête ! Le film laisse d'ailleurs planer le doute : Dieu parle-t-il vraiment à Moïse ou s'agit-il d'une hallucination ? Les visions que Moïse a de Dieu et les dialogues avec lui sont-ils réels ou le fruit de son imagination ?

D'ailleurs, la façon de représenter Dieu dans le film est surprenante, et déplaira sans doute à plusieurs (je n'ai, moi-même, pas été pleinement convaincu...). Dieu apparaît en effet à Moïse sous la forme d'un enfant !  Séphora, la femme de Moïse, s'en indigne : Dieu ne peut pas être un enfant ! Et Moïse répond : mais comment doit-il être ? Le choix du film est intéressant quant à la question de la représentation de Dieu, en allant à l'encontre des images traditionnelles. Mais l'enfant du film est tout de même troublant : loin de représenter l'innocence, il apparaît plus comme un enfant capricieux et cruel. Une vision de Dieu finalement assez terrifiante...

Ceci dit, la dernière scène du film peut atténuer cette impression et laisser entendre que la vision que Moïse a de Dieu est marquée par son expérience. Tourmenté au début du film, questionné sur son identité, il voit Dieu comme cet enfant cruel qu'il a du mal à comprendre. Apaisé à la fin du film, ayant retrouvé place au sein de son peuple, il voit Dieu marchant au milieu du peuple, et qui finalement lui sourit. Dans quelle mesure notre vision de Dieu n'est-elle pas marquée par notre expérience, nos doutes et nos questionnements ?

Il y aurait d'autres éléments à commenter, comme par exemple lorsque Moïse, sur la montagne, grave les tables de la Loi. Il dialogue avec Dieu qui lui dit qu'un chef peut toujours flancher alors que la pierre demeure solide. C'est elle, et la Loi qui y est gravée, qui devra guider le peuple désormais. Intéressant...

Globalement, le film propose, à travers une lecture personnelle, une vision noire et violente d'un épisode biblique qui est loin d'être lisse et consensuel. L'image montre avec force une dimension qu'on peut parfois atténuer à la simple lecture d'un texte (ou, pire, avec les images d'Épinal qu'on y associe souvent). Le récit de l'Exode est tout de même dur et violent : il y a bien les dix plaies, y compris la mort des premiers-nés, il y a bien l'engloutissement de l'armée du pharaon dans la mer !

J'avais l'habitude de dire que je n'aimais Ridley Scott que dans ses films de science-fiction (Alien, Blade Runner, et même Prometheus). Je ne peux plus le dire : j'ai aimé Exodus : Gods and Kings ! Pour le film en lui-même, la maîtrise du réalisateur et le spectacle qu'il propose. Mais aussi pour le regard personnel qu'il offre sur le récit de l'Exode, même s'il peut être dérangeant ou discutable !

mercredi 10 décembre 2014

Le Hobbit - La bataille des 5 armées : un bouquet final spectaculaire

Pour clore sa deuxième trilogie en Terre du Milieu, Peter Jackson nous offre un bouquet final spectaculaire et réjouissant. Une fois encore, le film s'écarte passablement du livre original, et c'est tant mieux. Rappelons-le, le Hobbit était un conte pour enfant. Peter Jackson propose une véritable préquelle au Seigneur des Anneaux. Il invente des épisodes, mais il puise aussi dans l'univers complexe et la mythologie créés par Tolkien. Le tout est donc forcément plus sombre que l'ouvrage pour enfants... Il faut bien s'écarter un peu de l'aventure de Bilbo pour préparer le retour de Sauron ! Ca permet d'ailleurs de nous proposer une des scènes les plus réussies du film, dans l'affrontement à couper le souffle entre Sauron et les neuf spectres d'un côté et Elrond, Saroumane et Galadriel de l'autre côté.

Dans un assez  long prologue, tout à fait réussi et spectaculaire, on règle l'affaire de Smaug. Une fois le dragon vaincu apparaît le titre du film : la bataille des cinq armées. Car l'essentiel du film consistera dans cette fameuse bataille. Et Peter Jackson s'en donne à coeur joie. Ca crie, ça cogne, ça s'agite de tous les côtés. C'est épique, spectaculaire, souvent totalement invraisemblable, mais on s'en fiche. On s'éclate ! Visiblement, Peter Jackson a voulu offrir un feu d'artifice en guise d'adieu. Et c'est réussi ! Le film regorge de scènes de combat assez jouissives, de créatures exotiques et de machines de guerre incroyables.

Bien-sûr, il y a l'histoire d'amour assez ridicule entre l'elfe Tauriel et le nain Kili, ou les bons sentiments autour des discours assez larmoyants sur l'amour, genre "l'amour, ça fait mal !". Mouais... J'ai bien aimé par contre la façon d'évoquer la folie paranoïaque s'emparant petit à petit de Thorin lorsqu'il retrouve son trésor, l'orgueil et la fierté qui aveugle les peuples et les poussent à la guerre.

La trilogie du Hobbit restera en-deça de celle du Seigneur des Anneaux. Mais ce dernier opus, le feu d'artifice d'action qu'il propose, conclut de façon convaincante une double trilogie qui fera date, une belle réussite de cinéma à grand spectacle. Avec le retour, à la fin du film, dans la Comté, et notamment la dernière scène, la boucle est bouclée... et je dois dire que j'en ai presque eu la larme à l'oeil ! Le voyage en Terre du Milieu avec Peter Jackson, c'était quand même vraiment bien !

lundi 8 décembre 2014

Mr Turner : Portrait humain d'un génie

Mike Leigh se concentre sur les dernières années de Turner. Il est déjà célèbre et reconnu par ses pairs, malgré ses méthodes peu orthodoxes. Je ne sais pas jusqu'à quel point chaque détail de l'histoire est authentique d'un point de vue historique mais le film dresse un portrait réaliste, et humain, du génial peintre.

