mardi 28 novembre 2023

Sambre : Récit assez sidérant d'une affaire longue de 30 ans

A la fin des années 1980, dans le Nord de la France, des femmes sont violées, toujours avec le même mode opératoire, tôt le matin, le long de la rivière Sambre. Mais la police ne fait pas vraiment le lien entre les faits et le violeur n’est pas inquiété. Il faudra des années pour qu’on parle d’un violeur en série, et des années encore pour que l’enquête aboutisse. En tout 30 ans pour que le violeur soit arrêté, après des dizaines de viols ou d’agressions sexuelles. 

La série est inspirée de faits réels, le cas du “violeur de la Sambre”, Dino Scala, reconnu coupable par la justice de 54 viols et agressions sexuelles entre 1988 et 2018 (il en a avoué une quarantaine) et condamné à 20 ans de réclusion criminelle en 2022. 

Option intéressante du scénario, on connaît très tôt dans la série l’identité du violeur. Cela permet de souligner les multiples loupés de l’enquête, voire les dysfonctionnements incroyables. On y voit aussi, surtout dans les années 80-90, la difficulté de prendre au sérieux la parole des victimes, la tendance et minimiser les faits (est-ce vraiment si grave, une agression sexuelle ?) ou ne pas les nommer pour ce qu'ils sont et négliger leur caractère sexuel. On voit enfin l’aveuglement produit par les a priori, comme le fait qu’un violeur doit forcément être quelqu’un de solitaire, asocial et pervers. Or, en l’occurrence, le violeur est un père de famille, un ouvrier modèle et un entraîneur de foot pour les jeunes, un homme très social et populaire. Un homme que personne, mêmes ses plus proches, ne soupçonnerait. C’est justement ce qui est troublant, tout au long de la série. Le violeur pourrait être notre voisin ou notre collègue, sans qu’on s’en rende compte… 

Mais le fait de connaître très tôt l’identité du violeur permet aussi de se centrer sur les victimes plus que sur le criminel. Et d’évoquer en particulier les conséquences sur elles d’un traumatisme qui ne s’efface jamais. Dans la scène finale de la série, poignante, au début du procès du violeur, on voit le personnage fil rouge de la série, Christine, l’une des premières victimes du criminel, se rendre au tribunal et se retrouver au milieu de tant d’autres femmes, victimes comme elle. C’est sur leur visage que se termine la série. Le violeur, lui, est hors-champ dans son box d’accusé. 

Bien construite sur 6 épisodes d’une heure environ, qui nous permettent de parcourir les 30 années de l’intrigue, la série est très bien réalisée et interprétée. C'est passionnant, troublant parfois, précis sur les faits tout en restant pudique dans sa mise en scène. Trois personnages traversent en particulier les 6 épisodes : Christine, l’une des premières victimes du violeur, interprétée avec beaucoup de force par Alix Poisson, Jean-Pierre Blanchot (Julien Frison), un policier qui débarque tout jeune dans son nouveau poste, qui gravira les échelons pendant 30 ans sans jamais se douter de l’identité du violeur qui était devant ses yeux, et enfin Enzo, le violeur qui passe toujours entre les mailles du filet, interprété par un remarquable, et glaçant, Jonathan Turnbull. 

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Sambre, une série de Alice Géraud, Marc Herpoux, Jean-Xavier de Lestrade
avec Alix Poisson, Julien Frison, Jonathan Turnbull
6 épisodes disponibles en replay sur france.tv 

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