lundi 23 mars 2015

Hacker : excellent thriller crépusculaire

Suite à des cyberattaques contre une centrale nucléaire à Hong-Kong et contre un établissement boursier à Chicago, le FBI et les services secrets chinois doivent coopérer pour trouver le hacker malveillant derrière ces attaques. L'officier chinois chargé de l'enquête insiste pour que les américains libèrent un génial hacker alors en prison, Nicholas Hathaway, qui était son colocataire au MIT.

Hacker, c'est un scénario tendu, assez dense voire exigeant mais passionnant. Il y a bien quelques invraisemblances mais peu importe : le film nous garde en haleine jusqu'au bout et réserve plusieurs rebondissements réussis. Le scénario est très contemporain : sur fond de cybercriminalité dans le monde de la finance, avec la menace d'accident nucléaire... et l'ombre du 11 septembre, évidemment.

La réalisation de Michael Mann est remarquable dans des scènes d'actions immersives, caméra à l'épaule. Il fait baigner tout le film dans une ambiance crépusculaire, l'essentiel du l'histoire se déroulant de nuit. Le face-à-face final, au milieu de la foule, est particulièrement réussi, avec sa tension et sons sens esthétique.

Au final, Hacker (Blackhat en titre original) est un excellent thriller, au scénario plutôt exigeant mais haletant, le tout avec la patte personnelle de Michael Mann.

mercredi 11 mars 2015

Selma : un film hommage pour nous mettre en marche


Selma, c'est le nom de la ville à partir de laquelle Martin Luther King a organisé une longue marche, réprimée dans le sang, pour réclamer le droit de vote aux Noirs américains. Une page majeure de l'histoire de ce grand homme.

Disons le tout de suite, malgré la force du propos, je n'ai pas toujours été pleinement convaincu d'un point de vue cinématographique. Après une scène d'entrée choc, j'ai trouvé que le film peinait un peu à démarrer et que le récit souffrait aussi parfois de quelques longueurs. Mais cela ne devrait pas vous décourager de voir ce film, loin de là. Car il nous réserve quelques moments très forts, comme les différentes scènes de marche. Je pense notamment à celle qui a lieu juste après que des gens de tout le pays, y compris des Blancs, ont rejoint le mouvement et lorsqu'à l'initiative de Martin Luther King tout le monde se met à genou, en face des forces de police. Les discours du pasteur baptiste sont aussi des moments forts du film, grâce notamment à l'extraordinaire performance d'un David Oyelowo vraiment impressionnant. La dernière scène du film, avec le discours à Montgomery et l'évocation en parallèle des destins contrastés de différents personnages croisés dans le film est un beau moment d'émotion et clôt le film d'un bien belle manière.

Le choix d'avoir centré le scénario sur la marche de Selma me semble être plutôt un bonne idée, même si cela peut expliquer l'impression que le film peine un peu à démarrer : on prend l'histoire en route ! Mais cette option a le mérite de resserrer l'action sur quelques jours seulement tout en permettant d'évoquer les questions essentielles liées au combat de Martin Luther King : l'égalité des droits pour les Noirs, le racisme, la résistance non-violente... tout en évoquant aussi les tensions en coulisse, que ce soit dans le couple des King ou dans les débats internes quant à la façon d'envisager la lutte.

La réalisation est soignée mais un peu académique. Je n'ai pas non plus toujours été convaincu par les choix musicaux. Par contre, autour du formidable David Oyelowo, les seconds rôles sont très bons, avec une mention spéciale pour Tim Roth, vraiment génial dans le rôle du détestable gouverneur de l'Alabama.

En évoquant la lutte du grand homme qu'était Martin Luther King, Selma offre quelques échos pertinents à nos préoccupations actuelles. L'évocation du racisme effrayant des états du sud dans les années 60 devrait retentir aujourd'hui comme une sonnette d'alarme contre les tentations de certains discours extrémistes et nauséabonds. L'exemple d'une résistance non-violente, inspirée par l'esprit de l'Evangile, peut être vu comme un rempart à la fois contre les tyrannies et contre toutes formes de terrorisme et de violence.

A la suite de Martin Luther King, Selma nous invite à nous lever contre les injustices et pour l'égalité. Alors, en marche !




samedi 7 mars 2015

Black-Out / All Clear : Un diptyque fantastique !


En 2060, le secret du voyage dans le temps a été découvert. Les voyageurs temporels sont des historiens qui se fondent dans la masse et peuvent ainsi observer au plus près les grands événements de l'histoire. Mais ils doivent prendre garde à ne pas altérer les événements et pour cela se garder de certains "points de divergence". Ceci dit, l'histoire semble s'auto-réguler et rétablir d'elle-même son cours au besoin. Mais lorsque plusieurs historiens sont envoyés à différents moments de la deuxième guerre mondiale, leurs programmes de sauts temporels ayant été modifié à la hâte, les choses ne semblent pas se passer comme prévu... Et s'il était possible, finalement, d'altérer le cours de l'histoire ?

