lundi 28 novembre 2016

La fille de Brest : un passionnant thriller pour le combat admirable d'une femme

Le film évoque le combat du docteur Irène Frachon, pneumologue à l'hôpital de Brest, contre le laboratoire pharmaceutique Servier, dans l'affaire du Mediator, ce médicament utilisé comme coupe-faim mais qui provoquait des lésions cardiaques au niveau des valves, ayant causé la mort de plusieurs centaines de patients en France.

Le récit commence au moment où les premiers soupçons se confirment et se termine avec la grande exposition médiatique suite à la publication du livre d'Irène Frachon. Le film évoque les étapes de ce combat de David contre Goliath, ses rebondissements, ses conséquences... On évoque le quotidien de la petite équipe de recherche brestoise, l'aide inattendue et secrète d'un homme travaillant à la CNAM, celle d'une journaliste, mais aussi les intimidations et pressions en provenance du laboratoire pharmaceutique, et leur cynisme glaçant.

Très proche de la réalité des faits, le film n'est pourtant pas du tout un pseudo-documentaire mais il se regarde comme un véritable thriller, haletant et fort, grâce notamment à la réalisation remarquable d'Emmanuelle Bercot. Le scénario prend le temps aussi d'évoquer le versant intime, avec les relations aux sein de l'équipe de recherche mais aussi et surtout dans la famille de l'héroïne du film. Car elle finit par embarquer toute sa famille dans son combat, recevant notamment un soutien essentiel de son mari (il y a plusieurs scènes extrêmement touchantes à ce sujet). Enfin, Sidse Babett Knudsen donne une énergie incroyable au personnage d'Irène Frachon.

La fille de Brest est un film qui témoigne qu'une femme déterminée et généreuse, avec quelques individus prêts à se battre et prendre des risques, peut faire triompher la vérité. Ne serait-ce que pour cela, le film mérite d'être vu ! Mais en plus, c'est tout simplement un excellent film, haletant, bien joué et réalisé. A voir, absolument.

lundi 14 novembre 2016

Le client : un drame riche et profond

Contraints de quitter leur appartement parce que leur maison menace de s'écrouler à cause de travaux, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement provisoire. Un soir, Rana se fait agresser. Elle a ouvert la porte en croyant que c'était son mari qui rentrait. Les voisins soupçonnent que le coup a été fait par un "client" de la précédente locataire, une femme aux moeurs dissolues...

Asghar Farhadi est maître dans l'art d'évoquer les drames domestiques à la manière d'un thriller intimiste. C'est encore le cas ici. Le film est aussi magnifiquement interprété par les deux acteurs principaux (Shahab Hosseini et Taraneh Alidoosti). Le drame est pesant, le scénario habile, sujet à plusieurs niveaux d'interprétation.

Ainsi, le film commence avec un bâtiment qui menace de s'écrouler et se poursuit avec un couple qui va se fissurer suite à un drame. Le refus de parler, la quête de vérité, la sauvegarde des apparences, le poids de la honte, la pulsion de vengeance... tout cela va les fragiliser. Jusqu'à la dernière scène, lourde de sens, reflet sans doute de l'état de leur couple, ou le mari et la femme se font face, le regard absent, en train de se faire maquiller avant d'entrer en scène (ils jouent dans une troupe de théâtre).

Au-delà du drame intime qui se joue devant nos yeux (avec sa dimension universelle), le film peut-il aussi être une métaphore de la société iranienne ? Ainsi, il y a une référence à la censure, à propos de la pièce de théâtre que la troupe est en train de monter. Et une scène où l'un des comédiens éclate de rire lorsqu'une comédienne dit, dans sa réplique, qu'elle ne peut pas sortir parce qu'elle est nue... alors qu'elle porte un imperméable (il est impensable qu'une comédienne iranienne puisse être dénudée).

Sans doute moins fort que ses deux précédents films (Une séparation et Le passé), Asghar Farhadi réussit quand même avec Le client un drame riche et profond.

Tu ne tueras point : un formidable film de guerre, hallucinant sur le champ de bataille

Le film raconte l'histoire de Desmond Doss, héros de la deuxième guerre mondiale. Le jeune Desmond voulait servir son pays et il s'est donc engagé dans l'armée mais en tant qu'objecteur de conscience : il veut devenir infirmier mais refuse absolument de porter une arme. Fidèle à ses convictions jusqu'au bout, il sauvera seul des dizines de blessés sur le champ de bataille à Okinawa.

