lundi 24 février 2014

Only Lovers Left Alive : crépusculaire et fascinant.

Adam et Eve s'aiment depuis des siècles. Il faut dire que ce sont des vampires... Ils sont inséparables, alors même qu'ils vivent à des miliers de kilomètres l'un de l'autre au début du film. Mais un lien invisible les unit. Lui vit à Détroit, c'est un musicien underground, suicidaire et taciturne. Elle vit à Tanger. Enigmatique et forte, elle est sa bouée de sauvetage, raison pour laquelle elle rejoint Adam à Détroit. 

Le film se déroule lentement, au rythme d'une ballade rock sombre et envoûtante. La bande originale du film est d'ailleurs hallucinante ! L'action se déroule majoritairement à Détroit, ville quasi-fantôme qui offre un décor de désolation presque post-apocalyptique. Le film est sombre : tout se passe la nuit, forcément. Tout n'est pourtant pas sans humour, notamment avec l'évocation de grands génies de l'histoire des arts et des sciences... où l'on apprend que les vampires ne sont pas étrangers à leurs chefs-d'oeuvre !

La mise en scène est remarquable, inventive et esthétique, parfois vertigineuse. Tilda Swinton est exceptionnelle (son regard !) et le couple formé avec Tom Hiddleston est parfait (on se demande presque s'ils ne sont pas vampires dans la vraie vie...) : l'aspect fantomatique de leurs déambulations nocturnes, leurs yeux pleins de convoitise à la vue d'une goutte de sang. Car les vampires ont besoin de sang, indispensable pour leur permettre de vivre. Mais ils en ont besoin comme d'une drogue. 

Au coeur du film, il y a l'histoire d'amour entre Adam et Eve. Un amour éternel, fusionnel. Mais un amour troublé par l'arrivée de la soeur d'Eve (Ava !), chien fou incontrôlable qui met en danger ceux qu'elle côtoie, vampires ou humains. 

Mais le film pose aussi un regard désenchanté sur l'humanité. Les deux vampires apparaissent comme des témoins, à travers les siècles, d'une humanité qui s'autodétruit (ils appellent les humains des zombies !). Ça n'est d'ailleurs pas sans conséquence pour leur survie : désormais ils doivent faire attention quand ils se procurent du sang frais, car souvent aujourd'hui, le sang est contaminé (on pense forcément au SIDA...).

Only Lovers Left Alive est donc une fable fantastique sombre, à la fois mélancolique et cynique. Une histoire d'amour romantique en marge d'un monde mortifère. Les amoureux s'appellent Adam et Eve, lui est habillé en noir, elle en blanc. Mais que leur reste-t-il d'humain ? Leur vie éternelle est-elle enviable ? Agonisant, le vieux Marlowe, lui-même vampire, semble soulagé d'enfin mourir ! En tout cas, ils n'ont pas de solution à proposer à l'humanité. Ils luttent pour leur survie, qui passe forcément par le fait de se nourrir du sang des humains. La fin du film en témoigne de façon assez cynique...

L'amour, la vie, la mort. De grandes questions parcourent ce film fascinant. On n'est pas loin du chef d'oeuvre... 

mardi 18 février 2014

Love Letter : quelques cartes suffisent à notre bonheur !

Love Letter est un simple jeu de cartes. Le matériel tient dans une petite bourse élégante : 16 cartes seulement et quelques cubes en bois pour compter les manches gagnées.

Le thème du jeu est... bizarre. Vous devez faire parvenir une lettre d'amour à la princesse. Mais comme elle s'est enfermée dans le palais, il faut utiliser des intermédiaires pour l'atteindre. La carte que vous conservez en main représente la personne qui tient votre lettre d'amour. Le vainqueur est celui qui, à la fin de la manche, a en main la carte du personnage le plus proche de la princesse.

Mais en réalité, le thème, on s'en fiche ! Tout l'intérêt du jeu est dans sa mécanique, extrêmement simple mais efficace. Les cartes ont des valeurs entre 1 et 8 (la princesse elle-même). Chaque joueur en a une en main et au début de son tour il en pioche une autre. Il choisit ensuite laquelle des deux il joue en activant immédiatement le pouvoir de la carte. Les effets sont variés : voir la carte d'un autre joueur, échanger sa carte, essayer de deviner la carte d'un autre joueur, comparer la valeur des cartes, etc... Si on doit défausser sa carte, on est éliminé. Le vainqueur de la manche est soit celui qui est le dernier en jeu soit celui qui a en main, en fin de manche, la carte avec la valeur la plus élevée. 

C'est tout simple ! Mais ça fonctionne à merveille. Pour gagner, le jeu demande un peu de déduction, de mémoire, de bluff, de tactique et de chance. Les manches sont très rapides et, évidemment, très interactives. Les surprises et les retournements de situation ne sont pas rares. 

