Exodus : Gods and Kings, c'est un péplum, un vrai, obéissant aux codes du genre. Spectaculaire, avec des décors grandioses et des milliers de figurants (à l'ère du numérique, on peut se permettre toutes les folies !), des scènes de bravoure, des combats gigantesques. Mais c'est aussi un film assez sombre et tourmenté.
Un péplum, c'est du spectacle. Et là, on en a pour son argent. Les scènes de combat sont épiques. Les plaies sont très spectaculaires. La dernière, avec la mort des premiers nés, est saisissante. La traversée de la mer rouge emporte tout sur son passage (c'est le cas de le dire !)...
Un péplum, ce sont aussi des héros charismatiques. Moïse et Ramsès, ce n'est pas rien... Christian Bale et Joel Edgerton s'acquittent bien de leur rôle respectif. Pour les seconds rôles, c'est un peu inégal. J'ai aimé Ben Kingsley dans le rôle de Noun, ou John Turturo, à contre-emploi dans le rôle de Sethi. J'aurais aimé voir plus Sigourney Weaver...
Un péplum, c'est enfin une bonne musique. C'est le cas avec la bande originale d'Alberto Iglesias, compositeur attitré de Pedro Almodovar. Il propose une belle partition ample et lyrique, aux accents orientalisants.
Au niveau du scénario, le film est centré sur le destin croisé de Moïse et Ramsès, élevés ensemble comme des frères mais destinés à s'affronter. La trame globale fait référence au récit biblique mais c'est peu de dire que le film prend des libertés ! Comme pour le Noé d'Arronofsky, si vous espérez une adaptation fidèle du texte biblique, passez votre chemin ! Ça ne signifie pas pour autant que la vision personnelle du film soit à repousser d'un revers de la main...
Le personnage de Moïse peut décontenancer le lecteur habituel de la Bible. Le film dépeint un Moïse tourmenté et violent. Même si le film grossit le trait, la Bible dit bien que c'est parce qu'il a tué un Egyptien qu'il doit s'exiler... Et puis il fallait bien quelqu'un qui a une personnalité forte pour conduire les Hébreux hors d'Egypte ! Autre surprise : Moïse dans le film est un athée convaincu qui devient croyant suite à un choc sur la tête ! Le film laisse d'ailleurs planer le doute : Dieu parle-t-il vraiment à Moïse ou s'agit-il d'une hallucination ? Les visions que Moïse a de Dieu et les dialogues avec lui sont-ils réels ou le fruit de son imagination ?
D'ailleurs, la façon de représenter Dieu dans le film est surprenante, et déplaira sans doute à plusieurs (je n'ai, moi-même, pas été pleinement convaincu...). Dieu apparaît en effet à Moïse sous la forme d'un enfant ! Séphora, la femme de Moïse, s'en indigne : Dieu ne peut pas être un enfant ! Et Moïse répond : mais comment doit-il être ? Le choix du film est intéressant quant à la question de la représentation de Dieu, en allant à l'encontre des images traditionnelles. Mais l'enfant du film est tout de même troublant : loin de représenter l'innocence, il apparaît plus comme un enfant capricieux et cruel. Une vision de Dieu finalement assez terrifiante...
Ceci dit, la dernière scène du film peut atténuer cette impression et laisser entendre que la vision que Moïse a de Dieu est marquée par son expérience. Tourmenté au début du film, questionné sur son identité, il voit Dieu comme cet enfant cruel qu'il a du mal à comprendre. Apaisé à la fin du film, ayant retrouvé place au sein de son peuple, il voit Dieu marchant au milieu du peuple, et qui finalement lui sourit. Dans quelle mesure notre vision de Dieu n'est-elle pas marquée par notre expérience, nos doutes et nos questionnements ?
Il y aurait d'autres éléments à commenter, comme par exemple lorsque Moïse, sur la montagne, grave les tables de la Loi. Il dialogue avec Dieu qui lui dit qu'un chef peut toujours flancher alors que la pierre demeure solide. C'est elle, et la Loi qui y est gravée, qui devra guider le peuple désormais. Intéressant...
Globalement, le film propose, à travers une lecture personnelle, une vision noire et violente d'un épisode biblique qui est loin d'être lisse et consensuel. L'image montre avec force une dimension qu'on peut parfois atténuer à la simple lecture d'un texte (ou, pire, avec les images d'Épinal qu'on y associe souvent). Le récit de l'Exode est tout de même dur et violent : il y a bien les dix plaies, y compris la mort des premiers-nés, il y a bien l'engloutissement de l'armée du pharaon dans la mer !
J'avais l'habitude de dire que je n'aimais Ridley Scott que dans ses films de science-fiction (Alien, Blade Runner, et même Prometheus). Je ne peux plus le dire : j'ai aimé Exodus : Gods and Kings ! Pour le film en lui-même, la maîtrise du réalisateur et le spectacle qu'il propose. Mais aussi pour le regard personnel qu'il offre sur le récit de l'Exode, même s'il peut être dérangeant ou discutable !
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