C'est un portrait humain, parce que touchant. Notamment dans sa relation avec son père, pleine de tendresse et de complicité. Mais aussi dans la paix que cet homme bourru et finalement très seul trouve auprès de Mme Booth, en secret, dans les dernières années de sa vie.

Mais c'est aussi un portrait humain parce qu'il dépeint Turner avec ses défauts et ses côtés sombres. On pense ici à son véritable reniement de ses propres enfants et de son ex-femme, qu'il traite comme des étrangers. Ou à la rudesse avec laquelle il traite sa gouvernante, visiblement amoureuse de lui.

Le film est aussi passionnant par son évocation du processus créatif. Inlassable dans ses voyages et ses virées en solitaires pour découvrir la nature, capturant ses impressions dans des esquisses qu'il couche sur son carnet qui ne le quitte jamais. Et puis il y a sa passion pour les paysages marins qui le pousse à aller jusqu'à se faire attacher au sommet du mat d'un bateau, au coeur de la tempête, expérience à l'origine, dans le film, de sa célèbre toile "Tempête de neige en mer".

Comme on est dans les dernières années du peintre, les plus radicales dans sa création artistique, le film évoque aussi l'incompréhension du public et des critiques. On y découvre aussi les rivalités entre peintres au sein de la Royal Academy et on sourit face à la pédanterie des amateurs d'art, digressant avec autant d'ardeur sur la culture des groseilles en Angleterre que sur l'art pictural. Autre scène intéressante, la séance chez le photographe où Turner s'inquiète en voyant dans cette nouvelle invention un futur rival dangereux pour les artistes peintres.

Il faut aussi, évidemment, mentionner l'extraordinaire performance de Timothy Spall dans le rôle de Turner, justement récompensé par le prix d'interprétation masculine à Cannes. Il est pour beaucoup dans la réussite du film. Grâce à lui, Turner est, sous nos yeux, incroyablement humain. La galerie de personnages qui gravitent autour de Turner est aussi particulièrement réussie, tout comme la reconstitution historique de l'Angleterre du XIXe siècle.

Mike Leigh n'a pas voulu faire un simple biopic. En se concentrant sur les dernières années du peintre en en choisissant de proposer une succession de tableaux où la contemplation de superbes paysages fait partie intégrante du récit, il nous propose un portrait humain et passionnant d'un des plus grands génies de l'histoire de la peinture.

lundi 1 décembre 2014

Night Call : un film grisant et inquiétant

Lou Bloom gagne sa vie en vendant au noir des métaux volés. Un jour, il tombe par hasard sur un accident de la route. Sur place, au milieu des policiers, il voit des personnes en train de filmer les opérations de sauvetage. Il se renseigne et comprend qu'ils vendent ensuite leurs images aux chaînes de télévisions les plus offrantes. Il se renseigne sur Internet, il se procure une caméra et un appareil qui lui permet d'intercepter les communications de la police et il se lance. Et comme il est bon et malin, il progresse vite et se fait une place auprès d'une chaîne de télé locale. Il devient si bon qu'il arrive sur les lieux du crime avant la police ! Il fournit des images exclusives et spectaculaires... même s'il faut un peu arranger les choses. Jusqu'où sera-t-il prêt à aller ?

Première réalisation de Dan Gilroy, Night Call est un coup de maître. Thriller haletant au scénario implacable, le film nous entraîne dans une fuite en avant tout autant grisante qu'inquiétante. Car Night Call est un film qui dénonce sans concession, avec un cynisme grinçant, les dérives du sensationnalisme dans le traitement de l'information. Manipulation des peurs du téléspectateur, ouverture des journaux sur des faits divers sanglants, choisis de façon partiale (avec de préférence des blancs victimes de minorités ethniques), recherche de l'image la plus spectaculaire, à n'importe quel prix... A cet égard, la scène où on assiste depuis les coulisses de la régie au journal télévisé, avec les instructions de la productrice dans l'oreillette des présentateurs est assez magistrale.

Night Call, c'est aussi un film qui déconstruit de façon assez cruelle le modèle de réussite à l'américaine à la "self-made man". On le voit dans la façon dont Lou Bloom organise son entreprise, dans ses discours à son "associé", dans ses méthodes discutables pour parvenir à ses fins... et la fin du film, que je ne dévoilerai pas, met un point d'orgue à l'ensemble !

Enfin, le film est aussi l'occasion pour Jake Gyllenhaal de faire preuve de son immense talent et lui garantir une probable nomination aux Oscars... Il est absolument énorme dans le rôle principal et incarne à la perfection cet antihéros machiavélique, manipulateur et froid. Une très grande performance d'acteur.

Encore un mot pour un petit coup de gueule contre le titre "français" du film. Le titre original est Nightcrawler. Mais pourquoi proposer comme titre en France : Night Call ? Si c'est pour avoir un titre en anglais, autant garder l'original ! Au Québec, le film s'appelle Le Rôdeur. C'est déjà beaucoup mieux et ça évoque bien le personnage principal du film !

Night Call, ou Nightcrawler, est tout simplement un des meilleurs films de l'année ! A voir absolument.