Mike Leigh se concentre sur les dernières années de Turner. Il est déjà célèbre et reconnu par ses pairs, malgré ses méthodes peu orthodoxes. Je ne sais pas jusqu'à quel point chaque détail de l'histoire est authentique d'un point de vue historique mais le film dresse un portrait réaliste, et humain, du génial peintre.
C'est un portrait humain, parce que touchant. Notamment dans sa relation avec son père, pleine de tendresse et de complicité. Mais aussi dans la paix que cet homme bourru et finalement très seul trouve auprès de Mme Booth, en secret, dans les dernières années de sa vie.
Mais c'est aussi un portrait humain parce qu'il dépeint Turner avec ses défauts et ses côtés sombres. On pense ici à son véritable reniement de ses propres enfants et de son ex-femme, qu'il traite comme des étrangers. Ou à la rudesse avec laquelle il traite sa gouvernante, visiblement amoureuse de lui.
Le film est aussi passionnant par son évocation du processus créatif. Inlassable dans ses voyages et ses virées en solitaires pour découvrir la nature, capturant ses impressions dans des esquisses qu'il couche sur son carnet qui ne le quitte jamais. Et puis il y a sa passion pour les paysages marins qui le pousse à aller jusqu'à se faire attacher au sommet du mat d'un bateau, au coeur de la tempête, expérience à l'origine, dans le film, de sa célèbre toile "Tempête de neige en mer".
Comme on est dans les dernières années du peintre, les plus radicales dans sa création artistique, le film évoque aussi l'incompréhension du public et des critiques. On y découvre aussi les rivalités entre peintres au sein de la Royal Academy et on sourit face à la pédanterie des amateurs d'art, digressant avec autant d'ardeur sur la culture des groseilles en Angleterre que sur l'art pictural. Autre scène intéressante, la séance chez le photographe où Turner s'inquiète en voyant dans cette nouvelle invention un futur rival dangereux pour les artistes peintres.
Il faut aussi, évidemment, mentionner l'extraordinaire performance de Timothy Spall dans le rôle de Turner, justement récompensé par le prix d'interprétation masculine à Cannes. Il est pour beaucoup dans la réussite du film. Grâce à lui, Turner est, sous nos yeux, incroyablement humain. La galerie de personnages qui gravitent autour de Turner est aussi particulièrement réussie, tout comme la reconstitution historique de l'Angleterre du XIXe siècle.
Mike Leigh n'a pas voulu faire un simple biopic. En se concentrant sur les dernières années du peintre en en choisissant de proposer une succession de tableaux où la contemplation de superbes paysages fait partie intégrante du récit, il nous propose un portrait humain et passionnant d'un des plus grands génies de l'histoire de la peinture.
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