La première partie est classique, sur l'enfance de Desmond, sa relation avec son frère, ses parents, sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme. C'est bien fait mais classique. A noter toutefois la fort belle interprétation de Hugo Weaving dans le rôle de Tom Doss, le père de Desmond, survivant ravagé et alcoolique de la première guerre mondiale.

Vient ensuite le temps de l'instruction militaire pour Desmond qui devra tenir bon face aux incessantes humiliations qu'il subira, pour rester fidèle à ses convictions et refuser, au risque de passer en cour martiale, de porter une arme. Andrew Garfield est très bien mais ce n'est pas forcément la partie la plus intéressante du film.

La dernière partie du film, par contre, est proprement hallucinante. Dès le moment où on se retrouve sur le champ de bataille, le film devient incroyable. On n'avait pas vu de scène de guerre aussi spectaculaire et immersive depuis la scène du débarquement dans le Soldat Ryan de Spielberg. C'est impressionnant, violent, sanglant, filmé avec un sens de la mise en scène ahurissant : on est au milieu du combat, scotché sur son fauteuil. C'est toujours troublant de réaliser combien l'horreur absolue de la guerre est aussi cinégénique...

Et il faut avouer que l'histoire de Desmond Doss est incroyable. Alors que toute sa compagnie a battu en retraite, il reste, seul, sur le champ de bataille, pour aller chercher un à un ses camarades blessés et les faire descendre par une corde au pied de la falaise. Priant, à chaque fois qu'il en ramenait un : "Seigneur, aide-moi à en sauver un de plus !" Et il en a ramené 75 !

La question de la foi et des convictions de Desmond est bien-sûr au coeur du film. Il faut d'ailleurs noter que ses motivations sont, certes, religieuses mais on apprend aussi petit à petit dans le film qu'elles sont personnelles, à cause de son histoire familiale. On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence de ses convictions, il y a forcément des paradoxes à renoncer à toute forme de violence tout en s'engageant dans l'armée ! Et si sa foi peut paraître parfois un peu naïve (surtout dans la première moitié du film), elle n'en est pas moins d'une force remarquable, suffisamment pour donner du courage à toute sa compagnie ! C'est cette force de conviction que le film souligne et on ne peut qu'être impressionné par ce héros de guerre pas comme les autres, véritable figure christique (un héros prêt à sacrifier sa vie pour sauver ses camarades) qui ne pouvait qu'attirer Mel Gibson.

Tu ne tueras point est un formidable film de guerre, et même un grand film en ce qui concerne les scènes sur le champ de bataille, vraiment hallucinantes !

lundi 7 novembre 2016

Snowden : un passionnant thriller politique, brûlant d'actualité

Snowden évoque l'histoire du lanceur d'alerte Edward Snowden qui, aidé par deux journalistes, a divulgué au public les pratiques de cyber-surveillance liberticides et anticonstitutionnelles des services de renseignements américains.

Oliver Stone, habitué aux films coup de poing (qui ne font pas toujours dans la dentelle...), réalise ici un thriller politique passionnant et plutôt flippant. Son choix de se centrer sur l'homme Snowden est payant et fournit au film ses ressorts dramatiques. Nous suivons le cheminement de ce patriote enthousiaste, qui voulait intégrer les forces spéciales (qu'il a dû quitter pour des raisons de santé), qui se retrouve à la CIA et la NSA parce qu'il est un prodige de l'informatique et qui se voit confronté à des pratiques d'espionnage en dehors de toute loi, à l'échelle mondiale, non seulement envers les puissants mais jusqu'au moindre quidam. Le film évoque l'évolution de Snowden, ses questions, ses doutes, les tensions que tout cela crée dans son couple, et les choix auxquels il a été confronté.

Alors certes, le film n'échappe pas à certains tics d'Oliver Stone, avec quelques discours appuyés, un peu trop moralisateurs, surtout à la fin du film. Mais ça n'entache pas l'impression générale que laisse ce thriller politique très réussit, dans lequel on perçoit la maîtrise du metteur en scène et son style efficace.

Mais surtout, le film est brûlant d'actualité. Non seulement parce qu'Edward Snowden est toujours en vie, réfugié à Moscou, recherché par les autorité américaines qui veulent le traduire en justice. Mais aussi parce que la question de la sécurité et de la liberté est au coeur des discours politiques aujourd'hui. Et le discours selon lequel les citoyens attentent d'abord de la sécurité avant la liberté, on ne l'entend plus seulement aux USA aujourd'hui... et je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle !