La première bonne idée de Bertrand Bonello, c'est de ne pas avoir fait de son film un simple biopic mais de proposer une vision personnelle, centrée sur 10 ans de la vie de Saint-Laurent, entre 1967 et 1977, avec pour apothéose le défilé de juillet 1976 et la collection opéra-ballet russes. C'est forcément partiel, et partial, mais tellement plus intéressant que le biopic "officiel" et assez insipide de Jalil Lespert sorti en début d'année !
Si les acteurs sont tous très bons (y compris Gaspard Uliel en Yves Saint-Laurent), c'est la réalisation de Bertrand Bonello qui emporte l'adhésion. Il propose un récit elliptique, parfois destructuré, qui peut décontenancer, mais qui nous plonge de façon passionnante dans l'univers d'un génie fragile et tourmenté, à la limite de la folie. C'est l'univers de la haute-couture, ses processus créatifs, le travail de toutes les petites mains, les enjeux financiers (la scène au début du film où l'on voit Yves Saint-Laurent au travail dans son studio de couture est très réussie). C'est aussi l'univers de la nuit, sulfureux et marqué par l'alcool, la défonce, le sexe. Un univers souvent évoqué de manière assez crue dans le film : des scènes à ne pas mettre devant les yeux de tout le monde... C'est aussi l'univers intime d'un homme seul, obsessionnel (son bouddha et sa collection de camées, le chien Moujik), souvent morbide. Un écorché vif.
Bertrand Bonello assume sa vision personnelle. C'est ce qui fait sans doute la force de son film. Dans une scène, Yves Saint-Laurent passe devant le véritable portrait fait par Andy Warhol. La ressemblance entre l'acteur et le personnage historique devient moins évidente et le réalisateur ne le cache pas. Dans le film, Jacques de Bascher dit alors (je cite de mémoire) : "c'est vraiment toi" et ce dernier lui répond : "Non, c'est Yves Saint-Laurent selon Andy Warhol". Saint-Laurent, c'est Yves Saint-Laurent selon Bonello. Et j'ai aimé.
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