lundi 31 août 2015

Les secrets des autres : un film d'une grande humanité, sensible et profond

John et Ricky sont mariés et ont deux enfants : Paul, un ado obèse qui évacue les moqueries de ses camarades dans le dessin et Biscuit, une petite fille au caractère bien trempé qui ne cesse de faire l'école buissonnière. Mais l'ombre d'une tragédie, un deuil non surmonté, plane sur la famille. Une visite inattendue va rouvrir les blessures cachées. L'occasion peut-être de trouver une issue.

Le secret des autres (The Grief of Others) est un film d'une très grande humanité, sensible et profond. On n'a aucun mal à s'attacher aux différents membres de la famille, même si le comportement ou les paroles de l'un ou l'autre garde une part de mystère. Petit à petit, le mystère s'éclaircit, notamment à l'occasion de l'arrivée de la fille que John a eue avec sa précédente femme.

Le film aborde des questions graves comme la difficulté de surmonter certains traumatismes, le poids des secrets et des non-dits dans une famille, leurs conséquences sur les enfants, les chemins difficiles du deuil... Mais il le fait sans tomber dans le pathos.

La réalisation de Peter Wang fait preuve d'une gande inventivité. Il favorise une ambiance intimiste, parfois avec des plans sophistiqués, toujours un regard original. Par exemple, la scène d'ouverture est assez énigmatique. On la revoit plus tard dans le film, après avoir compris de quoi il s'agissait. Et là elle devient absolument bouleversante. La façon dont le réalisateur insère les souvenirs au sein du récit du film est très habile. Et la scène finale, merveilleuse, conclut le film d'une façon bouleversante et lumineuse. Les acteurs sont excellents, avec une mention spéciale à la petite Oona Laurence, déjà vue dans La Rage au ventre, qui est assez exceptionnelle.

Les secrets des autres est un film indépendant, à petit budget. Il n'est donc peut-être pas toujours facile de trouver une salle qui le propose. Mais si vous le pouvez, ne ratez pas l'occasion de voir ce petit bijou d'humanité !

Dheepan : formellement abouti mais malaise sur le fond


Un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille fuient le Sri Lanka et la guerre civile sous une fausse identité. Ils ne se connaissent pas mais se font passer pour une famille. Réfugiés en France, ils se retrouvent logés dans une cité sensible.

Dheepan, la palme d'or du dernier festival de Cannes, m'a laissé un sentiment mitigé. Formellement très abouti, je garde un malaise persistant sur le fond.

La réalisation de Jacques Audiard est totalement maîtrisée. La scène d'ouverture est très forte, les scènes d'extrême violence à la fin du film sont même assez exceptionnelles d'intensité. Les deux acteurs principaux, sri-lankais, sont excellents.

Pourtant, le propos du film laisse un goût amer et crée un certain malaise. Dans sa vision univoque de la banlieue. Et surtout avec l'épilogue qui laisse une impression étrange. Il est possible que le réalisateur ait choisi le ton de la fable violente... mais je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression que son propos prête le flanc à une récupération politique assez nauséabonde.

lundi 17 août 2015

Floride : une comédie dramatique sensible et touchante sur un sujet grave

A plus de 80 ans, Claude Lherminier a de plus en plus souvent des oublis, même s'il se refuse à l'admettre. Carole, sa fille, se démène pour trouver des solutions et lui permettre de rester dans sa maison. Mais ce n'est pas facile. Avec son père parfois insupportable, les assistantes à domicile se succèdent. Il ne veut boire que du jus d'orange de Floride et attend la visite de sa seconde fille, qui vit à Miami. C'est en tout cas ce qu'il répète sans cesse...

Adapté d'une pièce de théâtre de Florian Zeller, "Le Père", le film de Philippe Le Guay est une comédie dramatique sensible et touchante. Si on rit souvent, grâce aux dialogues et aux situations cocasses, c'est toujours avec un sentiment mêlé car le sujet est grave. Mais la mise en scène sobre de Philippe Le Guay évite l'excès de pathos pour souligner avec finesse la relation père-fille, bouleversée par la maladie, ainsi que ses conséquences au sein du cercle familial. Le duo à l'écran, formé par Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain, est formidable. Jean Rochefort campe avec une justesse inouïe ce vieil homme petit à petit gagné par la maladie. C'est assez bouleversant.

Autour de la maladie d'Alzheimer, Floride est un film sur la famille, sur les souvenirs et la mémoire, sur l'amour et l'amitié, mais aussi sur le pardon et la réconciliation (une histoire de brouille avec son meilleur ami parcours tout le film) : "On ne devrait jamais de fâcher avec le vin, ou avec ses amis. C'est une perte de temps." (une parole de Claude Lherminier qui fait mouche, à la fin du film).