Love Letter est un petit jeu léger mais très réussi. Et pour un prix mini... Comme quoi, quelques cartes et une bonne idée peuvent suffire à notre bonheur !
-------
Love Lettre, un jeu de Seiji Kanai, édité en français par Filosofia. Page dédiée au jeu sur le site de l'éditeur


lundi 10 février 2014

American Bluff : des acteurs bluffants... le film, moins !

Parmi les favoris pour la prochaine cérémonie des Oscars, cumulant une collection impressionnante de nominations, American Bluff et un bon film... mais qui ne m'a pas complètement emballé.

La restitution des années 70 est pleinement réussie, notamment sur le plan capillaire (la scène d'ouverture est, de ce point de vue, savoureuse) ! Mais incontestablement, le point fort du film, ce sont les acteurs. Tous formidables, avec une mention particulière à un Christian Bale méconnaissable (c'est vraiment lui qui était Batman ?) et une Jennifer Lawrence étonnante (quelle actrice !).

Le film, lui, est plaisant. Mais j'ai trouvé le tout trop bavard et la réalisation un peu brouillonne. Bref, j'ai bien aimé le film... mais je n'ai pas été bluffé !

lundi 3 février 2014

Dallas Buyers Club : un sujet fort et une interprétation exceptionelle

Le film est basé sur un fait réel. Au milieu des années 80, Ron Woodroof est un cowboy dont le quotidien est sexe, drogue et rodéo. Sa vie bascule quand il apprend qu'il est séropositif. Son médecin lui donne 30 jours à vivre... Mais il refuse ce diagnostic : il se rend au Mexique pour se procurer des médicaments non-homologués aux USA. Et il comprend qu'il peut en faire un bizness. Il crée alors un "Buyers Club" : il ne vend pas les médicaments, il les distribue à tous les membres du club... qui paient une cotisation mensuelle de 400 dollars ! Evidemment, ça ne va pas plaire aux laboratoires pharmaceutiques et aux autorités fédérales.

La plongée dans les années 80 rappelle combien le SIDA était alors perçu comme une maladie qui ne touchait que les homosexuels (et beaucoup pensaient que c'était mérité, d'ailleurs !). Il suffit de voir les premières réactions de Woodroof mais aussi et surtout celles de son entourage. Il y a d'ailleurs une réplique cinglante, au moment où Rayon (Jared Leto), va voir son père qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Ce dernier, dans un soupir, dit la formule "Seigneur, aide-moi.." et Rayon répond : "Il le fait : j'ai le SIDA !" Terrible...

Le film aborde aussi les problèmes que posent les enjeux financiers liés à l'industrie pharmaceutique, même si le combat de Woodroof contre l'administration n'est pas le coeur du film. L'acharnement inhumain de l'administration pour protéger ses intérêts sans tenir compte de la détresse des malades est souligné par le discours désabusé du juge, au moment du verdict suite à la plainte de Woodroof.

La mise en scène de Jean-Marc Vallée évite le pathos. Aux antipodes d'un film comme Philadelphia, sur un thème similaire, qui lui, faisait dans le lacrimal à l'excès. Et je dois avouer que je préfère l'option choisie ici...

D'ailleurs, un aspect du film m'a frappé : la mort n'y est jamais montrée en face. Comme si on voulait la cacher, l'ignorer, la refuser. A l'image de Woodroof qui veut vivre alors qu'on lui annonce sa mort prochaine. Elle est toujours évoquée indirectement : le film s'arrête avant la mort de Woodroof, d'autres personnages meurent au cours du film mais leur mort n'est jamais filmée. La scène d'ouverture donne d'ailleurs le ton : d'un côté, Woodroof en plein ébat sexuel, de l'autre, un cowboy en train de faire du rodéo et qui tombe, puis est piétiné par le taureau. La scène se termine avec l'homme au sol, inanimé. On ne sait pas s'il est mort ou juste inconscient mais le symbole est là. Le sexe, la mort... le SIDA.

Dallas Buyers club est un film fort, non seulement de par son sujet mais aussi grâce à l'interprétation exceptionnelle de Matthew McConaughey et de Jared Leto. Ils incarnent de façon étonnante cette rencontre improbable entre un cowboy macho et homophobe, et un traversti homosexuel. Ou comment le SIDA, la détresse existentielle qu'il produit, l'isolement qu'il génère dans la société, peut finir par lier d'amitié deux hommes que tout oppose. D'ailleurs, plus largement, on perçoit bien que ce qui est d'abord un bizness, devient petit à petit plus que cela, l'expression d'une vraie solidarité et d'un combat pour la vie, malgré le SIDA.