Black Out et All Clear constituent un diptyque passionnant, à mi-chemin entre le roman historique et le roman de science-fiction. Le lecteur est tenu en haleine tout au long de la lecture de ces deux pavés (1700 pages au total) qu'on dévore avec délice.

Le premier volume, Black-Out, développe plus le côté historique. Fruit d'un passionnant travail de recherche de l'auteur, Connie Willis, le roman nous plonge dans le quotidien d'hommes et de femmes ordinaires au milieu de la guerre. On a l'impression de découvrir "de l'intérieur" la période terrible du Blitz à Londres et ses innombrables bombardements, la vie des londoniens malgré tout, les séjours presque quotidiens dans les abris, les solidarités qui naissent... On découvre aussi les préparatifs du débarquement en Angleterre, avec le travail d'espionnage et de désinformation pour tromper l'ennemi.

All Clear, le second volume, développe beaucoup plus l'aspect science-fiction. Thème classique de la SF, le voyage temporel est abordé avec beaucoup de finesse, emmenant le lecteur dans une enquête haletante à travers le temps, avec ses rebondissements multiples, des soupçons qui se confirment, des fausses pistes, des surprises. On y croise même, ce n'est pas un hasard, Agatha Christie qui apparaît "en chair et en os" dans l'histoire.

Tout au long des 1700 pages du diptyque, on a le temps temps d'apprendre à connaître les personnages et de s'attacher à eux. Leurs histoires, d'abord séparées et offrant plusieurs tableaux du quotidien de la deuxième guerre mondiale, se recoupent ensuite de manière surprenante, jusqu'à une conclusion très réussie, pleine d'émotion.

Black-Out et All Clear proposent une réflexion passionnante sur l'Histoire (avec un grand H) faite de "petites" histoires, celles d'anonymes et de leurs rencontres, de circonstances et de décisions. Une histoire où d'infimes variations peuvent avoir des conséquences incalculables. Des histoires où s'incarnent de différentes façons l'héroïsme, le sacrifice, l'amour.

Aux côtés des personnages principaux, historiens - voyageurs temporels, gravite toute une galerie de personnages secondaires attachants... et le tableau La lumière du monde, où le Christ se tient devant une porte fermée. Véritable personnage du roman, que les protagonistes croisent tout au long de leur histoire, il apparaît comme un reflet des interrogations et des états d'âme de nos héros.

Ne soyez pas rebuté par l'épaisseur des deux volumes : vous allez les dévorer ! Le diptyque Black-Out / All Clear est un véritable chef d'oeuvre qui devrait pouvoir se hisser au niveau des classiques de la SF. A lire absolument ! D'autant que le second volume vient tout juste de paraître en édition de poche...

lundi 2 mars 2015

Birdman : Une leçon de cinéma !


Riggan Thomson est un acteur has been, hanté par le super-héros qu'il a incarné au cinéma et qui l'a rendu célèbre : Birdman. Pour renouer avec la gloire, et pour gagner une nouvelle respectabilité, il tente de monter une pièce de théâtre à Broadway.

Ce film est une vraie leçon de cinéma ! Le réalisateur, Alejandro González Iñárritu démontre une virtuosité impressionnante, avec notamment des plans séquences époustouflants. De même, la façon d'enchaîner les scènes dans un même élan, ou en intégrant des éléments issus de l'univers de Birdman, le tout porté par une bande son remarquable, principalement une partie de batterie seule (cette dernière étant même parfois réellement intégrée dans le film !), tout cela crée une atmosphère onirique envoûtante.

Je me fiche de savoir si le film dresse un portrait réaliste ou pas du petit monde de Broadway ! Je me suis simplement laissé emporter par cette fable cruelle et baroque. Cruelle parce que tout le monde en prend pour son grade : les acteurs, les critiques de théâtre, les journalistes, Hollywood et Broadway, les films de super-héros... Mais aussi baroque grâce à l'imaginaire qui se mêle à la réalité. Le film prend même une tournure finale pleine d'émotion, jusqu'à la superbe dernière image.

Et quelle idée géniale d'avoir choisi Michael Keaton, l'ancien Batman de Tim Burton, pour le rôle titre ! Il est tout simplement extraordinaire. Mais il faut mentionner l'ensemble du casting qui forme une véritable troupe d'acteurs, connus ou moins connus, exceptionnels. On connaît les talents de Edward Norton, Naomi Watts ou Emma Stone, tous trois formidables. Mais j'ai aussi beaucoup aimé la prestation d'Andrea Riseborough, beaucoup moins connue.

Finalement, Birdman est un film qui parle d'amour. Ou plutôt du besoin d'être aimé. Un besoin pollué par la quête de reconnaissance et le monde du spectacle. Une réplique de l'ex-femme de Riggan fait mouche : "Voilà ton problème : tu as toujours confondu l'amour et l'admiration !" Ce n'est évidemment pas un hasard si la pièce que Riggan monte s'intitule "What we talk about when we talk about love" (De quoi parle-t-on quand on parle d'amour).

En tout cas, en sortant du cinéma, je n'avais qu'une envie : revoir le film ! Jusqu'ici, Birdman est pour moi le film de l'année !