Le film est peut-être un tout petit peu long, dans la deuxième partie, mais Floride est un film sensible et touchant, une comédie dramatique douce-amère sur un sujet grave, illuminée par la prestation du duo d'acteurs principaux.

mardi 11 août 2015

La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil : thriller étonnant, troublant et déroutant

Dany est une jeune secrétaire. Un jour, son patron lui demande de travailler la nuit pour terminer un travail qu'il doit emporter le lendemain matin. Il lui propose de le faire chez lui, pendant qu'il sort le soir avec sa femme. Le lendemain, son patron lui demande de les accompagner à l'aéroport et de ramener la voiture chez lui ensuite. Mais Dany ne retourne pas à Paris. Elle décide de descendre dans le sud, elle qui n'a jamais vu la mer. Elle aura le temps de ramener la voiture avant le retour de son patron. Personne ne le saura. Sauf qu'au cours de son voyage, elle croise des gens qui prétendent l'avoir vue la nuit précédente ! C'est le début d'un véritable cauchemar pour Dany...

Le film repose sur un scénario diablement efficace, basé sur l'ouvrage de Sébastien Japrisot (que je n'ai pas lu), qui nous tient en haleine jusqu'au dénouement final. Un vrai cauchemar éveillé, savamment entretenu tout au long du film, dans lequel on ne sait jamais vraiment ce qui relève de la réalité ou de la folie. [spoiler] Et même après la résolution finale, je trouve qu'un certain flou demeure. On pourrait se demander si l'explication de son patron est bien la réalité ou si elle ne sort pas de l'imagination de Dany... [/spoiler]

La mise en scène de Joann Sfar est remarquable, très esthétisante, jouant à fond la carte seventies. Et surtout, le réalisateur parvient à nous faire vivre le cauchemar de Dany, entretenant le sentiment de malaise par des images quasi-subliminales, flashbacks ou flashforwards. A noter que le film est servi aussi par une excellente bande originale, autant pour les reprises des années 70 que pour la musique originale d'Agnès Olier. Et puis il y a la jeune Freya Mavor, véritable révélation du film. Cette jeune actrice écossaise, parfaitement bilingue, est à la fois lumineuse, sensuelle et troublante.

Au final, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil (le titre est long... mais colle parfaitement à l'histoire !) se révèle être un excellent thriller, magnifiquement filmé, au scénario extrêmement bien ficelé. Une belle réussite !

vendredi 7 août 2015

Les 4 Fantastiques : un film de super-héros pas comme les autres

Disons-le tout de suite : j'ai trouvé Les 4 Fantastiques bien meilleur que ce qui ressort de toutes les critiques négatives sorties à son sujet. Je n'ai pas lu les comics et je n'ai pas vu les deux précédents films. J'ai donc vu le film sans à priori. Pas facile, avec tous les échos négatifs lus avant même la sortie du film. Comme si c'était joué d'avance et que le film serait raté... Certes, il y a eu des rumeurs, et il semble bien que Josh Trank n'ait pas pu réaliser le film qu'il voulait, devant céder aux impératifs de la production. Mais le film ne mérite pas la volée de bois vert qu'il a récoltée. Loin de là.

Les 4 Fantastiques est un film de super-héros pas comme les autres. Avec moins d'action, moins d'humour mais plus de psychologie. Il tranche avec les réalisations habituelles de ce genre de films. Il choisit de passer plus de temps sur les personnages, leur origine et leur difficulté à accepter leur transformation accidentelle et leurs super-pouvoirs. Alors c'est vrai, le fin du film est un peu vite expédiée. Mais au moins le duel ultime ne dure pas des heures, avec un méchant qui meurt, et qui finalement n'est pas mort et puis qui meurt quand même à la fin... ou pas !

Le quatuor de jeunes acteurs est plutôt convaincant, le méchant, même si on ne le voit pas très longtemps, est vraiment méchant et puissant. La scène dans laquelle les personnages acquièrent leurs pouvoirs est, je trouve, assez réussie. Il y a quand même quelques scène d'actions assez réjouissantes (et pas seulement à la fin du film). Bonne idée aussi d'avoir fait appel à Philip Glass pour la musique. Mais l'intérêt principal du film reste dans les deux premiers tiers où on découvre les personnalités des futurs quatre fantastiques. Le film évoque plusieurs thème intéressants, notamment sur les limites de la science, la quête de toute-puissance, la solitude et l'amitié.

Il est évident qu'on retrouve plusieurs échos au premier film de Josh Trank, le très bon Chronicle (un autre film de super-héros pas comme les autres, avec des jeunes gens qui reçoivent accidentellement des super-pouvoirs qu'ils vont devoir apprivoiser, la tentation de la toute-puissance, la solitude et la solidarité...). Il y a aussi des références au cinéma de David Cronenberg (on pense évidemment à La Mouche !).

Vraiment, les 4 Fantastiques ne mérite pas le flot de critiques négatives qu'il a reçu. C'est un film qu'il faut voir, qui tranche avec les habituels films de super-héros. Espérons simplement que le réalisateur puisse sortir un jour un "director's cut", pour savoir ce que Josh Trank avait vraiment en tête.